Conférence dans le cadre des Congrès scientifiques mondiaux TimeWorld : TimeWorld expose et anime la connaissance sous toutes ses formes, théorique, appliquée et prospective. TimeWorld propose un état de l'art sur une thématique majeure, avec une approche multiculturelle et interdisciplinaire. C'est l'opportunité de rencontres entre chercheurs, industriels, universitaires, artistes et grand public pour faire émerger des idées en science et construire de nouveaux projets.
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Après un Diplôme National des Beaux-Arts à Montpellier, Francesca Caruana étudie l'esthétique à Paris 1-Sorbonne, avec Daniel Arasse, puis la sémiotique de l'art avec G. Deledalle. Docteur en arts plastiques et sciences de l'art, maître de conférences à l'université de Toulouse le Mirail de 1998 à 2005, puis à l'université de Perpignan, où elle vit. Chargée de mission culturelle pour l'UPVD. Initiatrice de la manifestation «Questions d'art» à l'UPVD. Son travail plastique s'appuie sur le rapport entre le hasard et le construit, donnant lieu à une diversité de formes : la fois à des installations réalisées à partir de résidus, d'objets trouvés ou issus de cultures tribales, à des peintures mêlant la gestualité et la rigueur du dessin, et/ou à des versions multimédia.
Conférence : le construit est-il l'unique condition de la perception ?
Lue par Hervé Fischer
29 juin 2022, 13h45 - 14h30 Amphi 24
Une conception matérialiste pourrait nous faire croire qu'il suffit d'être confronté à l'existant pour le rendre visible. La perception dépendrait donc de la seule visibilité de son construit. Si la posture scientifique nous autorise à le penser, elle n'exclut pas pour autant la perception de certains inconstruits, nous obligeant à interroger la relation entre l'existant et le réel. Une approche sémiotique du réel interroge d'une part ce que la construction fonde comme perception commune, et d'autre part la présence d'éléments exogènes et variables dans la construction tels que le cadrage, la sérendipité, l'imaginaire, l'intentionnalité, comme autant de facteurs non visibles, mais qui réduisent la perception du réel à être le miroir de notre culture.
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Si l'art a eu une histoire et s'il continue à en avoir une, c'est bien grâce au travail des artistes et, entre autres, à leur regard sur les œuvres du passé, à la façon dont ils se les sont appropriées. Si vous n'essayez pas de comprendre ce regard, de retrouver dans tel tableau ancien ce qui a pu retenir le regard de tel artiste postérieur, vous renoncez à toute une part de l'histoire de l'art, à sa part la plus artistique.
Je citerai à nouveau Montaigne, dans son Essai II du livre III, l'essai du repentir : "Le monde est une branloire pérenne, je ne peins pas l'être, je peins le passage." Il traduit ce sentiment de l'instabilité universelle du monde. Dans le fond, le cosmos est en train de se défaire et l'univers n'est pas encore là, pour prendre sa place, comme dirait Koyré. Cette instabilité, l'art est là pour la manifester, et très souvent pour en jouer. Ce qu'on doit bien comprendre avec le maniérisme, c'est qu'il a une dimension ludique, le paradoxe maniériste étant très souvent un jeu.
page 173 [...] - Vous reprenez l'argument de cette Américaine qui parle d'"insert prospectif" dans la Vénus d'Urbin et qui y voit une sorte d'emblème du déplacement du toucher vers le voir propre au dispositif d'Alberti.
- Mary Pardo ? Tout à fait. Ce qu'elle écrit est très bien et je regrette presque de ne pas y avoir pensé plus tôt, ou tout seul. C'est exactement ce déplacement, ce retrait du toucher pour le voir que la Vénus d'Urbin nous impose par sa mise en scène. La servante agenouillée touche mais n'y voit rien, nous voyons mais nous ne pouvons pas toucher et, pourtant, la figure nous voit et se touche ...
- Une pin-up. C'est exactement ce que je vous disais. Une pin-up.
- Oh, Charles ! J'y renonce. C'est sans espoir. Vous ne voulez rien voir.
Extrait de "La femme dans le coffre" (d'après La Vénus d'Urbin, Titien, 1538, tableau exposé à la Galerie des Offices, Florence).
Finalement, la Joconde est un de mes tableaux préférés. Il m'a fallu pour l'aimer beaucoup plus de temps que les cinq ans pris par Léonard de Vinci pour la peindre. Moi il m'a fallu plus de vingt ans pour aimer La Joconde. Je parle de l'aimer vraiment, pas seulement de l'admirer. C'est pour moi aujourd'hui l'un des plus beaux tableaux du monde, même si ce n`est pas nécessairement l'un des plus émouvants, quoique, franchement, c'est l'un des tableaux qui ont eu le plus de commentaires enthousiastes, jusqu`à la folie, de la part des gens qui l'aimaient, et cela montre qu'il touche.
C'est vrai, j'y vois beaucoup de choses dans cet escargot : mais après tout, si le peintre l'a peint de cette façon, c'est bien pour qu'on le voie et qu'on se demande ce qu'il vient faire là. Vous trouvez ça normal, vous?

De Giotto, en 1337, à Léonard de Vinci, dont la première œuvre date de 1472, la peinture italienne connaît un profond changement, un bouleversement même, qui touche tous les aspects de la création picturale. Entre les deux « génies », 135 ans seulement s'écoulent et les conditions mêmes du métier de peintre sont radicalement transformées. Les « techniques » ont changé, avec l'introduction de la « peinture à l'huile » qui remplace la « détrempe » et le succès de la toile qui, sur la fin du Quattrocento, tend à se substituer au panneau de bois traditionnel bien que la mutation ne soit pas encore définitive en 1500. Transformation aussi dans les « sujets » abordés par les peintres : le thème religieux demeure prédominant, mais toute la mythologie se voit reconnaître droit de cité, de même que l'histoire antique ; le paysage n'existe pas encore vraiment comme « genre indépendant », mais on le sent s'introduire avec une force grandissante dans l'arrière-plan des images et il enveloppe de plus en plus la « scène » représentée, tandis que les personnages deviennent souvent portraits déguisés... A travers ce renouvellement des thèmes abordés, c'est le « traitement » des sujets qui change ; une souplesse, une variété et une abondance d'invention se développent, qui en arrivent a rendre très rapidement « archaïques » des images « modernes » au moment de leur création. En fait, une vision nouvelle du monde se met au point, qui emporte avec elle une refonte complète de l'image picturale.
(INCIPIT)
Je ne prétends pas que les oeuvres n'auraient qu'un seul sens et qu'il n'y aurait donc qu'une seule "bonne" interprétation....Non, ce qui me préoccupe, c'est plutôt le type d'écran (fait de textes, de citations et de références extérieures) que tu sembles à tout prix, à certains moments, vouloir interposer entre toi et l'oeuvre, une sorte de filtre solaire qui te protégerait de l'éclat de l'oeuvre et préserverait les habitudes acquises dans lesquelles se fonde et se reconnait notre communauté académique.
J'avais commencé à prendre des photos, sans nécessairement savoir ce que je photographiais, car on trouve toujours ce qu'on cherche, alors que quand on ne sait pas ce qu'on cherche, on a peut-être une chance de trouver quelque chose d'inattendu.
p.267
20 La peinture au détail

Parmi les différentes cités où s'élabore la Renaissance, Florence occupe une place effectivement exceptionnelle. Son primat est peu contestable : le nombre des œuvres, leur nouveauté, et surtout peut-être, l'importance de la réflexion théorique dans le travail des peintres, ainsi que le rapport étroit entre peinture, sculpture et architecture, en font le chantier artistique le plus actif de la péninsule. Très tôt, la cité trouve « son » peintre, architecte et sculpteur, Giotto, qui fait faire à l'art un pas immédiatement considéré comme décisif, le poète de la cité l'enregistre moins comme tel :
Credette Cimabue nella pittura
tener lo campo, ed hora ha Giotto il grido
si che la fatna di colui oscura.
« Cimabue se croyait le maître de la peinture, mais aujourd'hui Giotto, en vogue, obscurcit sa renommée, »
Le prestige de la citation dantesque est tel que, pour plus d'un siècle, Giotto est le seul peintre cité comme référence digne des Anciens. Cette vision florentine de la Renaissance s'installe dès lors, et aujourd'hui encore, l'idée que l'histoire de l'art italien s'est faite à partir de Florence et en fonction d'elle, est ancrée dans les esprits.
Je vous vois venir : vous allez encore dire que j'exagère, que je me fais plaisir, que je surinterprète. Me faire plaisir, je ne demande pas mieux, mais, quant à surinterpréter, c'est vous qui exagérez. C'est vrai, j'y vois beaucoup de choses dans cet escargot ; mais, après tout, si le peintre l'a peint de cette façon, c'est bien pour qu'on le voie et qu'on se demande ce qu'il vient faire là. Vous trouvez ça normal vous?