Là, si on se désolait de mes navrants résultats scolaires – je jouais la carte du garçon peu doué de naissance, le raté orgueilleux de l’être, l’humble hypocrite –, on ne m’engueulait ni ne giflait une joue sur laquelle refusait encore de percer le poil de la virilité. Plus je décevais, plus on me chérissait et plus on gémissait. J’étais un chanceux qui ne mesurait pas sa chance. À table, déjeuner ou dîner, mes parents discutaient clientèle exigeante, sinon tatillonne, fidèle un jour, infidèle l’autre (mon père exerçait le métier de tailleur ; il avait le grade nulle part écrit de meilleur artisan de la ville dans sa branche ; ma mère remplissait le rôle de secrétaire et de comptable ; tous deux étaient de haute taille ; elle était fort jolie, il était magnifique, et moi, j’étais moche, pensais-je), ils parlaient affaires donc, ils divergeaient peu d’opinion sur tel ou tel industriel, et si la voix montait, si le ton se faisait sec, c’était sans conséquence sur leur entente.