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Citation de rkhettaoui


C’était quoi, la décence ? Que savais-je encore des mots ? Je truffais mon vocabulaire de tant de mots ronflants qui n’avaient aucun écho en moi. J’étais trop jeune et trop inexpérimenté et j’avais eu une enfance heureuse, du moins protégée, qu’aucun gouffre ne creusait, n’évidait de sa densité, qu’aucun malheur n’avait réduite en lambeaux, alors comment aurais-je su que la plupart des mots sont pétris de nuit ? J’eus peut-être une pensée pour la vieille dame que désormais je négligeais. Ses volets étaient clos. Voici l’immeuble des D. Et si Marc me posait un lapin ? J’entrai dans le hall. Au fond verdissait un jardin. À ma droite, une montée d’escalier au bas de laquelle il se tenait. Prodigieux découpage sur décor de pierre. Tendu, pensais-je, mais sans secret – et là, c’est ce que je pense aujourd’hui. Un garçon de cristal. Coupant. Précieux.
Viens.
Il ne me serra pas la main. Il fit demi-tour et nous montâmes. Tout l’immeuble appartenait à son père, me dit-il, plastronnant. Au troisième étage logeait une de ses tantes, sourde et gâteuse. Ce qui était peut-être faux, mais il la voulait personnage, il voulait avoir quelque chose à raconter. On louait le rez-de-chaussée à un architecte qui prenait souvent des vacances. Nous étions, d’une certaine manière, seuls, car les sourds ont si peu de réalité, les gâteux à peine plus. Depuis longtemps sa tante ne se hasardait plus jusqu’à leur pallier. Disait-il la vérité ? Marc ne pouvait que dire la vérité.
 
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