Chaque heure, chaque jour de plus est un rendez vous avec la faucheuse ou la mère des obus qui tente de nous engloutir à chaque explosion sous un déluge de feu, quand ce n'est pas l'eau qui vient à manquer sous le soleil d'été qui assèche nos gorges, cette eau que nous maudissons lorsqu'elle transforme la plaine en marécage boueux, quand ce n'est pas le vent qui tourne et emplit nos narines de l'odeur des cadavres sans sépultures ou des gaz mortels. Tous les éléments se conjuguent contre nous, mais nous nous cramponnons à la surface comme des marins naufragés sur un bout de bois et une mer déchainée.
Attirés par la chaleur et les vivres, les rats, ces créatures malines et opportunistes, affluent par hordes dans les tranchées. Un calvaire pour les soldats. La nuit, Les rats poussent des cris stridents lors de leurs coïts et de leurs querelles et empêchent le soldat de se reposer. En plus d'être porteurs de parasites, ils grignotent en permanence afin de minimiser la pousse de leurs incisives. Tout est bon pour ces rongeurs : les bottes de cuir, les vestes, les sangles des brelages, les orteils... Ils mangent jusqu'a la chair des morts. Les vivres doivent être suspendus à des cordelettes, car on trouve des rats presque plus gros que des chiens ratiers.