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Citation de SZRAMOWO


Mal ancestral et odieux bégaiement de l’Histoire, la fureur antijuive semble constamment muter ou se réincarner d’époque en époque dans des contextes formidablement différents.

Historiens, sociologues, théologiens, psychologues : beaucoup ont analysé les racines de ce fléau, et tenté de comprendre les contextes politiques, économiques, sociaux ou religieux de son apparition ou de sa résurgence. Moins nombreux sont ceux qui ont exploré la littérature juive pour y lire comment celle-ci interprète le phénomène.

Ce n’est, certes, jamais à la victime d’une violence ou d’une discrimination qu’il revient d’expliquer les causes de la haine qui s’abat sur elle et d’analyser les motivations du bourreau. Faut-il rappeler cette évidence ? L’antisémitisme n’est pas « le problème des Juifs » mais toujours d’abord celui des antisémites, de ceux qui les tolèrent ou les nourrissent. Et d’ailleurs, pourquoi les interprètes des sources juives détiendraient-ils une clé particulière de compréhension de cette haine ?

Ils n’ont pas besoin de posséder ce trousseau pour déverrouiller tout de même quelque chose. La lecture que le judaïsme fait de la haine antijuive offre un point de vue inédit : la parole subjective de celui qui se transmet cette expérience à la manière d’une mise en garde et d’un avertissement aux nouvelles générations, sur la résurgence du mal, et la possibilité de s’en relever. Dans l’interprétation des rabbins, ne se profile pas simplement une grille de lecture de ce qui leur arrive en un temps spécifique de leur histoire, ou le récit de leurs douleurs passées, mais la façon dont ils pensent, à la fois l’origine du phénomène et le dépassement de ses conséquences pour le groupe qui en est frappé. La littérature rabbinique entend offrir aux Juifs la possibilité de redevenir acteurs de leur histoire face à ce qui pourrait encore arriver. Elle offre aussi une lecture originale de la psyché de l’oppresseur, telle que perçue par le vulnérable du système, en quête de protection. Elle n’enferme ni la victime dans sa douleur, ni (et c’est plus surprenant !) le bourreau dans sa haine et c’est le refus de cette fatalité qu’il nous convient d’explorer pour notre temps.

Comment les sages et les textes de la tradition interprètent-ils la colère dont ils font l’objet, et qui s’empare de l’autre de façon chronique ? Existe-t-il une réflexion juive sur la question antisémite ?

C’est à ces questions que ce livre tente de répondre, sous la forme d’une enquête, d’une exploration littéraire dans les sources traditionnelles. Cette haine des Juifs, je l’appelle dans les pages à venir « antisémitisme » même s’il s’agit d’un anachronisme, la littérature rabbinique précédant de près de deux millénaires l’invention du terme dans l’Allemagne du XIXe siècle.
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