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Citation de Partemps


Mais ce qui rend le vrai coloriste rare, c’est le maître qu’il adopte. Pendant un temps infini, l’élève copie les tableaux de ce maître, et ne regarde pas la nature ; c’est-à-dire qu’il s’habitue à voir par les yeux d’un autre et qu’il perd l’usage des siens. Peu à peu il se fait une technique qui l’enchaîne, et dont il ne peut ni s’affranchir ni s’écarter ; c’est une chaîne qu’il s’est mise à l’œil, comme l’esclave à son pied. Voilà l’origine de tant de faux coloris ; celui qui copiera d’après La Grenée copiera éclatant et solide ; celui qui copiera d’après Le Prince sera rougeâtre et briqueté ; celui qui copiera d’après Greuze sera gris et violâtre ; celui qui étudiera Chardin sera vrai. Et de là cette variété de jugements du dessin et de la couleur, même entre les artistes. L’un vous dira que le Poussin est sec ; l’autre, que Rubens est outré ; et moi, je suis le Lilliputien qui leur frappe doucement sur l’épaule, et qui les avertit qu’ils ont dit une sottise.

On a dit que la plus belle couleur qu’il y eût au monde, était cette rougeur aimable dont l’innocence, la jeunesse, la santé, la modestie et la pudeur coloraient les joues d’une fille ; et l’on a dit une chose qui n’était pas seulement fine, touchante et délicate, mais vraie ; car c’est la chair qu’il est difficile de rendre ; c’est ce blanc onctueux, égal sans être pâle ni mat ; c’est ce mélange de rouge et de bleu qui transpire imperceptiblement ; c’est le sang, la vie qui font le désespoir du coloriste. Celui qui a acquis le sentiment de la chair, a fait un grand pas ; le reste n’est rien en comparaison. Mille peintres sont morts sans avoir senti la chair ; mille autres mourront sans l’avoir sentie.

La diversité de nos étoffes et de nos draperies n’a pas peu contribué à perfectionner l’art de colorier. Il y a un prestige dont il est difficile de se garantir, c’est celui d’un grand harmoniste. Je ne sais comment je vous rendrai clairement ma pensée. Voilà sur une toile une femme vêtue de satin blanc ; couvrez le reste du tableau, et ne regardez que le vêtement ; peut-être ce satin vous paraîtra-t-il sale, mat, peu vrai ; mais restituez cette femme au milieu des objets dont elle est environnée, et en même temps le satin et sa couleur reprendront leur effet. C’est que tout le ton est trop faible ; mais chaque objet perdant proportionnellement, le défaut de chacun vous échappe : il est sauvé par l’harmonie. C’est la nature vue à la chute du jour.

Le ton général de la couleur peut être faible sans être faux. Le ton général de la couleur peut être faible sans que l’harmonie soit détruite ; au contraire, c’est la vigueur de coloris qu’il est difficile d’allier avec l’harmonie.

Faire blanc et faire lumineux, sont deux choses fort diverses. Tout étant égal d’ailleurs entre deux compositions, la plus lumineuse vous plaira sûrement davantage ; c’est la différence du jour et de la nuit.

Quel est donc pour moi le vrai, le grand coloriste ? C’est celui qui a pris le ton de la nature et des objets bien éclairés, et qui a su accorder son tableau.

Il y a des caricatures de couleur connue de dessin ; et toute caricature est de mauvais goût.
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