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Critiques de Didier Delome (7)
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Les étrangers

Dans ce deuxième roman, Didier Delome remonte le fil de son enfance négligée et nous dresse le portrait-mosaïque de sa mère, à qui il voue une inextinguible haine.



Tapi dans un recoin d'église, le narrateur assiste au baptême de sa petite-fille, occasion de reconvoquer les siens mais surtout sa mère, par le truchement d'un prénom et des témoignages de ceux qui l'ont connue et aimée. Oscillant entre fascination et nausée, l'auteur se garde d'une mise au point trop précise sur le petit visage, craignant que la prophétie haineuse ne poursuive la lignée en y reconnaissant l'un ou l'autre trait de sa mère.



Le roman nous embarque dans les nuits parisiennes dissolues de l'après-guerre où la belle et ambigüe Françoise capte la lumière et suscite toutes les convoitises. Elle circule en vase clos dans un monde de jet-setteurs à la fureur incandescente de jouir, shootés aux fastes et où, seules la fortune, la jeunesse et la beauté semblent cotées à la bourse des coeurs.



Une silhouette floutée apparaît peu à peu, celle d'une femme éprise de liberté, emportée dans une urgence de vivre, passant de bras en bras, de dépendance en dépendance, en quête effrénée d'une sécurité qu'elle ne peut pourtant s'empêcher de fuir.

Une mère négligente, égoïste, ravageuse identitaire, puissant dissolvant mais aussi révélateur de soi.



Vouée à une fin de vie effroyable, l'ostentation et la superbe laisseront la place au vide absolu de la solitude.



Le titre du roman contient toute la charge de son objet, à la manière d'un noyau qui comprime en lui-même la détresse qui alimente en continu la détestation. Comment aimer cette part de soi qui demeure asséchée, que l'on traîne comme un membre mort ?



"Les étrangers" est un roman fort et touchant, il nous parle d'identité, de filiation, d'une tentative de rapprochement avec cette part de l'autre incorporée en soi qu'il est parfois tout simplement impossible d'assimiler. Et dont on reste irrémédiablement orphelin.



L'écriture de Didier Delome est à la fois rêche et flamboyante. Sublime. Une voix qui n'y va pas par quatre chemins et avance en ligne droite comme un soc entre dans le sol. le narrateur nomme sans s'apitoyer, sans équivoque tout en gardant l'élégance de la pudeur. Comme il procède d'une démonstration, il conclut sur la faillite même de l'entreprise consolatrice, où toute attente n'est depuis longtemps qu'une vaine chimère.



Mais derrière l'acidité sèche de la rancoeur, on entrevoit ce qui fait toute la puissance de ce roman et celle de son écriture: l'usage des mots en lieu et place de ce qui aurait pu advenir, comme tentative ultime de vivre. En cela, ce roman est aussi un fabuleux cri de tendresse et d'amour.





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Les étrangers

Le roman de la honte et du dégoût



«Les étrangers» dont il est question dans ce roman sont les propres parents de l’auteur, né d’une «erreur» et rejeté par une mère qui ne se souciera guère de lui. Comment dès lors se construire une identité…



Le narrateur de ce roman sans compromis vient assister au baptême de Françoise, sa petite fille. Son fils a eu la malencontreuse idée de la prénommer comme sa mère. Une mère honnie à tel point qu’il a failli ne pas se rendre à l’invitation et qu’il se fait le plus discret possible durant la cérémonie. Des sentiments dont le lecteur peut sentir la violence dès les premières lignes: «Ma mère était gouine et je ne souhaite pas à mon pire ennemi d’endurer mon adolescence auprès d’Elle. Longtemps les deux mots qui m’ont le mieux évoqué cette femme ont été honte et dégoût.» Et alors que se déroule la cérémonie religieuse, les souvenirs vont émerger. Ceux de ces années cinquante-soixante, quand les Français «avaient follement besoin de s’amuser et s’étourdir en société. Les salles de spectacle en général, et les cabarets en particulier, étaient très fréquentées. Il y en avait pour tous les goûts et toutes les bourses. Répandues à travers Paris.»

C’est plus précisément du côté de Pigalle que ses parents vont se rencontrer et que vont se jouer les destins des membres de la famille et de leurs amis, amants, maîtresses, compagnons de route. C’est du reste Loulou, l’une des figures de ce monde de la nuit qui va lui raconter comment s’est faite la rencontre entre Paul et Françoise, ses futurs parents, et combien sa naissance n’aura pas été souhaitée. En fait, Loulou servait de rabatteur pour un riche industriel, M. Limonade, et avait convié Françoise et Bruno à les suivre pour une partie fine durant laquelle chacun caressait un dessein propre assez éloigné des fantasmes de l’autre. C’est d’ailleurs autant pour éviter Loulou ou M. Limonade que Françoise et Bruno vont se retrouver en couple, même si Françoise est lesbienne. D’ailleurs très vite chacun va mener une double vie, entre trafics et petits boulots, entre prostitution ou protection d’un partenaire fortuné. Françoise va choisir de suivre Monique, de vingt ans son aînée, et laisser quelques illusions et son fils sur le bord de la route. On comprend sa rancœur: «Lorsqu’on s’est retrouvé confronté au dégoût viscéral de soi durant son enfance; c’est un peu comme une langue maternelle qu’on vous aurait inculquée de force dans votre âme meurtrie.»

Didier Delome, après avoir raconté ses années de galère dans La dèche, son premier roman que l’on peut considérer comme le premier volet de cette histoire, ne se retrouve pas mieux loti dans ce second volume. Enfant non désiré puis rejeté, il va toutefois trouver dans la culture sa planche de salut: «Cela se manifestait, entre autres, par un inextinguible goût pour la lecture. Qui ne m’a d’ailleurs plus jamais quitté. Un point commun incontestable avec ma mère pourtant exécrée.» N’y voyez toutefois pas une bibliothérapie, il s’agit bien davantage ici d’une planche de salut, de celle qui empêche de plonger dans la dépression et le suicide que l’on sent très présents dans ce récit impitoyable où la noirceur recouvre les paillettes et où la haine recouvre la liberté sexuelle. Même si on peut lire entre les lignes une envie de réhabilitation.


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Les étrangers

Dans ce livre autobiographique, on ressent très rapidement la sincérité de l’auteur. Les paroles recueillies de Loulou, le meilleur de sa mère, sont remplies d’humour, de tendresse et de vérité. On découvre une personnalité étonnante, pleine de liberté. En parallèle, il y a le baptême, événement familial dont la mise en place est peu plus lourde. On ressent toute la distance qui existe entre le narrateur et sa famille, cette difficulté qu’il a à voir le présent et le futur. Tout le ramène à sa mère, sa femme avec qui il n’a pas réussi à vivre et exister. Cette douleur, cette déchirure, terrible et profonde, est sous-jacente mais elle ne prend une ampleur touchante qu’à la fin du livre. Une émotion très forte apparaît, comme si l’auteur parlait directement aux lecteurs. Les intermédiaires ont disparu pour laisser la place à un homme marqué à vie. La confession pleine de pudeur et de délicatesse est saisissante. Avant cela, la lecture est marquée par une certaine monotonie malgré une écriture vive, élégante et une langue spirituelle.
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Jours de dèche

« Jours de dèche » (Le Dilettante, 18 euros) est le récit, plutôt gracieux, de sa disgrâce. Pas trace en effet de colère ni d'amertume. Nulle plainte, aucun ressentiment – sinon contre lui-même. Au contraire, une manière de fatalisme bonhomme et la conviction que son malheur est bon à quelque chose.
Lien : http://bibliobs.nouvelobs.co..
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Jours de dèche

” Le paradis je l'ai connu sur terre quand j'étais jeune et beau. Et riche. Lorsque je réussissais tout ce que j'entreprenais. Maintenant que j'ai perdu la partie, tant pis; autant me montrer fair-play et garder la tête haute pour tirer ma révérence et effectuer ma sortie le plus discrètement possible. À condition que cela soit définitif. Pour être débarrassé de tout ça une bonne fois pour toutes. Malheureusement à mon grand regret je n'ai pas ce courage. Et je le déplore. Je suis incapable de franchir ce cap fatidique. Quelque part en moi une force invisible retient mon élan et à l'instant fatal la machine se grippe et je reste en rade. Résidu d'une espèce tenace. “




Après avoir connu une vie d'opulence, ce galeriste parisien perd son prestige et sa fortune. Fini le train de vie dispendieux, la fiesta et autres folies décadentes, bienvenue la galère, et la morosité qui l'accompagne. Les cafards ont envahit son espace de vie et même son cerveau. La dépression sème le chaos et après son suicide raté, le mène direct à la rue.





” Je sors par où ils sont entrés. S'en croiser de voisins. La rue est déserte. Je me retrouve assis sur un banc de l'avenue proche où je n'a perçois pas non plus âme qui vive. (...) Ça y est. Je suis à la rue. SDF. Clochard. Même si je n'ai pas encore passé de nuit dehors.



“ 
Malgré tout, une petite fée officie pour lui trouver un toit ne serait-ce que pour un temps. 


” J'ignore ce qui me pousse à persévérer dans cet élan insensé en continuant d'avancer coûte que coûte, alors que j'ai perdu tout espoir d'arriver quelque part où on m'attend et où je serais le bienvenu.”



On ne lui déroule pas le tapis rouge, mais on lui offre un endroit pour dormir, de quoi se retourner. Terminé, on n'épate plus la galerie, on tente de survivre, de relever la tête et de trouver un job. Les jours de dèche ont remplacé les jours de fêtes, les plats préparés les menus cinq étoiles, et pourtant il n'en meurt pas, et trouvera même dans l'écriture un nouvel échappatoire.




Ce que j'en dis :


Ayant connu des jours de dèche, surtout l'année qui a suivi mon accident, j'étais curieuse de découvrir ce qui se cachait derrière ce récit. Personne n'est à l'abri, un rien peut tout faire basculer et vous mener direct à la rue sans un rond en poche.

Cette histoire n'a rien à voir avec la mienne, n'ayant jamais connu son train de vie, ni son compte en banque, mais pourtant j'y ai retrouvé certaines similitudes côté galère. Il est clair que sa dépression puis sa négligence et son laisser-aller l'ont conduit vers le précipice et sans le sou, je ne peux donc pas le blâmer mais compatir à la suite des événements.


Avoir connu la gloire et la richesse, puis finir en chambre de bonne entretenu par les aides de l'état, c'est loin de faire rêver, il fait pourtant toujours partie des privilégiés et garde un toit au-dessus de sa tête. 


À travers ce récit témoignage, l'auteur nous fait part de sa propre expérience et nous offre une satire sociale plutôt réaliste. 


Qui n'a pas connu des jours de dèche ne pourra guère être sensible à cette histoire qui permet pourtant de relativiser.


Tel un phénix, il va renaître de ses cendres, un jour après l'autre et nous faire cadeau de ce premier roman à l'humour caustique et à la langue assez délicieuse et bien agréable à lire. 



 !
Je remercie les éditions Le Dilettante pour ce récit poignant. 

Lien : https://dealerdelignes.wirdp..
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Jours de dèche

Passer de la splendeur à la misère, avant de redevenir, de se reconquérir : traverser la déchéance… Et tout cela avec une langue délicieuse, aux lointains accents intellectuels — et un humour qui rappelle combien l’autodérision importe. Cruciale, même.
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Les étrangers

Un roman qui se déguste : en ces temps troublés, l'intelligence et le talent réconfortent.
Lien : https://www.actualitte.com/a..
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