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Critique de SarahBruxelles


Dans ce deuxième roman, Didier Delome remonte le fil de son enfance négligée et nous dresse le portrait-mosaïque de sa mère, à qui il voue une inextinguible haine.

Tapi dans un recoin d'église, le narrateur assiste au baptême de sa petite-fille, occasion de reconvoquer les siens mais surtout sa mère, par le truchement d'un prénom et des témoignages de ceux qui l'ont connue et aimée. Oscillant entre fascination et nausée, l'auteur se garde d'une mise au point trop précise sur le petit visage, craignant que la prophétie haineuse ne poursuive la lignée en y reconnaissant l'un ou l'autre trait de sa mère.

Le roman nous embarque dans les nuits parisiennes dissolues de l'après-guerre où la belle et ambigüe Françoise capte la lumière et suscite toutes les convoitises. Elle circule en vase clos dans un monde de jet-setteurs à la fureur incandescente de jouir, shootés aux fastes et où, seules la fortune, la jeunesse et la beauté semblent cotées à la bourse des coeurs.

Une silhouette floutée apparaît peu à peu, celle d'une femme éprise de liberté, emportée dans une urgence de vivre, passant de bras en bras, de dépendance en dépendance, en quête effrénée d'une sécurité qu'elle ne peut pourtant s'empêcher de fuir.
Une mère négligente, égoïste, ravageuse identitaire, puissant dissolvant mais aussi révélateur de soi.

Vouée à une fin de vie effroyable, l'ostentation et la superbe laisseront la place au vide absolu de la solitude.

Le titre du roman contient toute la charge de son objet, à la manière d'un noyau qui comprime en lui-même la détresse qui alimente en continu la détestation. Comment aimer cette part de soi qui demeure asséchée, que l'on traîne comme un membre mort ?

"Les étrangers" est un roman fort et touchant, il nous parle d'identité, de filiation, d'une tentative de rapprochement avec cette part de l'autre incorporée en soi qu'il est parfois tout simplement impossible d'assimiler. Et dont on reste irrémédiablement orphelin.

L'écriture de Didier Delome est à la fois rêche et flamboyante. Sublime. Une voix qui n'y va pas par quatre chemins et avance en ligne droite comme un soc entre dans le sol. le narrateur nomme sans s'apitoyer, sans équivoque tout en gardant l'élégance de la pudeur. Comme il procède d'une démonstration, il conclut sur la faillite même de l'entreprise consolatrice, où toute attente n'est depuis longtemps qu'une vaine chimère.

Mais derrière l'acidité sèche de la rancoeur, on entrevoit ce qui fait toute la puissance de ce roman et celle de son écriture: l'usage des mots en lieu et place de ce qui aurait pu advenir, comme tentative ultime de vivre. En cela, ce roman est aussi un fabuleux cri de tendresse et d'amour.


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