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3.25/5 (sur 6 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Ancien galeriste parisien, après des détours par le journalisme, l’édition, la télévision et le théâtre, Didier Delome publie son premier roman, "Jours de dèche", en 2018.

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Citations et extraits (6) Ajouter une citation
INCIPIT
Ma mère était gouine et je ne souhaite pas à mon pire ennemi d’endurer mon adolescence auprès d’Elle. Longtemps les deux mots qui m’ont le mieux évoqué cette femme ont été honte et dégoût. Avant qu’un autre vocable ne s’immisce à leur place, curiosité. Revenons à la honte. Honte d’Elle. Honte d’être issu d’Elle. Ensuite le dégoût. Dégoût d’Elle. Physiquement d’Elle. Puis au fil de ma longue existence d’adulte, beaucoup plus tard, la curiosité. Car j’ai mis un temps fou, après l’avoir fuie si loin et haïe autant, pour réaliser qu’en définitive je ne la connaissais guère et savais bien peu de chose sur Elle. Mais commençons par le début.
Ils sont tous là. Ceux que je reconnais et les autres – que je n’ai jamais vus ou dont je ne me souviens plus mais qui ont sûrement entendu parler de moi un jour ou l’autre – lors de cette cérémonie de baptême dans l’église imposante et sombre que je connais bien, même si je n’y étais pas revenu depuis un bail. La plupart des insignes membres des familles respectives des parents subjugués par le rituel en train de s’accomplir autour de leur progéniture enrubannée d’une fine pellicule de dentelle immaculée. Quant à moi, je me tiens en retrait de ce public de fidèles aguerris et agglutinés que je surveille acagnardé dans la pénombre derrière une mince colonne vertigineuse, à l’abri de toute curiosité intempestive.
L’ambiance générale est recueillie et plutôt distinguée. Il fallait s’y attendre au sein de ce cloaque bourgeois et catholique. Mon regard s’attarde sur Antoine. À son tour revenu d’Amérique. Et marié avec une Française. À l’inverse de moi ayant dû jadis épouser une Américaine. Sa mère. Bien obligé si je voulais alors obtenir ma carte verte. Le sésame afin de demeurer aux USA. À l’origine ce mariage n’était pas destiné à durer. Même si j’avais joué le jeu du mari modèle vis-à-vis des services si tatillons de l’immigration US. Au point d’ailleurs de produire ensemble ces deux magnifiques bambins. Antoine et son frère, Pascal, son cadet d’un an. Tous deux élevés par leur admirable mère. Sur la côte Est. Tandis que je m’installais seul à l’Ouest. En Californie. Sans jamais néanmoins couper les ponts entre nous après notre divorce à l’amiable. Et je dois dire qu’elle s’est toujours montrée à la hauteur pour éduquer sans moi nos deux adorables garçons. En vraie mère juive. Cent pour cent juive mais athée. Ou plus exactement : non pratiquante. En tout cas ni Antoine ni Pascal n’ont été baptisés à mon initiative. Pas plus d’ailleurs qu’ils n’ont fait leur bar-mitsvah. Je ne me souviens même plus s’ils ont été circoncis. Et j’avoue ne jamais avoir eu l’occasion de le vérifier de visu. Mais ils doivent l’être comme la majorité des petits Américains. Du fait d’un diktat hygiénique local et non pas d’une barbare hoirie. Peu importe, j’ignore pourquoi Antoine, mon aîné, a ainsi décidé sur le tard de se convertir au catholicisme en sacrifiant au rituel du baptême juste avant de venir s’installer en France. À Paris. Sans doute afin de mieux nous retrouver tous les deux. Comme si cette conversion récente pouvait nous aider à nous rapprocher. Ou me plaire. Sous prétexte que de mon côté nous sommes de très ancienne obédience chrétienne, et que j’ai moi-même été baptisé après ma naissance, puis dûment envoyé suivre mes cours de catéchisme avant d’effectuer en grande pompe ma communion solennelle. Ici même. À Saint-Jean de Montmartre. À une époque où je vivais à côté d’ici. Chez ma mère qui n’en avait rien à cirer de la religion mais avait suivi les traditions par principe en organisant une petite fête à l’issue de cette cérémonie à laquelle elle avait convié une partie de notre parentèle.
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Lorsqu’on s’est retrouvé confronté au dégoût viscéral de soi durant son enfance; c’est un peu comme une langue maternelle qu’on vous aurait inculquée de force dans votre âme meurtrie. Alors baptiser ainsi sa fille unique Françoise, de la part de mon fils Antoine, c’est comme s’il épelait à tue-tête dans mes oreilles ma pire exécration. Ma mère m’a dégoûté des autres. Physiquement des autres. Et, plusieurs décennies après son décès, j'en souffre encore. Comment ne pas lui en vouloir? p. 252
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Ta mère n’a jamais eu la fibre entrepreneuriale. Se la couler douce de son côté sans rien devoir à personne, cela a toujours été son truc, vois-tu. Et elle était aussi douée pour les petits trafics juteux en tout genre. Sauf bien sûr les trucs illicites réservées aux mafieux ou aux vrais truands. Même si tout comme moi, pourquoi le nier, elle en a aussi beaucoup croisé à l’époque. Entre nous, mon Chou, dans ce quartier nous n’avions guère d’autre choix qu’entretenir des rapports, les plus cordiaux possible, aux ceux qui y tenaient le haut du pavé, si nous ne voulions pas nous heurter frontalement à eux à un moment ou à un autre. A nos risques et périls, si tu vois ce que je veux dire.
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La vie nocturne parisienne, après-guerre, jusqu’à la fin des années cinquante, et même au début des années soixante, battait son plein de manière trépidante. Les gens sortaient le plus possible. La télévision ne les avait pas encore alpagués pour les maintenir calfeutrés chez eux. Ils avaient follement besoin de s’amuser et s’étourdir en société. Les salles de spectacle en général, et les cabarets en particulier, étaient très fréquentées. Il y en avait pour tous les goûts et toutes les bourses. Répandues à travers Paris. Y compris dans les beaux quartiers. Et de Montmartre à Montparnasse. Mais Pigalle et ses alentours concentraient une bonne partie des établissements noctambules un peu coquins exhibant à la fois des filles nues et disposant d’hôtesses accortes chargées de faire danser, et surtout consommer, la clientèle masculine. Parisienne, provinciale, voire cosmopolite, ainsi que tous les michetons en maraude venus s’aventurer seuls ou en groupes, et même parfois en couple, y compris mariés, accourus de toutes parts pour s’encanailler dans le quartier réputé le plus chaud de la capitale.
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Très tôt, l'art et la culture m’ont aussi empêché durant cette sinistre période de cohabitation forcée de trop désespérer de ma vie. Une soif de connaissances s’est mise à enfler en moi pour me protéger de son insatiable curiosité et m’aider à patienter jusqu’à ce que je gagne enfin mon ticket pour la liberté. Cela se manifestait, entre autres, par un inextinguible goût pour la lecture. Qui ne m’a d’ailleurs plus jamais quitté. Un point commun incontestable avec ma mère pourtant exécrée. p.203
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Plus j’y repense et plus cela me turlupine. Comment se fait-il, par quelle opération du Saint-Esprit, que, parmi tous les fichus prénoms féminins de la terre, Antoine – ou sa bonne femme bigote mais je n’y crois pas une seconde – ait ainsi pu choisir d’appeler sa môme Françoise?
Pour m’emmerder. Forcément. Alors là chapeau! Voilà pourquoi il m’a convoqué dans cette nef immense et si terne. Afin de s’assurer que je recevrais son satané faire-part avec ces deux ignobles prénoms gravés dessus. Il a poussé le vice jusqu’à lui attribuer en deuxième prénom Yvonne, qui était aussi celui de ma mère. N’est-ce pas là une preuve irréfutable de son esprit retors? Je ne vois guère d’autre explication plausible.
Affublé de tels prénoms – aussi désuets et laids – ce bébé me répugne. Et si par une folie inimaginable j’avais accepté d’être son parrain, j’aurais été capable de le laisser choir exprès par terre devant le bénitier. Et encore heureux si je ne l’avais pas balancé ensuite contre le mur pour l’y écraser comme un vulgaire cafard avant de le piétiner avec allégresse.
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