Au fond, c'est simple, quelque chose a changé dans ma vie, dans mon identité personnelle, dans la définition de moi-même : j'étais un fils, et je ne le suis plus. Elle vivante, si espacées, si intermittentes qu'aient pu être nos relations, et, au fond, si peu fils que j'aie pu m'efforcer de l'être tout au long de ma vie (disons-le : je ne voulais plus être un fils, cela me pesait), je l'étais toujours, je l'étais malgré tout.
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Désormais, je ne le suis plus. Dans le livre qu'Albert Cohen a consacré à sa mère, pleurant la disparition de celle-ci, on peut lire cette phrase coupante : "Jamais plus je ne serai un fils." C'est comme une fissure qui s'introduit dans l’identité personnelle : avoir été un fils et ne plus l’être.