J’effleure encore la bibliothèque du salon, presque sans m’en rendre compte. C’est le lieu saint, l’autel du foyer. Un exemplaire de la Lolita de Nabokov dépasse, il a été mal rangé. C’est le livre préféré du maître des lieux. J’imagine qu’il a dû le relire récemment.
Mon père est dans la pièce d’à côté, je l’entends préparer le dîner. Il est étouffant de se dire que dans quelques heures je serai partie, a priori définitivement. J’aime cet endroit, je veux y rester. N’est-ce pas naturel ?
Mais il paraît qu’à des centaines de kilomètres, ils ont besoin de moi pour former des « adultes responsables ». De futurs adultes à la syntaxe inévitablement imparfaite, et pour qui l’œuvre de Zola n’est pas grand-chose. Ainsi sera ma vie. Je suis prof, comme mon père.