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Citation de mimo26


Je suis née sous une petite table. Je m’étais cachée là parce que la porte d’entrée avait claqué, c’était que l’oncle rentrait.
L’oncle avait dit : « Renvoie-la à sa mère, ne vois-tu pas qu’elle meurt chez nous ? »
Aucune ambiance autour de moi, pas même de visages, seulement cette voix. Mère, meurt, aucun sens, mais renvoiela, oui, renvoie-la voulait dire mets-la dehors. Renvoie-la voulait dire me mettre à la porte et la refermer.
Bien que protégée par le tapis de table dont les franges effleuraient le sol, j’écoutais très attentivement : des fois qu’ils viendraient me chercher pour me mettre à la porte !
J’étais assise sur les briquettes du sol. Des miettes durcies s’enfonçaient
dans ma peau comme de petits cailloux. Ce premier petit bout de monde emmagasiné par ma mémoire, je le vois comme maintenant je vois ma main qui écrit. Les briquettes rectangulaires couleur croûte de pain, l’une couchée
à plat, l’autre sur chant, faisaient un tissage en chevrons.
Comme plafond, le dessous de la table avec ses traverses de bois ; les quatre pieds unis par des barreaux sur lesquels les gens posaient leurs pieds, plus usés au milieu ; tout cet échafaudage drapé du lourd manteau du tapis de table : que des couleurs nocturnes entretissées de fils d’or ; feuilles noires, fleurs à l’apparence de couleurs mortes, maisons pointues
brodées d’or, dans la partie foncée la moins sombre apparaissaient des têtes de Maures et des yeux étincelants. Le premier fait historique de ma vie, entrelacement de peur et d’émerveillement, eut lieu sous cette table.

La cause de tout, un prêtre. Comment aurait-il pu savoir, lui, que les enfants saisissent plus que les grands ne le supposent ?
Même ceux qui, leurs enfants, les ont faits, ne le savent pas.
Pour les gens bien c’était don Domenico ; pour le commun c’était don Domé. Ma tante disait encore Menghino 1, terme venu d’ailleurs, en train de mourir alors que déjà naissait l’autre : Domé. Elle faisait tout comme une dame, se mêlait au peuple uniquement pour appeler son frère. Lui non, il ne
coupait pas les prénoms, il disait Paolina, lui, il parlait précis comme un dictionnaire. Mais ce qui arrivait à lui, arrivait à elle : une catégorie de gens disait m’dam’ Paolì, une autre madame Paolina.
Nous ne sommes jamais commencés ; personne ne trouvera le piton auquel s’accroche le premier anneau de la chaîne ; sans le chercher, c’est l’Enfant Jésus qui le trouva et dès sa naissance il a déjà l’air de tout voir, de tout savoir ; Lui, c’était un enfant qui pouvait bénir les vieillards. Nous, nous commençons à être avec le premier souvenir que nous rangeons dans notre
magasin. Le lieu où l’on eut les premières alertes de la vie, devient nous-mêmes. Treja fut mon espace, le panorama qui l’entoure, ma vision : terre du coeur et du rêve.
Et pourtant, grandissant là-dedans, son nom me paraissait celui d’une vieille ; j’en avais honte comme j’avais honte de ma tante qui me semblait ridicule et vieille elle aussi : entre nous deux manquait une maman pour servir de marche. Il est clair que cette honte était attachement : on n’a pas honte de qui ne nous appartient pas : ou de nous, ou de qui nous aimons.
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