Et quand Dieu dit qu'il aime, c'est très grave, cela voudrait donc dire qu'il admire. Il semble presque blasphématoire de dire que Dieu puisse aimer sa créature. Comment une idée aussi folle aurait-elle pu jamais sortir d'une cervelle humaine : que Dieu aime sa créature ? Oh ! que le miséricordieux en soit attendri tant qu'il voudra, mais qu'il aime ?
Le mot français "esprit" évoque plutôt le sens du mot grec noûs (c'est-à-dire la fine pointe de l'intelligence) que celui du mot grec pneuma qui désigne d'abord le souffle vital. En latin, le mot spiritus (d'où vient "esprit"), par sa relation perceptible au verbe spirare, n'avait pas perdu sa valeur originelle de "souffle". Si l'on se résigne à traduire en français par "esprit" l'hébreu ruah ou le grec pneuma ou le latin spiritus, on renonce d'emblée aux associations d'images que permettaient ces mots. On ne comprend plus alors pourquoi l'"Esprit" donne la vie ou est appelé "des quatre vents". Cela redevient au contraire intelligible si l'on comprend que cet "esprit" est d'abord un "souffle". Or il me semble essentiel dans une spiritualité biblique de sacrifier le moins possible des images de base en lesquelles toute une conception du monde, non encore formulée au plan philosophique, est sous-jacente.