J'ai définitivement cessé de prendre des notes sur ma vie. Le temps était venu de tirer parti de cette amnésie. Je ne tenais plus à m'agripper aux souvenirs, bien au contraire, l'idée de me débarrasser de tous ces lambeaux, ce millefeuille indigeste qui me servait d'existence, me redonnait espoir. Qu'allais-je oublier, d'ailleurs? Vraies ou fausses réminiscences, souvenirs rapportés et reconstruits, mélange pâteux dont j'aurai toujours à douter. Allais-je continuer de conserver mes vieux cahiers pour les feuilleter de temps en temps et ne rien reconnaître, avoir l'impression de lire une histoire d'une autre ? Non, je brûlerais tous ces carnets, toutes ces listes, toutes ces notes, et sans doute aussi les écrits d'Aireine, j'allais bientôt ne plus en avoir besoin.