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Citation de foxinthesnow


Pour les filles hétérosexuelles, comme l’indique l’enquête de Nathalie Bajos, il y a la double injonction d’être désirable, de plaire et de rester discrète vis-à-vis de soi-même et des autres par rapport au plaisir sexuel, sous peine de salir sa réputation. Pour les garçons, il y a la double injonction de la performance et du nombre de partenaires qui doit, autant que faire se peut, être élevé. Voilà pour la théorie, qui sème les graines de la dysharmonie entre les partenaires sexuels. Dans la pratique cela suppose, pour les garçons comme pour les filles, de n’écouter ni son désir ni son plaisir (mais tant mieux si le hasard fait bien les rencontres). Pour les jeunes femmes, cela revient à céder aux avances sexuelles d’un homme car il leur fait l’honneur de les désirer, et pour les garçons, à considérer que les femmes cèdent parce qu’elles sont consentantes au rapport sexuel qu’on leur propose. (…) Si tu n’as pas dit à quelqu’un, voire à toi-même, que ce gars avec qui tu as couché te dégoûtait, tu as hypothéqué au moment du premier silence tes chances de pouvoir dire d’autres dégoûts ou d’autres violences ultérieures. Si tu as forcé ta copine un peu beaucoup pour qu’elle couche avec toi, et qu’elle a fini par céder, ça t’arrange et tu capitaliseras la reddition de ta partenaire qui sera portée au bilan de tes relations sexuelles réussies.
Rien de mystérieux et d’inévitable dans l’invisibilité et le silence sur les violences subies ou agies, tout est affaire de pratique, donc de logique et de pédagogie. Idem pour la violence psychologique et la violence physique : si tu n’as pas ravalé l’insulte que tu as balancée à la gueule de ton copain qui t’avait énervé, ou contredit l’insulte que tu as reçue de ton copain que tu n’as pas attendu parce qu’il était en retard, tu rends l’insulte admissible.
(…) Le « cycle des violences », schéma d’intelligibilité du phénomène de la violence conjugale décrit par les féministes (montée en tension dans le couple / explosion / transfert où la victime veut s’en aller et l’agresseur s’excuser / réconciliation), se joue bien en amont de la relation dysfonctionnelle entre conjoints. Le tabou sur la violence conjugale s’explique par la gêne généralisée à dénoncer quelque chose qu’on s’est tous habitués à taire et dont la révélation est empêchée par le poids successif des mille et une expériences antérieures de silence. Ajoutez à cela la naturalisation des violences sexuelles (sexistes) pensées comme pulsionnelles, ce qui selon Geneviève Fraisse, joue en faveur de l’absence de volonté politique d’éradiquer le viol (Libération, 9 août 2011), et on voit mal comment les filles et toutes les personnes violées (donc surtout les filles) réaliseraient qu’elles vivent un viol. (p. 62-64)
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