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Biographie :

Dorothée Dussy est anthropologue, chercheuse au Centre Norbert Elias et directrice de recherche au CNRS. Une partie de ses travaux porte sur la pratique de l’inceste dans les familles occidentales.

Elle a décrit comment la sexualité avec des enfants de la famille est finalement courante et tolérée dans les familles en Occident, malgré l’interdit légal, social et moral. Cette recherche a contribué à penser anthropologiquement l’espace domestique et la famille, l’incorporation de la grammaire sociale, la violence comme rapport social, le consentement.

Elle est l’auteure de l’ouvrage "Le berceau des dominations" (Éditions La Discussion, 2013) dans lequel elle restitue l’enquête qu’elle a menée auprès d’hommes condamnés pour inceste, et auprès d’incestés et de leur entourage.
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L'inceste « structure notre société ». Il touche des millions de personnes, mais trop souvent, nous refusons d'en parler. Longtemps considéré comme un tabou, c'est au contraire un fait social majeur, selon Iris Brey, Dorothée Dussy et Juliet Drouar qui publient La Culture de l'inceste (Seuil). C'est notre entretien du jour, en accès libre. Avec le témoignage de Paoline Ekambi, ancienne internationale de l'équipe de France de basket. Mediapart n'a qu'une seule ressource financière: l'argent issu de ses abonnements. Pas d'actionnaire milliardaire, pas de publicités, pas de subventions de l'État, pas d'argent versé par Google, Amazon, Facebook… L'indépendance, totale, incontestable, est à ce prix. Pour nous aider à enrichir notre production vidéo, soutenez-nous en vous abonnant à partir de 1 euro (https://abo.mediapart.fr/abonnement/decouverte). Si vous êtes déjà abonné·e ou que vous souhaitez nous soutenir autrement, vous avez un autre moyen d'agir: le don https://donorbox.org/mediapart?default_interval=o

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Citations et extraits (63) Voir plus Ajouter une citation
Qu'on se le dise, la pratique de l'inceste dans sa forme ultramajoritaire, c'est-à-dire l'usage d'un petit de la famille comme objet sexuel est une spécificité humaine. En l'état des connaissances, aucun individu, dans la grande variété des autres espèces animales, ne prend pour partenaire sexuel un être sexuellement immature. C'est notre petit plus, à nous, humains. Mais c'est un petit plus incroyablement constant. On se rappelle que, quel que soit le pays dans lequel on enquête, les groupes sociaux, le régime politique, la période (puisqu'il ya des enquêtes qui documentent la prévalence de l'inceste sur les soixante dernières années), il y a partout au monde à peu près les mêmes proportions de personnes qui vivent des situations d'inceste. Prévalence stable, structurelle, comme le ratio de filles et de garçons qui naissent chaque année sur la planète. Cela dit, même si le viol des petits est une spécificité de l'espèce humaine, on ne peut pas en déduire pour autant quil marque le passage de la nature à la culture.
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L’échelle de gravité des infractions sexuelles est calée sur une conception masculine du crescendo sexuel. Le droit, rédigé pour une large part par des hommes, est au diapason des incesteurs. (…) En s’interdisant de pénétrer le vagin de leurs fillettes et en lui préférant la bouche, ce père, comme la plupart des incesteurs condamnés pour viol par fellation, cale son idée du préjudice et de la gravité de son geste sur sa propre échelle du plaisir sexuel. (…) Le droit l’entend de la même façon et récompense la retenue des hommes puisqu’il ne considère pas les attouchements comme des viols. Si les gestes sexuels sans pénétration sont passibles d’une sanction moindre parce qu’ils sont considérés comme moins graves (…) c’est en référence au moindre plaisir qu’ils procurent aux hommes. (…) Dans le même esprit, la sanction imposée par la Cour est plus importante quand la victime est un garçon, parce que le viol paraît plus dommageable pour un garçon que pour une fillette. Cette conception du droit et de ce qu’il conçoit comme juste ne va pas de soi. En prenant en compte le point de vue des victimes, on s’aperçoit que l’étendue du préjudice ne dépend pas forcément du type de gestes portés, ou de leur violence, ou de leur durée. (p. 349-350)
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Pour les filles hétérosexuelles, comme l’indique l’enquête de Nathalie Bajos, il y a la double injonction d’être désirable, de plaire et de rester discrète vis-à-vis de soi-même et des autres par rapport au plaisir sexuel, sous peine de salir sa réputation. Pour les garçons, il y a la double injonction de la performance et du nombre de partenaires qui doit, autant que faire se peut, être élevé. Voilà pour la théorie, qui sème les graines de la dysharmonie entre les partenaires sexuels. Dans la pratique cela suppose, pour les garçons comme pour les filles, de n’écouter ni son désir ni son plaisir (mais tant mieux si le hasard fait bien les rencontres). Pour les jeunes femmes, cela revient à céder aux avances sexuelles d’un homme car il leur fait l’honneur de les désirer, et pour les garçons, à considérer que les femmes cèdent parce qu’elles sont consentantes au rapport sexuel qu’on leur propose. (…) Si tu n’as pas dit à quelqu’un, voire à toi-même, que ce gars avec qui tu as couché te dégoûtait, tu as hypothéqué au moment du premier silence tes chances de pouvoir dire d’autres dégoûts ou d’autres violences ultérieures. Si tu as forcé ta copine un peu beaucoup pour qu’elle couche avec toi, et qu’elle a fini par céder, ça t’arrange et tu capitaliseras la reddition de ta partenaire qui sera portée au bilan de tes relations sexuelles réussies.
Rien de mystérieux et d’inévitable dans l’invisibilité et le silence sur les violences subies ou agies, tout est affaire de pratique, donc de logique et de pédagogie. Idem pour la violence psychologique et la violence physique : si tu n’as pas ravalé l’insulte que tu as balancée à la gueule de ton copain qui t’avait énervé, ou contredit l’insulte que tu as reçue de ton copain que tu n’as pas attendu parce qu’il était en retard, tu rends l’insulte admissible.
(…) Le « cycle des violences », schéma d’intelligibilité du phénomène de la violence conjugale décrit par les féministes (montée en tension dans le couple / explosion / transfert où la victime veut s’en aller et l’agresseur s’excuser / réconciliation), se joue bien en amont de la relation dysfonctionnelle entre conjoints. Le tabou sur la violence conjugale s’explique par la gêne généralisée à dénoncer quelque chose qu’on s’est tous habitués à taire et dont la révélation est empêchée par le poids successif des mille et une expériences antérieures de silence. Ajoutez à cela la naturalisation des violences sexuelles (sexistes) pensées comme pulsionnelles, ce qui selon Geneviève Fraisse, joue en faveur de l’absence de volonté politique d’éradiquer le viol (Libération, 9 août 2011), et on voit mal comment les filles et toutes les personnes violées (donc surtout les filles) réaliseraient qu’elles vivent un viol. (p. 62-64)
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L'écriture académique est celle de l'ordre qui interdit mais admet I'inceste, permet qu'il survienne et favorise sa reconduction, encourage le silence qui permet son exercice. Les sciences sociales ont joué un rôle particulièrement important dans la pérennisation des pratiques incestueuses et dans leur remise au silence, en institutionnalisant - au moment où Freud et Ferenczi alertaient l'opinion sur l'ampleur des situations d'abus sexuel des enfants dans les familles- des disciplines, dont l'anthropologie et la sociologie, vouées à expliquer au monde I'intérêt supérieur de I'éude des structures sur celle des situations vécues. Quelques décennies plus tard, dans le sillage ouvert par Lévi-Strauss - dont nous reparlerons en conclusion -, I'anthropologie allait asséner que toutes les sociétés interdisent l'inceste. Décrire l'inceste, construire I'objet pour le problématiser, nécessite de prendre ses distances avec I'écriture qui est traditionnellement chargée de le taire.
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Pour comprendre I'inceste et les relations familiales en général, la notion zone grise développé par Primo Levi est très éclairante. Mais le contexte de la Seconde Guerre mondiale et des camps de concentration nazis, qui servent de fondement empirique aux notions développées par Primo Levi, est pour le moins spécifique. L'enquête sur l'inceste, menée en temps de paix dans des familles banales montre que le blanc et le noir qu'il y a en chacun, et en l'occurrence en chaque bourreau domestique, ne produisent pas du gris, mais une juxtaposition d'attitudes antagonistes, contradictoires, agies en même temps et face auxquelles les enfants et les autres membres de la famille doivent composer. La présence du bon et du sympathique rend difficile la distinction du nuisible et du douloureux comme tels.
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Mais, si l’on cesse d’idéaliser la fonction maternelle ou de banaliser les agressions commises par les femmes, il semble finalement que les mères incestueuses qui abusent de leurs enfants en bas âge représentent une proportion importante des auteurs d’inceste. Monique Tardif et Bernadette Lamoureux évoquent différentes considérations qui viendraient protéger notre conception individuelle et collective de la fonction maternelle. Elles évoquent autant les résistances à reconnaître les manifestations sexuelles émanant des femmes que celles de leurs conduites agressives. Les soins et le maternage affectent la capacité de discernement tant des victimes que des proches qui font face à des comportements abusifs subtils ou masqués. (p. 73)
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La doxa, dans le système judiciaire français, suit le cap d’une conception masculiniste des rapports sociaux, c’est-à-dire partiale, en tous cas partielle, qui déduit de l’expérience des hommes des vérités censées être universelles. Dans ce schéma, l’expérience sociale des femmes et des enfants est moins constitutive de l’organisation sociale et de la qualification des infractions que celle des hommes. Elle vient simplement renseigner ce qui arrive aux hommes. Rappelons que la terminologie profane afférente aux violences domestiques et/ou sexuelles tend généralement à nier les dimensions genrées et violentes des actes commis. Cette « désaggravation » s’opère à travers des métaphores systématiques, où le viol conjugal devient « devoir conjugal », le meurtre entre époux se transforme en « crime passionnel », sans évoquer les crimes d’honneur, les tournantes, et autres périphrases de la violence sexuelle et/ou domestique. Ce glossaire populaire a depuis longtemps fait son entrée en Cour via les plaidoiries des avocats, le vocabulaire des justiciables et des magistrats, ces derniers calant leur niveau de langue sur celui des personnes qu’ils interrogent. Ainsi, en ville et devant la Cour, les gens, dont les avocats de la défense et les accusés, disent « simples attouchements, baisers, caresses » à la place d’agressions sexuelles pour désigner les gestes extorqués et imposés aux enfants. La confusion des registres de la tendresse et de l’agression jette ainsi le trouble sur des situations qui, une fois gommée la spécificité du non consentement d’un des protagonistes, ressemble une relation sexuelle normale, voire à une histoire d’amour. (p. 353-354)
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La théorie très déterministe du violeur violé ne rencontre pas un grand succès auprès des détenus incesteurs. Admettre qu’il y ait un lien, quel qu’il soit, entre le fait d’avoir été sexuellement abusé et d’incester soi-même ses enfants quand on devient parent, prive ce père incesteur de son libre-arbitre. Cela revient à considérer une métastructure qui commanderait les choix de l’homme à son insu, ferait de lui une marionnette. Cette difficulté à reconnaître un lien causal entre le fait d’être violé et celui de violer à son tour – somme toute compréhensible, si on voit comme une privation de nos propres motivations ce que nous prenons à nos parents sans nous en rendre compte – tient aussi à la crainte d’être étiqueté malade mental. La maladie mentale, dans tous les entretiens que j’ai menés au cours de cette enquête en prison, est considérée comme pire que l’inceste, le viol, et tout autre acte de violence commis contre une personne vulnérable. L’acte de violence, même moche et peu valorisé, est commis par un homme en pleine possession de ses moyens, et vaut mieux que le stigmate de la folie dont la représentation entame l’unité de l’homme. (p. 214)
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[...] peut-on dire que, dans nos sociétés occidentales, le bénéfice du doute profite au violeur, puisqu'on ne comme un violeur nonobstant les viols ? Ou doit-on déduire de l'absence de réaction de l'entourage à la révélation des viols que ceux-ci n'empêchent pas la terre de tourner et qu'ils sont si peu importants qu'ils ne suscitent aucune réaction ?
Il ne faut pas prendre à la légère la difficulté, pour les membres de la famille, de réaliser qu'un des leurs inceste un ou plusieurs enfants. Les membres de la famille, et pas seulement l'incesté, sont habitués à ne pas penser à l'inceste, à ne pas le voir, à ne pas en parler. Force est de constater que la légitimité de l'incesteur, alliée à l'aveuglement sur l'inceste (induit par l'interdit de l'inceste), est plus puissante que l'amour qu'on porte à ses nièces et même à son enfant et qui supposerait qu'on le protège des abus sexuels.
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Les viols incestueux sont des viols d'aubaine commis par des types bien qui ne sont pas des sales types, mais des hommes qui trouvent légitimes que les femmes et les enfants soient à leur disposition sexuelle. Comme une soubrette qui est là pour qu'on la trousse, si vous voyez de quoi je veux parler.
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