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Biographie :

Edwin Muir, poète de l’intégrité

Traducteur de Kafka, critique et poète, Edwin Muir est né dans les Orcades (Ecosse) en 1887, il est mort à Cambridge (Angleterre) en 1959. Il fut admiré par T.S. Eliot qui composa une édition de ses Poèmes choisis (Faber and Faber, Londres). Sa voix, intime et subtile, est l’une des plus belles, des plus travaillées de la poésie de langue anglaise du XXe siècle. Le symbole n’y est pas abstraction - mais coup de sonde dans le mystère vivant. Admirateur de Milton, en quête de la forme idéale pour dire l’âme humaine, pour dire la vie blessée par l’absence et le mystère, pour dire le passage des générations (voir Les Pères), pour dire l’impossible retour vers le “Lieu originel”, ce poète “de la pensée et de l’image”, ce décrypteur du vivant voyait dans Platon la “plus vraie des poésies”. “Intégrité” : tel est mot que T.S. Eliot emploie d’emblée pour définir Edwin Muir. Il n’est pas indifférent à l’Histoire et témoigne pour l’Ecosse “industrialisée” ainsi que pour la multiple et unique tragédie des Pays de l’Est.
Muir connut la gloire...pour son Autobiographie, publiée par Graywolf Press. Ses Poèmes complets sont publiés par Faber and Faber.
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Edwin Muir
«...Je suis né le 15 mai 1887, dans une ferme appelée the Folly, dans les Orcades, comté de Deerness. Mon père la quitta lorsque j’avais deux ans, de sorte que je n’en ai aucun souvenir, et comme la maison fut démolie et la ferme rattachée à une autre ferme, je ne connais d’elle que ses fondations, que l’on me montra plusieurs années après: une maison longue, étroite, regardant en contrebas vers la mer et l’île de Copinsay, par delà un champ descendant en pente douce.

...Mon père venait de l’île de Sanday, où l’on trouve un grand nombre de Muir et de Sinclair, familles originaires de Caithness, qui s’installèrent là au début du XVIe siècle, après les Stewarts. Je ne puis remonter mon arbre généalogique, pour cette branche, plus avant que le père de mon père, qui possédait une ferme à Sanday appelée Colligarth. Le nom de ma mère était Elizabeth Cormack et, de ses aïeux, là non-plus, je ne connais personne d’autre que son père, Edwin Cormack, dont je reçus le prénom. On trouve à Deerness une chapelle en ruine qui fut construite par un prêtre Irlandais du nom de Cormack le Navigateur. C’est à quelques miles de Haco, la ferme où est née ma mère. Nul ne peut affirmer qu’il existe une relation entre ces noms, à travers les âges, mais cela n’est pas inconcevable, puisque les familles des Orcades, ont vécu au même endroit durant des siècles, et j’aime à penser que certains dans le comté, dont moi-même, comptent un saint parmi leurs ancêtres, puisque les prêtres Irlandais n’étaient pas célibataires.

...Ma mère était plus reliée au passé que mon père, de sorte que, enfant, Deerness devint pour moi un lieu plein de vie, alors que Sanday me restait inconnu, hormis pour ses sorcières, puisque les histoires que mon père me racontait tournaient toutes autour du surnaturel.

...Une des histoires de ma mère s’est gravée dans mon esprit. La famille s’était déplacée de Haco jusqu’à Skaill, une ferme sur le bord d’une plage sablonneuse, auprès de l’église paroissiale et du cimetière. Ma mère avait dix-huit ans à cette époque, le reste de la famille était monté à Free Kirk, deux miles plus loin, pour participer à une prière nocturne, un grand renouveau de la foi ayant alors parcouru les îles. C’était par une nuit sauvage, pluvieuse et ventée, elle était assise à lire dans la cuisine lorsque la porte s’ouvrit soudain et dix grands gaillards, trempés jusqu’aux os, firent irruption puis s’assirent autour du feu. De ce qu’ils lui dirent, elle ne put nous rendre le moindre mot. Elle était restée prostrée dans un coin jusqu’à ce que la famille revînt, deux heures plus tard. Ces hommes étaient des Danois, et leur bateau avait fait naufrage après avoir heurté un récif, à l’entrée de la baie.

...Tant la mémoire de ma mère que celle de mon père était emplie de naufrages, car la côte est périlleuse et il n’y avait, en ce temps, que très peu de phares. Quand les épaves étaient rejetées sur le rivage, les gens, dans le comté, se réunissaient et prenaient leurs pioches. On racontait des histoires sur des hommes qui trompaient les navires pour les entraîner sur les récifs; ils utilisaient un poney équipé d’une lumière rouge d’un côté, verte de l’autre et le conduisaient sur des sentiers escarpés. On racontait également qu’il avait pu arriver, lorsque les temps étaient vraiment durs, que des pasteurs priassent pour des naufrages (1). Une étrange histoire, maintes fois relatée dans la famille, évoquait indirectement tout cela. Par une nuit illuminée d’un clair de lune, mon père et mon cousin Sutherland, après avoir nourri le bétail, se tenaient au bout de la maison Folly, lorsqu’ils virent soudain un grand trois mats filant droit sur le rivage. Ils le suivirent du regard dans la stupéfaction pendant quelques minutes - il n’y avait qu’un champ entre eux et lui - jusqu’à ce qu’il se dissolve dans l’eau, au sein d’un épais brouillard. J’étais enchanté par cette anecdote, chaque fois que je l’entendais, mais en grandissant, je me mis à douter de sa véracité. Puis, à l’âge de dix-sept ou dix-huit ans, je discutais avec un fermier qui avait vécu dans les fermes voisines de Barns, et il me confirma les faits. Lui aussi se tenait au bout de sa ferme par cette nuit-là, et il avait assisté à la course du trois mats vers le rivage ainsi qu’à sa disparition soudaine. Il avait été stupéfait par le comportement de ce navire, tout comme mon père et mon cousin Sutherland, puisque le clair de lune était si lumineux que les falaises devaient être très distinctement visibles; mais tous acceptèrent cet événement comme une manifestation magique.

...Les histoires de mon père, pour la plupart, provenaient d’un temps assez éloigné, elles devaient, je pense, lui avoir été transmises par son propre père. Elles remontaient aux guerres napoléoniennes, aux sergents-recruteurs et aux châtiments (2) qui avaient laissé des souvenirs de terreur dans les Orcades. Cependant, à sa propre époque, il avait connu de nombreuses sorcières qui avaient gâché le grain, fait tourner le lait et naufragé des bateaux en soulevant des tempêtes. J’ai entendu, depuis, plusieurs autres versions de ces histoires et elles proviennent sans nul doute du fond légendaire qui s’est constitué lorsqu’on brûlait les sorcières en Écosse. Dans l’une d’entre elles, un fermier de Sanday, revenant d’un dîner, vit le chat noir de la sorcière du coin s’échapper furtivement de sa maison. Il se rua chez lui, décrocha son fusil et le mit en joue. Le chat bondissait par-dessus le muret d’un fossé lorsque le fermier fit feu. Touché, le félin poussa un hurlement puis il s’enfuit en traînant une pâte blessée. Le jour suivant la sorcière fit venir le médecin pour soigner sa jambe (3). Mon père

était si bon conteur que je pouvais voir le fermier tenant en ses mains l’arme fumante, le bond du chat par-dessus le muret et sa fuite claudiquante. Lorsque mon père racontait ses histoires de sorcières nous restions éveillés fort tardivement ; trop effrayés pour aller nous coucher.

... Le démon lui-même, sous le nom de Auld Nick, apparaissait parfois dans les récits, généralement de la même façon. Un paysan se trouvait dans son étable à battre le grain avec un fléau quand, tout à coup, il remarquait qu’un autre fléau s’abattait au même rythme. Levant les yeux il voyait alors en face de lui un homme énorme, nu, au visage charbonneux, avec une fine queue enroulée. Il s’évanouissait à ce moment et lorsqu’il revenait à lui, le grain dans la grange avait été soigneusement battu. Mais ces visites étaient suivies inévitablement de malchance.

...Mon père connaissait aussi un grand nombre d’histoires sur le Livre des Arts Noirs. Ce livre ne pouvait être acheté que pour une pièce d’argent et ne pouvait être revendu que pour une plus petite pièce. Il finissait invariablement en possession d’une servante idiote qui l’avait acheté pour une pièce de trois penny. Ce livre avait une grande valeur, puisqu’il vous offrait toutes sortes de pouvoirs en ce bas monde mais il avait aussi l’inconvénient que, si vous mourriez avant de l’avoir vendu à quelqu’un, vous étiez damné. La servante idiote mentionnée dans l’histoire de mon père essayait par tous les moyens de s’en débarrasser. Elle le mettait en pièces, l’enterrait, lui attachait une pierre et le jetait dans la mer, le brûlait, mais après tout cela, il se retrouvait toujours au fond de la malle. Comment cela finissait, je ne puis m’en rappeler; j’imagine que la pauvre fille perdait la tête. J’ai toujours pensé à ce livre comme à une épais grimoire, relié de cuir, cadenassé, quelque chose comme une Bible familiale. »

traduit de l’anglais par Richard Ober

1-Il s’agit de "naufrageurs". retour

2- Le terme anglais est "keelhauling", qui signifie "passer sous la coque", du nom d’un supplice appliqué aux marins récalcitrants! retour

3-Ce type d’histoire se trouvait encore, il y a peu, dans les campagnes françaises. Les histoires de loup-garou, mais également les récits de transformation en oiseau ou en canidé par les chamanes sibériens et indiens illustrent le même thème: la possibilité pour un être ayant un lien avec le surnaturel d’emprunter une forme animale, le plus souvent perçue par la communauté comme maléfique ou sauvage.
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Les chevaux

A peine douze mois après
La guerre de sept jours qui endormit le monde,
Tard dans la soirée arrivaient les étranges chevaux.
À ce moment-là, nous avions fait notre alliance avec le silence,
Mais dans les premiers jours, c'était si calme
Nous avons écouté notre respiration et avons eu peur.
Le deuxième jour
Les radios sont tombées en panne ; nous avons tourné les boutons; pas de réponse.
Le troisième jour, un navire de guerre nous dépassa, se dirigeant vers le nord, des
cadavres empilés sur le pont. Le sixième jour,
un avion a plongé au-dessus de nous dans la mer. Par la suite
Rien. Les radios muets ;
Et ils se tiennent toujours dans les coins de nos cuisines,
Et se tiennent, peut-être, allumés, dans un million de pièces
Partout dans le monde. Mais maintenant s'ils devaient parler,
Si tout d'un coup ils parlaient à nouveau,
Si sur le coup de midi une voix parlait,
Nous n'écouterions pas, nous ne la laisserions pas apporter
Ce vieux monde mauvais qui engloutit ses enfants d'un
seul coup. Nous ne l'aurions plus.
Parfois, nous pensons aux nations endormies,
Enroulées aveuglément dans un chagrin impénétrable,
Et alors la pensée nous confond avec son étrangeté.
Les tracteurs mentent autour de nos champs ; le soir
Ils ressemblent à des monstres marins humides couchés et attendant.
Nous les laissons là où ils sont et les laissons rouiller :
« Ils moisiront et seront comme les autres limons.
Nous faisons traîner nos bœufs à nos charrues rouillées,
Longtemps mis de côté. Nous sommes retournés
Bien au-delà de la terre de nos pères.
Et puis, ce soir-là, à la
fin de l'été, les chevaux étranges sont arrivés.
Nous avons entendu un tapotement lointain sur la route,
Un tambourinage de plus en plus profond; il s'arrêta, repartit
Et au coin se changea en tonnerre creux.
Nous avons vu les têtes
Comme une vague sauvage charger et nous avons eu peur.
Nous avions vendu nos chevaux du temps de nos pères
pour acheter de nouveaux tracteurs. Maintenant, ils nous étaient étranges
Comme de fabuleux coursiers posés sur un ancien bouclier.
Ou des illustrations dans un livre de chevaliers.
Nous n'osions pas nous approcher d'eux. Pourtant, ils ont attendu,
têtus et timides, comme s'ils avaient été envoyés
par une vieille commande pour trouver notre endroit
Et cette camaraderie archaïque perdue depuis longtemps.
Au premier instant, nous n'avons jamais pensé
qu'ils étaient des créatures à posséder et à utiliser.
Parmi eux se trouvaient une demi-douzaine de poulains
Lâchés dans quelque désert du monde brisé,
Pourtant nouveaux comme s'ils venaient de leur propre Éden.
Depuis lors, ils ont tiré nos charrues et porté nos charges,
Mais cette servitude gratuite peut encore transpercer nos cœurs.
Notre vie est changée; leur venue notre commencement.
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LA FUITE


Echappant des mains de l’ennemi

Tombé dans le vaste domaine de l’ennemi

J’ai cherché par les chemins les plus tortueux

À fuir le piège trop familier.

Le piège sans limites couvre tout,

Toutes les routes forment son labyrinthe

de hasard, une toile d’araignée

Pour rattraper les jours sans souci.

Les grandes fermes noyées dans le temps

Remontaient d’un pays perdu ;

Le pays qui surgit à la Fête de la Moisson

Et où Caliban leva sa baguette magique.

Il n’y avait pas de promesse dans le bourgeon?

Aucun réconfort dans l’arbre en fleurs,

Les moissons, vague jaune, étaient

Pires que la stérilité.

Pourtant tout semblait vrai. Le groupe familial

Se réunissait à nouveau autour de l’âtre faiblissant,

Les vieux ressassaient les dictons du pays

Et la jeune mère à nouveau enfantait.

Cela, je crus le voir là-bas. Dans l’église

Les chevaux, dans les travées, comme dans une étable.

Et la pierre du seuil du paysan Écossais

Boueuse de terre et de sang.

Et quand j’atteignis la ligne qui séparait

La zone occupée de la zone libre,

Elle fut aussi dure à franchir que la mort,

Et je ne vis, l’ayant franchie, rien de nouveau.

Tout était faux ; l’Unique, seul, règne. L’ennemi

Était fort peu visible, ces jours-là ;

Mais son œuvre était partout,

Si cruelle, si subtile

Qu’il pouvait sourire et tourner le dos,

Laisser la brutale indifférence intimider

La chair languissante et le cœur bondissant

Et rendre poussière l’ancienne loi.

Un pays de claire tromperie où

La forme modifiait à peine le vide

Mais troublait le regard qui tentait de faire

De chaque forme plus qu’une simple forme.

Alors venait la question perpétuelle,

Qu’est-ce que la fuite ? Et qu’est-ce que l’envol ?

Comme un dialogue dans un rêve sinistre

où le bien est le mal, où le mal est le bien.

Mais à la vraie frontière,

Au-delà des parages du désir,

Se dresse un mur de flammes montantes.

La bataille, alors, est feu et sang.

Je dois traverser le mur flamboyant,

Émerger au cœur du combat,

Et là, enfin, levant les yeux,

Je verrai la face de l’ennemi.
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Les jours

Délivrance de la Parole
Les sept jours vinrent,
Chacun à sa place,
Son propre nom.
Et les premiers longs jours
Une source dure et rocheuse, Un
bourgeonnement inhumain,
Et rien là pour la griffe ou la main,
Vaste solitude avant que la solitude ne commence,
Où les saisons vides dans leur voyage
Vu l'eau jouer avec l'eau et le sable avec le sable.
Les eaux s'agitèrent
Et des portes furent projetées
Des lumières et des ombres sauvages sur le visage informe
Du flot du chaos, vaste
image Allongée et décroissante de la terre et du ciel.
L'ombre verte de la forêt
Doucement sur l'eau entraînée,
Comme si la merveille verte de la terre, prairie sans fin
A flotté et a coulé dans son propre feu vert.
Dans l'eau et la nuit,
soudain apparut la tête violente du lion,
Rageant et brûlant dans sa grotte d' eau .
Le pas de l'étalon
Soundless tomba sur le déluge, et les animaux se déversèrent en
avant, s'écoulant à travers la vague qui s'écoulait.
Alors sur les eaux tomba
L'ombre de l'homme, et la terre et les cieux griffonnèrent Des
noms, comme si chaque caillou et chaque feuille racontaient
L'histoire indescriptible. Et le Seigneur appela
le septième jour et la gloire du Seigneur.

Et maintenant nous voyons au soleil
Les montagnes dégagées le troisième jour
(Où elles resteront toujours)
Et de là coule une rivière,
Filet, corde d'eau claire, tout à tous :
La colline boisée et le bétail dans le pré,
La haute vague se brisant sur la haute digue,
Les gens à la marche du soir,
L'ombre en croissant
Du pont construit de lumière, le chasseur à l'affût
La carrière volante, chacun dans un matin différent,
Le poisson au cœur de la houle, l'homme au filet,
Les épées affamées croisées dans la croix d'avertissement,
Le lion
haut placé sur la bannière, sautant dans le ciel,
Les saisons jouant
Leur jeu du soleil et de la lune et de l'est et de l'ouest,
L'animal observant l'homme et l'oiseau passer,
Les femmes priant
Pour le passage de ce jour fragmentaire
Au jour où tous sont rassemblés,
Les choses et leurs noms, dans le nid d'orage et d'éclair,
Le septième grand jour et le temps clair et éternel.
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Lieu secret


Cet étranger qui me détient des pieds à la tête

Ce sourd usurpateur que jamais je ne connaîtrai,

Qui vit chez moi, calme quand je suis tourmenté,

Et de mes troubles se tisse un nid douillet,

Qui jamais ne sourit, ne fronce le sourcil ne penche le visage,

Et qui n’est qu’insolence, comme les morts, quand j’enrage,

Tranquille, indifférent, ingrat, fidèle

Il est mon allié et mon seul ennemi

Viens donc, lève à nouveau l’épée qui purifie

Et détruit toute différence. Le rivage légendaire

Nous accueillent à nouveau. Voici le combat prédestiné,

Le conflit ancestral, la faille originelle de la lumière :

Côte à côte, moi-même par moi-même tué,

Le mouvement du réveil, les yeux chargés

De l’obscurité océane, le lever, main dans la main,

Moi avec ma propre identité, le pays qui change,

Ma maison, ma patrie.

Mais ce précieux accord

S’effritera lentement, le temps voleur emportera

À pas comptés, morceau par morceau, le trésor sans limites

Que détenaient nos quatre mains.

Je reviendrai à ma mesure

Réelle, ma vieille mesure, rétrécirai aux dimensions de la chambre,

D’une planche, où je me rangerai moi-même discrètement,

Devenu son gardien anxieux, je servirai, gémissant

Ce maître sans gratitude

Qui dort et dort et ordonne.

Cette vie est la mienne

Oui, dans cette seule lutte et par l’arrière-goût de la lutte

Avec ce triste champion, ce roi à l’esprit épais.

À la première parole, il bondit sur le ring.
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La Guêpe Tardive


Tu as réfléchi durant tout l’été mourant,

Tu as visité, chaque matin, notre table,

Baladin solitaire et célibataire,

Et tu t’es nourri de confiture

Si loin dans le pot que toutes tes forces parvenaient à peine

À t’extraire du trou sucré que tu avais creusé,

Toi et la terre, vous avez mûri maintenant

Et tes voies de passage ont ressenti le changement ;

Elles se sont refroidies ;

C’est étrange

Comme ces familières avenues de l’air

S’effritent désormais, s’effritent ; le bon air ne tiendra pas,

Toutes éclateront d’un bruit sec ; toutes périront sous le froid ;

Et déjà tu plonges dans le rien et dans le désespoir.

Le remords de l’amour

(Traduction Alain Suied)

C’est moi qui éprouve du remords pour tout ce que le Temps

T’as fait, mon amour, comme si je t’avais

Imposé l’usure du soleil sans-repos

Et tous ces jours mortels pour accomplir ce crime-là.

Pour ne pas conserver ce qui nous fut donné

Par pure grâce et l’abandonner

À l’oisiveté des heures, laissant l’automne enterrer

Notre été paradisiaque : A une telle accusation, que puis-je répondre

Sinon le vieux dicton surgi du cœur :

« Le Temps épargne l’amour »

Mais nous, l’aimée et l’amant, nous vieillissons ;

Seule la vérité est toujours nouvelle :

« L’Éternité seule peut changer le faux en vrai,

Elle qui nous rajeunit en dépit du Temps »
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Edwin Muir
...Je suis né le 15 mai 1887, dans une ferme appelée the Folly, dans les Orcades, comté de Deerness. Mon père la quitta lorsque j’avais deux ans, de sorte que je n’en ai aucun souvenir, et comme la maison fut démolie et la ferme rattachée à une autre ferme, je ne connais d’elle que ses fondations, que l’on me montra plusieurs années après: une maison longue, étroite, regardant en contrebas vers la mer et l’île de Copinsay, par-delà un champ descendant en pente douce.
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Le pont de l’effroi


Mais lorsque tu atteindras le Pont de l’Effroi

Ta chair se recroquevillera dans son nid

Cherchant un refuge et ta tête nue

Rampera jusqu’au creux de ta poitrine,

Et ta grande masse mincira, rapetissera

Et se blottira dans sa cage d’os,

Tandis qu’effaré tu verras tes pas

Devenir bonds de crapaud sur les pierres.

Si elles surviennent, tu ne sentiras pas

Les couleuvres se glisser entre tes pieds,

Car la roue de la Folie de ta tête

Tournera sur ton cou sans fin.

Chercher le danger. ll n’y a rien ici.

Et pourtant ta respiration sifflera, cognera

Tandis que tu forceras dans l’air stagnant

Qui se brise en ondes à tes pieds

Comme de la mousse sale.

Si alors doit Surgir un effroi physique en ce lieu,

Grands serpents noués, horribles et muets

Tu l’accepteras comme une grâce.

Jusqu’à ce que tu aperçoives un fil brûlant

Jaillissant de la terre Alors dans un rêve

Tu t’émerveilleras de cette fleur de feu,

De cette herbe prise dans un rayon ardent.

Et tu es passé. Souviens-toi alors

Fixe profondément dans ta tête rêveuse

L’année, l’heure ou l’instant éternel où

Tu as atteint et franchi le pont de l’Effroi.
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Les Absents


Ils ont disparu. Et nous, nous sommes les Autres,

Nous marchons, inconnus nous-mêmes, dans le soleil

Qui brille pour nous et pour nous seuls.

Eux, Ils ont disparu.

Et Ils se font connaître de nous dans cette grande absence

Qui s’étend sur nous et entre nous

Depuis qu’Ils ont disparu.

À présent, dans notre royaume d’été insouciant,

Où nous rêvons, extasiés de soleil, où nous errons

Dans l’oubli profond de la clarté

Et où nous nous dissipons dans l’air

- C’est l’absence qui nous accueille ;

Nous ne nous atteignons pas ; nos âmes s’exhalent dans l’absence

Qui s’étend sur nous et entre nous.

Car nous sommes les Autres.

Et nous pleurons Ceux qui ne sont pas avec nous,

Sans comprendre notre chagrin ni la nature de notre chagrin,

Qui est au-delà de la pensée, de la mémoire et du deuil,

Nous pleurons la perte de ce que nous n’avons jamais

Possédé, les inconnus, les sans-nom,

Les toujours présents qui dans leur absence même

Sont avec nous (avec nous, les héritiers,

Les usurpateurs du soleil et du royaume du soleil)

Sans comprendre que chagrin et solitude

Sont peut-être la voie d’une bénédiction.
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Enfance


Le long du Temps il se tenait sous le soleil de la colline,

...Au-dessus de la maison, dans la sérénité du père.

Très loin, la rumeur changeante, indistincte ne menaçait pas

...Ni ses îles noires dans l’épaisse distance.

Il pouvait voir chaque cime, chaque nuance vague,

...Où les îles amassées roulaient dans la brume étrangère,

Et même si toutes couraient vers son regard

...Il savait qu’elles celaient d’invisibles détroits.

Souvent il se demandait quelles rives nouvelles il y découvrirait.

...En pensée il voyait la tendre lumière du sable,

L’eau claire sans profondeur dans l’air calme,

...Et il la traversait, joyeux, de grève en grève.

Au-dessus de la rumeur un navire très lent pouvait passer

...Qui semblait s’enfoncer dans la colline au crépuscule.

Le soir, la rumeur était douce comme un verre trop plein,

...Et le Temps semblait finir avant que le navire disparaisse.

De petits rocs grisâtres dormaient tout autour de lui,

...Immobiles comme eux, de plus en plus calmes avec le soir,

Les herbes renvoyaient de hautes ombres au loin,

...Et de la maison sa mère criait son nom.
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