Londres, 1887. Entrelacs d'étroites rues pavées où le fracas des fiacres pressés se mêle au vacarme des pubs enfumés. Hommes arborant barbes, capes et cannes au pommeau d'argent.
Méli-mélo de curiosités offert dans d'immenses musées aux regards de dames voilées, drapées dans des manteaux de fourrure, discrètement parfumées de lavande - des dames dont le maintien rigide suggère qu'elles savent l'étreinte de leur mari rare et révérencieuse, et celle de leur corset ferme et constante.
Filles des rues imbibées de gin, sans toit, malades, avec sur elles tous les vêtements qu'elles possèdent, démangées de vermine, se mouvant d'un pas lourd - vers le pub, l'asile, l'hôpital, le fleuve...
Le fleuve, c'est la bourbeuse Tamise, dont les forts courants remuent la vase des profondeurs, dont les eaux lentes pénètrent la ville, seule force motrice des péniches qui apportent l'indispensable charbon.
Des essaims de gamins des rues farfouillent les berges pour récupérer ce qu'ils peuvent - bois, charbon, pièces de monnaie - et récoltent bien souvent le choléra, charrié par les eaux usées qui se mêlent dans toute leur impureté à celle du fleuve.
La ville grouille de vendeurs des rues, de charretiers, de chevaux, de voleurs à la tire, de ramoneurs et de bonnes d'enfants, précieuses ou miséreuses.
On y trouve des parcs raffinés et des abattoirs bruyants, des logements ouvriers et des demeures majestueuses, tous enveloppés dans des nappes de brouillard épais, illuminés par l'éclairage au gaz.
On y trouve de grands hôpitaux, St Mary's, Guy's, St Bart's, leurs amphithéâtres, leurs laboratoires aussi, où l'on mène parfois de bien macabres recherches, tous stores baissés, à l'abri des regards de la foule.
Dans la première des aventures de Sherlock Holmes, Une étude en rouge, on pénètre derrière ces stores pour voir Stamford, une vieille connaissance de Watson, conduire ce dernier vers le laboratoire où va bientôt se sceller la plus célèbre amitié de la littérature policière.
L'observation de la trajectoire d'une balle et de ses caractéristiques individuelles est le fondement de la balistique, science qui étudie le mouvement des projectiles. Conjuguées à l'immense savoir holmésien de toutes choses scientifiques, ces observations conduisent souvent à la résolution de crimes complexes. En utilisant la balistique dans son système de preuves, notre détective de fiction suit une voie déjà bien pavée par ses homologues réels, tels le sémillant Vidocq à Paris et l'indomptable Henry Goddard à Londres.
Stamford a prévenu Watson des nombreuses excentricités de son futur colocataire - ce dernier a déjà battu des cadavres à coups de canne en salle de dissection afin d'étudier l'apparition de bleus post mortem et manie volontiers le poison :
- Holmes est un peu trop scientifique à mon goût, dit Stamford à Watson. Ça frise l'insensibilité. Je le crois capable d'administrer à un ami une petite pincée de l'alcaloïde végétal le plus récent, non par malveillance, voyez-vous, mais simplement par esprit scientifique, afin d'en connaître exactement les effets.
Au cours du XXème siècle, les progrès scientifiques permettant d'appliquer des nouvelles méthodes d'analyse à la criminalistique ont été considérables. Elles auraient permis à Sherlock Holmes de résoudre encore plus rapidement les énigmes auxquelles il était confronté. C'est dans le domaine de la biologie que l'évolution a été le plus remarquable.
«Vous pouvez désormais l'emmener à la morgue.»
Sherlock Holmes dans Une étude en rouge
Nombre de petites créatures continuent à aider les investigations médicolégales. En 2004, le Journal of Forensic Science signale qu'on peut reconstituer des profils ADN humains à partir des vers s'étant nourri du cadavre jusqu'à seize semaines après la mort: il serait donc possible d'établir l'identité d'une victime dont le corps aurait été détruit grâce aux vers qui lui survivaient.
La mise au point de la scie chirurgicale oscillante a rendu les autopsies bien moins fatiguantes. Les chirurgiens l'appellent communément "scie Stryker", du nom de l'orthopédiste qui en déposa le premier brevet en 1947.
On vide généralement les cadavres de leur sang, puis on leur injecte des agents conservateurs afin de pouvoir réutiliser les spécimens.
En 1955, on pouvait ainsi encore acheter de la poudre de momie dans une pharmacie new-yorkaise pour vingt-cinq dollars l'once.)