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EAN : 9782070360024
191 pages
Gallimard (07/01/1972)
3.98/5   30786 notes
Résumé :
«Quand la sonnerie a encore retenti, que la porte du box s'est ouverte, c'est le silence de la salle qui est monté vers moi, le silence, et cette singulière sensation que j'ai eue lorsque j'ai constaté que le jeune journaliste avait détourné les yeux. Je n'ai pas regardé du côté de Marie. Je n'en ai pas eu le temps parce que le président m'a dit dans une forme bizarre que j'aurais la tête tranchée sur une place publique au nom du peuple français...»
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Critiques, Analyses et Avis (1038) Voir plus Ajouter une critique
3,98

sur 30786 notes
Je me rends compte que je n'ai jamais fait de fiche de lecture sur ce livre, voilà qui va être réparé ! C'est en classe de Première que j'ai lu ce livre pour la première fois car il était dans ma liste du bac (quel est le sagouin qui a dit que ça remontait aux calendes grecques ?). Sur le coup, avec ce fameux "Aujourd'hui maman est morte, ou peut-être hier, je ne sais pas", je me suis dit que la lecture allait être difficile... Bien évidemment, je n'avais pas compris sur le moment toute la finesse de cette phrase et je pensais que le sieur Camus s'adonnait à la boisson.

Trêve de plaisanterie, ce roman met en oeuvre l'absurde, celui de la condition humaine. le personnage, sorte d'anti-héros, prénommé Meursault, est étranger au monde qui l'entoure. Et quiconque ne rentre pas dans le moule se verra rejeté, exclu et pénalisé par la peine ultime, la mort. Voilà qui pourrait résumer un peu l'idée, bien que cela reste complexe.

Ce qui fait tout le succès de ce roman, c'est d'abord ce personnage qui est également le narrateur. Souvent, le lecteur a de l'empathie lorsqu'un récit est à la première personne. L'autre facette du succès, c'est que ce roman parait simple. Il raconte une histoire somme toute banale, celle d'un homme qui vient à l'enterrement de sa mère, qui tombe amoureux de Marie et dont le voisin de palier a des problèmes avec une de ses maîtresses. Ce voisin, Raymond, invite Marie et Meursault dans un cabanon appartenant à l'un de ses amis, sur la plage. le groupe croise alors des jeunes gens parmi lesquels figurent des frères de la maîtresse bafouée. Bien évidemment, une bagarre s'ensuit, dans laquelle Raymond est blessé. Un peu plus tard, alors qu'il se baladait sur la plage, Meursault rencontre à nouveau l'un des protagonistes de la bagarre. Aveuglé par le soleil, n'ayant plus, dès lors, tous ses sens, le narrateur prend le revolver qui se trouvait dans sa poche et tire à l'aveugle, tuant le jeune. Voilà qui pourrait figurer dans les faits divers... Oui mais Meursault ne s'arrête pas là. Une balle aurait pu, à la limite passer pour un accident... mais certainement pas les quatre autres qui ont suivi ! Et que dire ensuite du procès ? Meursault ne montrera pas une once de regret face à son geste, tout comme on lui reprochera de ne pas avoir pleuré à la mort de sa mère... Les conventions sont les conventions... mais Meursault y est étranger.

Je lis et je relis ce roman avec plaisir, y découvrant à chaque fois une signification. Sous ses dehors d'une simplicité confondante se cachent en fait une symbolique et une poésie représentatives de Camus.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Je ne suis pas du sud. Je viens du nord. C'est pourquoi, chaque fois que j'échoue quelques semaines à la latitude de Bordeaux ou un peu en dessous, je suis toujours fascinée par le chant des cigales. Avez-vous déjà essayé de localiser des cigales dans un bois de chênes ? Moi oui. Souvent.

Plus d'une fois j'ai fait chou blanc. On les entend mais on ne les voit jamais. Presque à chaque fois que j'en ai découvert une avec certitude, c'était une fausse. Un restant de tégument creux, une image, rien qu'une mue oubliée sur une écorce. J'ai lu L'Étranger une fois. Il y a longtemps. Plus de dix ans je crois, peut-être quinze, je ne sais plus, cela n'a pas d'importance. Je n'ai pas aimé. Je n'ai pas aimé parce que j'ai trouvé que ça me faisait penser à une mue de cigale. Un truc creux, désincarné, pas vivant.

Un peu comme une prothèse de jambe. Vous avez déjà touché une prothèse de jambe ? Moi oui, quelquefois. Ça fait tout comme une jambe, ça monte, ça descend, ça plie là où il faut. Quand on met un bon vêtement dessus on ne la voit pas et on ne devine même pas que ce n'est pas une vraie jambe. Par contre, l'été, c'est moins facile. Déjà, avec un short, ça se voit et en plus, comme ça se voit, les gens ont envie de toucher… ou de tourner la tête, c'est selon. Moi j'ai touché. C'est vrai que ça fait comme une jambe sauf qu'en fait c'est froid.

Je crois que ce qui caractérise une jambe, c'est bien moins la fonction que la chaleur. Les jambes d'un paralytique, pas de doute, on sait que ce sont des jambes. Par contre une prothèse fonctionnelle, ce n'est pas une jambe. La différence est là. du moins je crois, mais ce n'est pas grave cela n'a pas d'importance.

Je lisais L'Étranger, donc, il y a bien longtemps de cela et je m'y ennuyais ferme de bout en bout bien que le livre fût court. C'est là que j'ai repensé à la prothèse de jambe. En fait, pour moi, ce livre était comme une mue de cigale ou une prothèse de jambe.

Beaucoup de gens, beaucoup d'entre-vous même m'avaient dit : « Nastasia, tu es une ignare ! Tu ne sais pas ce qui est bien. » Je ne sais pas. Peut-être avaient-ils raison et moi tort ou bien l'inverse. Peu importe cela n'a pas d'importance.

Alors, une lectrice me conseilla la version audio du livre, lue par Albert Camus lui-même. Je me suis alors dit que ça n'engageait pas à grand-chose, que c'était toujours bien d'entendre parler les morts, surtout quand ils sont aussi des auteurs réputés et que, peut-être, ma vision du livre allait changer par l'audition (si vous me pardonnez cette pirouette).

J'ai donc écouté le livre comme on dévore un paquet de pop-corn. Après j'ai ressenti une petite faim. « Je me suis fait cuire des oeufs et je les ai mangés à même le plat, sans pain parce que je n'en avais plus et que je ne voulais pas descendre pour en acheter. Après le déjeuner, je me suis ennuyé un peu et j'ai erré dans l'appartement. Je me suis aussi lavé les mains et, pour finir, je me suis mis au balcon. »

Vous vous demandez peut-être pourquoi j'ai mis des guillemets à ces trois dernières phrases ? Parce qu'elles ne sont pas de moi. Elles proviennent tout droit du livre. du moins je crois, je ne sais plus, cela n'a pas d'importance.

(Ouf ! Je respire, j'arrête cet exercice de désincarnation totale et absolue.)
Je trouve qu'elles sont un puissant reflet de la GRRAAANNNDDDEEE flamboyance de style de Camus dans ce roman, tout au moins, dans la première partie. Non mais franchement, vous voyez comme c'est chiant ce style ! À peu de chose près, on dirait une rédaction de mes élèves de CM1 les moins imaginatifs. C'est tout juste s'il ne nous dit pas qu'il est allé aux toilettes, qu'il a péniblement démoulé sa terrine et que pour se torcher il n'a utilisé que trois feuilles parce que le rouleau était fini.

C'est vrai, je ne vous cache pas qu'à cette deuxième lecture, j'ai toujours autant de mal que la première fois à trouver cela génial. Peut-être, même est-ce pire, dans le fond, car la première fois je n'avais pas du tout aimé, j'étais déçue. Aujourd'hui, c'est de l'indifférence que je ressens. Indifférence totale.

Il n'y a rien de pire quand, comme moi, on aime que ça palpite au creux des pages, que cela frétille entre les paragraphes et que cela flamboie, qu'on en prenne plein les mirettes à force de voir des phrases sculptées avec goût et délicatesse, avec force et lyrisme, au besoin, avec grandiloquence et verve. Ici, plouf ! rien, une mue de cigale, je vous dis.

Pourquoi est-ce que je déteste autant ce non style ? Selon moi, les ornements, c'est la vie ! Quelle est la première chose que l'on fait quand on prend possession d'un nouvel appartement, d'une nouvelle chambre ou d'un nouveau logement en général ? On y met sa petite touche à soi, ce petit tableau, cette petite déco, cette petite chose futile mais qui est précieuse, car elle est le témoin de la vie qui l'a fait naître.

Pour moi, le dépouillement, le dénuement stylistique, c'est la mort et rien que la mort. Or, personnellement, j'attends d'un auteur qu'il insuffle la vie dans ses personnages. La mort se charge bien assez elle-même de nous rappeler qu'elle existe. Voilà mon désamour pour le non style, pour l'absence d'ornementation.

Je note tout de même une réelle différence d'intérêt entre la première et la deuxième partie. Je trouve la première soporifique et ennuyeuse à souhait, totalement descriptive et désincarnée où le narrateur relate les faits comme il lirait le mode d'emploi d'une yaourtière.

La seconde partie m'a semblé plus intéressante car le fait d'être " extérieur à sa propre vie " est plus crédible dans le cas d'une mise en examen et d'un procès. Les événements se succédant sans qu'on ait de prise sur aucun d'eux, la machine judiciaire avançant, presque indépendamment des accusés eux-mêmes.

Donc, voilà, Albert Camus souhaite nous parler de la justice des hommes, de la faculté de juger, de la peine de mort et, pour ce faire, il veut inscrire son roman dans la ligne du courant de conscience.

La gageure consiste à nous faire ressentir, à développer de l'empathie, précisément vis-à-vis de quelqu'un qui ne ressent pas grand-chose d'un point de vue émotionnel et qui est presque au degré zéro de l'empathie. Ses réactions sont bizarres, dissonantes, inattendues par rapport à celles du commun des hommes.

Ce n'est pourtant pas un malade mental au sens où on l'entend généralement. C'est juste une personne très fortement insensible émotionnellement. Mais là où je trouve que cela sonne toujours un peu faux, ce courant de conscience, c'est que je me dis : « Qu'est-ce qu'il en sait, lui, Albert Camus, ce qu'éprouverait un homme totalement insensible, car lui justement est doué d'une sensibilité à fleur de peau, donc, il nous parle de ce qu'il ne connaît pas, ce n'est qu'une magouille formelle où il essaie de nous embarquer. »

J'en veux pour preuve le fameux « Aujourd'hui, maman est morte. » qui, comme magouille formelle se pose là, puisque d'un simple point de vue du respect de la narration et des temps verbaux, il aurait dû écrire « C'était le jour où maman était morte. » ou bien « C'était le jour où maman mourut. » mais comme la formule était moins percutante, l'écrivain a choisi cette pirouette marquante mais qui ne se justifie en rien au vu du reste de la narration car seuls les deux premiers paragraphes sont à ce temps. Preuve qu'il avait besoin de ce temps verbal pour créer un impact initial et c'est tout. Ce présent est un artifice, peut-être comme tout le reste, d'ailleurs.

L'auteur essaie de nous faire toucher du doigt l'impossibilité d'émettre un jugement selon nos critères à nous face à une personne pour lesquels les critères sont différents. Ce livre va évidemment à l'encontre de la peine de mort, et même, de façon plus vaste, s'oppose au jugement des actes et des attitudes par des tiers comme, par exemple, dès la première scène de veillée funèbre où les pensionnaires « jugent » le fils de la défunte.

À ce propos, on peut lire aussi, très succinctement, mais tout de même, une réflexion sur le thème de la vieillesse, des personnes âgées délaissées et auxquelles on refuse de s'identifier.

En résumé, mon sentiment est que, dans la première partie, Camus bâtit un cas limite, absolument pas naturel, même en psychiatrie. J'en veux pour preuve le soin qu'il prend avec un tas de petites magouilles formelles pour rendre le discours de Meursault totalement déshumanisé, jusqu'à la caricature.

L'objectif de Camus est sans doute sa deuxième partie, c'est-à-dire de montrer que face à un individu hors norme, le système se montre incapable de souplesse et brutal, sans compassion aucune, pire même que le sujet qu'il juge.

Ok, mais ça ne me convainc guère. À mon sens, il n'est pas du tout question de réfléchir sur l'humanité ou non de Meursault, Camus s'en contre fiche, ce n'est pas son propos, ce qu'il veut plaider, c'est l'inhumanité du système judiciaire, c'est ça qui me semble être réellement sa cible.

On pourrait encore dire deux ou trois choses à propos de cet ouvrage, mais je persiste et signe, même lu par Albert Camus lui-même, je trouve que ce livre ne casse toujours pas des barres, que ce thème du personnage " handicapé de la sensibilité " a été abordé ailleurs et avec franchement plus de brio, par exemple — s'il faut choisir un exemple — par John Steinbeck dans le personnage de Kate d'À L'Est D'Éden.

Il est vrai que je suis toujours très frileuse et souvent même assez réticente avec cette technique littéraire du courant de conscience et qu'à chaque fois que je l'ai rencontrée, je n'ai pas trop adhéré. Je reste donc globalement assez d'accord avec l'avis ancien (peut-être avec un léger mieux car je ne m'attendais à rien de très bon et que je n'ai donc pas eu à subir la première déception) que j'avais à propos de ce roman et que j'avais exprimé à l'époque comme ceci :

Ce livre est considéré par beaucoup comme un chef-d'oeuvre. Ceux qui prétendent le contraire se font régulièrement huer. J'ai donc décidé, envers et contre tous, de prétendre le contraire (car j'ai bien écouté les conseils de Monsieur Corneille, mais, bien loin d'être une nouvelle Rodrigue, je sais qu'il n'y aura pour moi ni victoire ni triomphe ni gloire, tout au plus, peut-être, une once de péril.)

Je ne peux pas dire que ce livre soit sans intérêt, mais cela signifie-t-il chef-d'oeuvre pour autant ? cela signifie-t-il monument de la littérature française pour autant ? Là, permettez-moi de m'interroger. Sans être du calibre d'un vrai bouquin qui questionne du genre L'homme sans qualités de Musil (peut-être faut-il un peu remettre Camus à sa place ?), l'ouvrage a le mérite de soulever, cahin-caha, deux ou trois questions qu'il peut être intéressant de méditer ou de rediscuter autour d'un verre entre amis, d'où mes deux étoiles et non une seule.

Cependant, lors de cette lecture, j'ai passé mon temps à attendre que quelque chose décolle, et rien n'a jamais décollé. Je fus donc horriblement déçue par ce livre vis-à-vis duquel, aux dires des critiques, j'avais nourri de nombreux et fructueux espoirs. le style, ou plutôt l'absence de style (je sais, c'est ça le « génie », faire comme si on n'avait pas de style alors qu'on en est pétri et qu'on en a plein ses poches, OK je veux bien, si vous le dites, mais je n'en crois rien) de cet écrit en font une oeuvre aride qui pourra apparaître à certains (j'en fais partie) comme insipide, voire vaine.

Ceux qui veulent trouver des qualités à ce livre en trouveront. Selon mon fort misérable avis, c'était une espèce de curiosité, un objet peu esthétique comme ces machins dont on ne sait pas trop quoi faire et qu'on n'ose pas non plus jeter car ce sont des soi-disant oeuvres d'art et donc qu'on pose dans un recoin peu éclairé, faute de mieux. Bref, j'en étais conduite à me demander « Imposture ou chef-d'oeuvre? that is the question ».

À ce stade, me direz-vous, de deux choses l'une : soit je suis passée totalement à côté de ce livre, ce qui n'est pas impossible, soit ce livre n'est pas aussi fantastique qu'on veut bien le prétendre, ce qui n'est pas impossible non plus. Cependant, étant d'un naturel réfractaire à toute forme de manichéisme, de dichotomie ou d'avis bêtement tranchés et inconciliables, je pense qu'il existe une troisième voie : celle du chemin.

Sur le chemin qui conduit un lecteur à une oeuvre, il peut y avoir mille embûches, détours ou passages infranchissables qui font que l'oeuvre demeurera inaccessible ou qu'au contraire, au prix d'un effort (qui peut être de différents ordres) le lecteur pourra s'avancer sur le chemin, jusqu'à atteindre l'oeuvre.

J'ai honnêtement essayé de m'avancer sur ce chemin, mais c'était trop loin de moi, trop « étranger » si j'ose écrire, et je ne pense pas jamais atteindre l'orée de ce qui pourrait m'en rapprocher. Alors, je vous regarderai de l'autre rive monsieur Camus, sans bien comprendre tout ce remue-ménage autour de vous, et m'en retournerai toute penaude sur mon chemin, si étranger au vôtre.

Une fois de plus, (et plus que jamais), ceci n'est que mon avis, un parmi quelques milliards d'autres, autant dire, pas grand-chose.
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Lorsque les Editions Gallimard publient “L'étranger” en 1942, Albert Camus n'a pas encore trente ans. La critique de l'époque accueille ce court roman, le premier de la tétralogie “Le cycle de l'absurde”, sans enthousiasme et pourtant soixante-dix ans plus tard cette oeuvre de jeunesse est de loin la plus connue du Nobel de littérature.

Le narrateur, Meursault, habite Alger qui en cette première moitié du 20e siècle est encore la préfecture éponyme d'un département français. Insensible au monde qui l'entoure, ce pied-noir sans histoire a une personnalité des plus atypiques. Les événements du quotidien, les choses de la vie ne l'atteignent pas vraiment et semblent glisser sur lui comme les gouttes de pluie sur les plumes d'un oiseau.
Stoïque lors des obsèques de sa maman dont il refuse de voir le corps, conciliant avec ses deux voisins de palier aux comportements primaires, prêt à se marier avec sa petite amie Marie alors qu'il ne l'aime pas vraiment, Meursault prend la vie comme elle vient. Tout lui est égal et rien n'a vraiment d'importance.

Le jour où sur une plage écrasée de soleil Meursault abat à bout portant un jeune arabe au couteau menaçant, “L'étranger” plonge soudain dans les sables mouvants de l'absurdité.

L'irrationalité d'un comportement a toujours le don d'exacerber le ressentiment, d'articuler avec force le bras vengeur de la société ; et la justice aux grandes oeillères de s'engouffrer dans la brèche, de se mettre au diapason de cette absurdité.
Imperturbable au fond de sa cellule Meursault reste fidèle à lui-même : le remord ne fait pas partie de ses états d'âme. le verdict de cette pseudo-justice il s'en accommode et arrive même à apprécier l'indifférence du monde à son égard.

On ne sort pas indemne d'un roman tel que celui-ci dans lequel la bêtise semble la chose la mieux partagée. Trente ans après une première lecture, je le referme aujourd'hui encore avec un sentiment de révolte vis à vis d'un monde qui trop souvent par manque de volonté ou de vigilance se laisse aller à la facilité, tombe dans la médiocrité.

Ce roman d'Albert Camus au titre si justement choisi fait partie de ces oeuvres intemporelles dont le message humaniste impacte durablement l'inconscient collectif.
Lire “L'étranger” c'est faire un pas en direction de l'Autre et c'est déjà beaucoup !

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Albert Camus - L'étranger - 1942 : Quelqu'un s'est-il déjà dit que ce livre ressemble à l'ébauche d'un vrai roman un peu comme les pastels de Degas semblent préfigurer la réalisation d'un plus grand tableau. L'histoire est squelettique et son résumé tient en une phrase. Un individu sans but, extérieur a sa propre vie assassine un ressortissant arabe sans vraiment le vouloir et sans le regretter non plus. Pourtant ce court texte sorti en 1942 est considéré comme un des chef d'oeuvre de la littérature mondiale. Dépouillé à l'extrême, il raconte la vie d'un homme insensible et désabusé considérant que son existence même ne le concerne pas y compris dans les épisodes les plus dramatiques qu'il traverse (la mort de sa mère, l'assassinat de l'homme, sa condamnation à mort). Cette absence de sentiments et de ressorts dramatiques contrebalancée par une écriture simple mais puissante rend ce livre fascinant bien des années après sa sortie. On peut se demander rétrospectivement si «l'étranger» n'est pas la plus grande escroquerie littéraire du 20ème siècle. En effet toute personne ayant un tant soit peu d'ambition plumitive chercherai à étoffer son propos autrement qu'en expliquant qu'elle a mangé des oeufs le midi ou qu'elle s'est lavée les mains en guise d'ablutions pour le reste de la journée. Oui mais tout le monde n'est pas Albert Camus, et lorsqu'on dit que le plus compliqué dans la vie est de faire simple, on parle sans doute de ce grand écrivain et de son livre le plus célèbre. Un autre avantage lié à «l'étranger» tient dans sa brièveté. Voilà un livre qu'on peut relire souvent. Lors d'un voyage en train par exemple, disons Bordeaux / Paris, l'allé retour sera suffisant pour en venir à bout. Essayez avec «Belle du Seigneur», le tour du monde ne suffira pas à égrainer ces phrases ampoulées qui font encore grimper aux rideaux de manière incompréhensible les femmes installées et les jeunes béotiennes avides de contes de fée. Cette comparaison à la Meursault (l'indigent qui sert de héros à cette histoire) n'est pas vaine car les deux livres sont vraiment la thèse et l'antithèse d'une littérature qui se voulait à une époque exagérément froide et sans lyrisme où totalement mièvre et démonstrative. On parle aussi de révolte quand on évoque cette oeuvre, mais une révolte contre quoi ? on est plutôt là dans l'affichage d'un nihilisme et d'un état dépressif qui mèneront un homme au suicide physique et social. On ne sait quelles raisons ont poussé Camus à déshabiller ainsi son écriture et sans doute aussi son âme mais «l'étranger» restera toujours pour nous les petits humains perdus dans nos questionnements existentiels un phare à la lumière délavée ou un brasier sans flammes alimenter par l'ennui qui traverse la plupart de nos misérables vies… une pierre angulaire de l'histoire de l'écriture
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Ah l'Etranger... jamais de ma vie je n'aurait pensé ouvrir un ouvrage de Camus, loin de moi l'idée d'avoir un a-priori sur l'auteur mais tout simplement parce que je n'y ai jamais pensé. Dieu merci j'ai récemment réparé cette erreur en maudissant par moment mon manque de curiosité car je suis obligée d'avouer, comme une grande majorité des amis lecteurs du site : Camus, c'est d'la balle!

Et pourtant, en démarrant le lecture du roman je me suis demandé dans quoi j'allais mettre les pieds. En lisant le démarrage emblématique du roman "Aujourd'hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas", j'ai eu un sursaut d'angoisse en me disant : "Oh non, c'est sur, celui-là, il va pas me plaire!". Qu'est-ce qui m'a poussé à persévérer? Je n'en sais absolument rien! Mais je dois dire que plus j'avançait dans ma lecture et plus je m'attachait à Mersault, ce héros atypique, cet étranger montré du doigt par tous.
Pour faire court, Mersault, il a plus ou moins la capacité émotionnelle d'un mollusque, c'est le genre de brave type qui ne se prend pas la tête, qui prend un peu la vie comme elle vient mais quand un jour il pète un plomb et abat un arabe, là c'est le drame et accessoirement la descente aux enfers sur le plan social. Je n'en dirait pas plus car je ne veux pas priver de plaisir ceux qui n'ont pas encore ouvert l'Etranger. En tout cas pour moi, ce bouquin m'a laissée sur le cul, si j'avais pu m'attendre à ça...
C'est vrai, L'Etranger est le roman de l'absurde mais je pense que c'est plus profond que ça. Attention, je ne me vante pas d'être une experte de Camus, c'est juste que le déroulement de l'histoire m'a bien remué les tripes. Pourquoi s'acharner comme ça sur un homme? Car au-delà de son crime, c'est avant tout sa froideur apparente, sa personnalité, sa différence qui ont été mises à l'index. Est-ce que les personnes qui l'ont condamné ne sont pas plus condamnables? Ne faites pas attention, je suis une révoltée chronique quand il s'agit d'humanité et ces deux questions que j'ai évoquées plus haut me trottent encore dans la tête, bien que j'ai achevé ce roman il y a plus de deux semaines. Je pense que ce sont ces interrogations, ce sentiment d'impuissance vis-à-vis du héros, qui donnent à cet ouvrage le statut de chef-d'oeuvre. Pourtant le style est simple, direct, avec des phrases courtes qui vont droit au but mais ça m'a plu, au-delà de mes espérances même alors je vais continuer l'aventure Camus avec La Peste qui me fait de l'oeil dans ma PAL. L'Etranger a été un belle découverte, je ne regrette pas de l'avoir lu, si vous ne l'avez pas encore eu entre les mains, n'hésitez pas à l'ouvrir car il ne vous laissera pas indifférents.
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critiques presse (1)
Culturebox
24 mai 2012
Dans ces illustrations, le visage de Meursault est tout aussi réel que suggéré, de façon à ne pas déranger l'imaginaire du lecteur. […] La force de Camus coule littéralement dans l'encre de Munoz.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (911) Voir plus Ajouter une citation
Je trouvais cela normal comme je comprenais très bien que les gens m’oublient après ma mort. Ils n’avaient plus rien à faire avec moi. Je nous pouvais même pas dire que cela était dur à penser.
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En tout cas, je n’étais peut-être pas sûr de ce qui m’intéressait réellement, mais j’étais tout à fait sûr de ce qui ne m’intéressait pas. Et justement, ce dont il me parlait ne m’intéressait pas.
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Après un autre moment de silence, elle a murmuré que j’étais bizarre, qu'elle m'aimait sans doute à cause de cela mais que peut-être un jour je la dégoûterais pour les mêmes raisons.
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Alors, je ne sais pas pourquoi, il y a quelque chose qui a crevé en moi. Je me suis mis à crier à plein gosier et je l'ai insulté et je lui ai dit de ne pas prier. Je l'avais pris par le collet de sa soutane. Je déversais sur lui tout le fond de mon cœur avec des bondissements mêlés de joie et de colère. Il avait l'air si certain, n'est-ce pas? Pourtant, aucune de ses certitudes ne valait un cheveu de femme. Il n'était même pas sûr d'être en vie puisqu'il vivait comme un mort. Moi, j'avais l'air d'avoir les mains vides. Mais j'étais sûr de moi, sûr de tout, plus sûr que lui, sûr de ma vie et de cette mort qui allait venir. Oui, je n'avais que cela. Mais du moins, je tenais cette vérité autant qu'elle me tenait. J'avais eu raison, j'avais encore raison, j'avais toujours raison. J'avais vécu de telle façon et j'aurais pu vivre de telle autre. J'avais fait ceci et je n'avais pas fait cela. Je n'avais pas fait telle chose alors que j'avais fait cette autre. Et après? C'était comme si j'avais attendu pendant tout le temps cette minute et cette petite aube où je serais justifié. Rien, rien n'avait d'importance et je savais bien pourquoi. Lui aussi savait pourquoi. Du fond de mon avenir, pendant toute cette vie absurde que j'avais menée, un souffle obscur remontait vers moi à travers des années qui n'étaient pas encore venues et ce souffle égalisait sur son passage tout ce qu'on me proposait alors dans les années pas plus réelles que je vivais. Que m'importaient la mort des autres, l'amour d'une mère, que m'importaient son Dieu, les vies qu'on choisit, les destins qu'on élit, puisqu'un seul destin devait m'élire moi-même et avec moi des milliards de privilégiés qui, comme lui, se disaient mes frères. Comprenait-il donc? Tout le monde était privilégié. Il n'y avait que des privilégiés. Les autres aussi, on les condamnerait un jour. Lui aussi, on le condamnerait. Qu'importait si, accusé de meurtre, il était exécuté pour n'avoir pas pleuré à l'enterrement de sa mère? Le chien de Salamano valait autant que sa femme. La petite femme automatique était aussi coupable que la Parisienne que Masson avait épousée ou que Marie qui avait envie que je l'épouse. Qu'importait que Raymond fût mon copain autant que Céleste qui valait mieux que lui? Qu'importait que Marie donnât aujourd'hui sa bouche à un nouveau Meursault? Comprenait-il donc, ce condamné, et que du fond de mon avenir ... J'étouffais en criant tout ceci. Mais, déjà, on m'arrachait l'aumônier des mains et les gardiens me menaçaient. Lui, cependant, les a calmés et m'a regardé un moment en silence. Il avait les yeux pleins de larmes. Il s'est détourné et il a disparu.
Lui parti, j'ai retrouvé le calme. J'étais épuisé et je me suis jeté sur ma couchette. Je crois que j'ai dormi parce que je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage. Des bruits de campagne montaient jusqu'à moi. Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix de cet été endormi entrait en moi comme une marée. A ce moment, et à la limite de la nuit, des sirènes ont hurlé. Elles annonçaient des départs pour un monde qui maintenant m'était à jamais indifférent. Pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai pensé à maman. Il m'a semblé que je comprenais pourquoi à la fin d'une vie elle avait pris un «fiancé», pourquoi elle avait joué à recommencer. Là-bas, là-bas aussi, autour de cet asile où des vies s'éteignaient, le soir était comme une trêve mélancolique. Si près de la mort, maman devait s'y sentir libérée et prête à tout revivre. Personne, personne n'avait le droit de pleurer sur elle. Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. Comme si cette grande colère m'avait purgé du mal, vidé d'espoir, devant cette nuit chargée de signes et d'étoiles, je m'ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. De l'éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j'ai senti que j'avais été heureux, et que je l'étais encore. Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu'il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine.
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(Attention ! Une fois n'est pas coutume, je vais citer à propos de ce livre une citation qui ne provient pas de ce livre, mais qui en est directement issue. Elle est l’œuvre du commentateur Pasdel lors d'un échange que nous avons eu à propos de "L'étranger". Je l'ai trouvée tellement belle et bien sentie, qu'elle mérite d'être offerte à tous. Si certains d'entre vous s'y opposaient, car ne faisant pas légitimement partie de l’œuvre de Camus, je la retirerais, car vous auriez, au sens strict, raison.)

"Ce que l'on appelle chef d'œuvre n'est que superficiel, un livre inconnu peut nous apparaître comme un chef d'œuvre à une époque de notre vie et paraître insignifiant quelques années plus tard. Ce sont souvent nos émotions qui influent sur notre jugement."
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