Je m’enchantai de ces heures de correction et de modification du tapuscrit, où je voyais le fœtus de livre prendre forme. Pour la première fois je m’exprimais à plein, avec mon « écriture », comme on dit, qui n’a pas changé depuis lors. Quoique la notion de complexité n’eût pas encore envahi mon esprit, c’était un travail complexe que j’accomplissais : connexion entre des savoirs distincts les uns des autres, d’ordinaire cloisonnés, mise en relief de contradictions que mon esprit hégéliano-marxiste me faisait détecter là où la pensée binaire les ignore. Je me penchais en particulier sur ce paradoxe : comment se fait-il que l’être humain, qui a horreur de la mort, est en même temps prêt à risquer sa vie, à la donner pour autrui, pour les siens, pour sa patrie, voire pour son parti ?