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Citation de Presence


Et il m’a appris à faire les murs. Les murs dans lesquels les racines s’enfoncent. Des cailloux, des pierres, des murs, il y en a beaucoup dans la campagne de mon enfance. Ils retenaient la terre fugace. Il y en avait toujours un qui s’écroulait. Alors le vieux Squinabe le remontait. Squinabe, c’était le surnom de John Carney. Je n’ai jamais bien su pourquoi. Peut-être à cause de l’esquine, et c’est vrai que le pépé était fort avec son dos. Il commençait par nettoyer soigneusement, comme un dentiste une carie. Je rangeais les pierres en catégories, les petites, mes moyennes, lui s’occupait des grosses. Ensuite il faisait le mur. Le mur. La muraille. La riba. Il doit être un peu oblique, penché vers l’amont. Les grosses pierres en façade. Derrière, d’autres viennent s’imbriquer en elles. Derrière encore, les moyennes, les petites, et enfin la terre. Mais tout ça, c’est de la technique, et la technique n’est rien sans a beauté. Et depuis les Grecs, c’est la beauté qui faisait tenir longtemps les murs de pierres sèches. Squinabe se reculait, scrutait son œuvre, hésitait, s’avançait, changeait de cailloux au dernier moment, sans raison apparente. Comme un peintre, ou un sculpteur. Il ne connaissait pas les Grecs. Il ne savait même pas l’existence de ce pays. Il m’a appris à reconnaître la beauté. Au cours de chaque reconstruction, je l’ai vu jeter à l’intérieur du mur, une boîte de sardines vide. Aujourd’hui, quand un de ces murs s’écroule, je vais fouiller le talus. Il m’arrive de retrouver une boite de sardines rouillée. John qui ne savait même pas écrire son nom signait ses œuvres.
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