J’ai résisté quarante-huit heures, sans fermer l’œil, parce que les besoins étaient partout. J’ai fini par m’écrouler sur un lit de camp. J’ai dormi, pas beaucoup, pas assez. Je me suis réveillée trempée, au milieu d’une nuit relative. J’étais sale, mes cheveux et ma peau étaient secs. Les camions frôlaient la tente où j’avais trouvé refuge. Les premiers jours, on se contentait de trouver un peu de repos sous des bâches. Personne n’osait regagner sa maison, de peur d’une nouvelle secousse. Alors, les gens dormaient dehors, sous des abris improvisés, dans des endroits dégagés. Autour de l’aéroport, c’était l’agitation permanente. Des grappes d’enfants se suspendaient au grillage qui délimitait la piste, attendant qu’on leur prête attention. Ils ne parlaient pas beaucoup, ils nous observaient, guettant la sortie des camions, rentrant la tête dans les épaules à l’atterrissage des hélicoptères. Ils étaient seuls.
Ellie est partie parce que j’ai exagéré et que, malgré ses avertissements, j’ai continué. Je croyais qu’elle serait toujours là, quelles que soient mes grandes ou petites manœuvres. Parce qu’elle avait déjà encaissé beaucoup de mes légèretés et de mes changements brutaux de direction. C’était mon chamallow ; de la ouate. Ellie m’aimait d’une façon qui parfois m’effrayait. Personne ne m’a jamais aimée comme elle, aussi longtemps, avec persévérance. Que je sois là, pas là, que je lui pique ses mecs, que je la laisse sans nouvelles, que je l’abandonne en soirée, que je me mure dans le silence ou que je lui dise ses vérités, elle supportait tout. Je ne sais pas d’où elle tenait cette patience. Elle avait ça. Je pouvais tout lui jouer, frôler la casse.