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Citation de MegGomar


J'aurais pu ne rien comprendre à ses récits, car elle relatait l'histoire de sa famille de la façon incongrue dont les adolescents relatent les catastrophes auxquelles ils ont assisté. Mais il m'arriva quelque chose d'étrange au cours de cette période. Je ne parvenais pas à m'expliquer les faits qui se produisaient chez moi, et dont j'étais à la fois actrice et spectatrice. Etait-ce parce que je refusais de les déchiffrer, parce qu'on s'ingéniait à me les rendre incompréhensibles, ou simplement parce qu'on se souciait peu de leur conséquence sur mon esprit? De temps à autre, ma mère disparaissait avec son petit enfant pour une ville imprécise du Nord ; j'allais alors chez une cousine, où l'on me traitait imperturbablement avec une commisération teintée d'affection. Toutefois, même lorsqu'elle était présente, ma mère ne semblait pas me voir, à moins qu'elle s'efforçât de ne pas me transmettre le chagrin qui l'habitait. Mis à part quelques brusques explosions d'amour, au cours desquelles elle me couvrait de baisers et de caresses, rien de ce qui me concernait ne paraissait l'intéresser ni la réjouir, mis à part mes succès scolaires. Et ce non par vanité ou ambition, mais comme ces gens qui reçoivent de leur enfant, en fuite devant un grave danger, les signes de son salut.
Quand à mon père, il avait cessé de m'écrire depuis son retour à Naples. Je n'avais aucune nouvelle de lui, et la ville où j'avais habité n'était plus désormais que le nom d'un éloignement. Pire encore, quand quelqu'un la mentionnait (au lycée par exemple), j'éprouvais aussitôt un sentiment de honte, comme si le lien que j'entretenais avec le lieu de mon enfance n'avait plus rien de légitime. Au reste, ma mémoire et mon imagination se confondaient et il ne me restait plus, du vaste quadrilatère urbain où j'avais vécu, que la lumière, les sons, la musique et les paroles des chansons, la sensation de la mer scintillante et profonde. Oscillant entre un passé irréel et un présent incompréhensible, j'avais perdu tout intérêt pour ma vie, pour les présences et les épisodes qui la traversaient. En compensation, j'avais conçu une furieuse curiosité pour la vie des autres, en général, et pour la vie de Fiammetta, en particulier.
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