La similitude de cette grande fleur
Ces vignes sont bien taillées, je les renverse. J’ai les traits de ma mère dans mon cœur, la gemme la plus sombre, errant dans le goudron, une affinité avec l’Islande. Le monde cliquète : nom, nom, nom. Sable en chaussure ne fait pas de toi une huître. Cette rivière s’écoule constamment. « La similitude de cette grande fleur », son violent prestige. Abandonne tes intérêts quand la clarté lunaire vire le soleil. Le chien est-il sous verre ou vitré ? La voix du paradis a un enfer derrière. J’observe la fleur du mal, mouche dans la serrure qui tente de déchiffrer le mur. Celui-ci dit que nous ne sommes pas morts malgré le froid, il vend sueur et rire de la chambre verte. Il fait brumeux dans le rêve. Dit que tu as promis de continuer.
/ Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
L’arbre de l’effort personnel
L’autoroute perdue de l’ornementation s’évanouit vers l’origine. Des bateaux naufragés retournent à leurs constructeurs comme des aimants. Dans l’arbre de l’effort personnel se loge une montgolfière ou bien les branches sont corbeillées. Qu’avons-nous pensé que nous osions quitter voguant : un livre non-lu, une aspirine ? Mon corps savait que j’étais ancrée à la terre par la chair. Construis une plus grande soufflerie si tu veux t’élever au-dessus de ta vie. Ainsi soupire le nuage-mot du pilote. Pour impliquer ou entonner l’entière possibilité du soleil humain. La rose s’éleva défroissée dans le printemps. Une libellule sur ta main pour toute chance.
Source : Elizabeth Willis : Meteoric flowers, Wesleyan University Press 2006. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
The Tree of Personal Effort
The lost highway of ornament fades into origin. Shipwrecks return like magnets to their builders. In the tree of personal effort, a balloon is lodged or branches are basketed. What did we think we dared to sail away from, an unread book, an aspirin? My body knew I was anchored to earth with flesh. Build a bigger bellows if you want to rise above your life. So sighs the pilot’s cloud of word. To imply or intone the whole possibility of human sun. The rose rose unknit with spring. A dragonfly in your hand for luck.
Source : Elizabeth Willis : Meteoric flowers, Wesleyan University Press 2006.
Elizabeth Willis
Elizabeth Willis est une poète états-unienne née en 1961 au Bahreïn qui a enseigné à l’université d’Iowa. Une anthologie de ses poèmes a été dans les finalistes de l’important prix littéraire Pulitzer. Elle compose surtout des poèmes en prose courts et elliptiques avec des métaphores polysémiques et quelques répétitions en échos. Plusieurs poèmes décrivent des peintures classiques (Chardin, Turner, Constable) en analysant les processus de perception et création artistiques. Un « je » lyrique se dégage oblique et discret, en relation avec la nature vivante qui l’entoure. Le poème est pour elle « une réinvention sonore du monde dans lequel il est produit ». Elizabeth Willis a aussi édité un volume d’essais sur la poète « objectiviste » Lorine Niedecker. Elle a été invitée en 2007 par Double Change pour une lecture à Paris.
Les châtaignes
Comme dans l’obscurément ouverte science du premier plan, reposant docilement comme sur de l’air ; le repos nous y prenons place. Échangeons place avec les châtaignes, une manière de leur magnétisme, en réflexion dans la pièce ; ou sur l’obscurité coutumière, d’un brun aristocratique, avec des choses traquées, nous venons nous reposer parmi elles. La pièce peinte, enfermée dans une manière de gentillesse. Nous réfléchissons sur cette habitude adorable de ce lièvre avec qui nous sommes, dans l’habituation à cette image, qui induit une capture. Pour cacher les vertus d’un bond sans limites, considérons la réflexion dans la châtaigne. Comme si le peintre se dessinait en Faucheuse dans la nature morte ; comme possédant une tranquillité sculpturale, des virgules dans l’obscur. Une figure de nous-mêmes réfléchie ou une manière d’image reposant ; docilement en air, enfermement dans une forme de capture.
/ Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.