AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Coco574


Il n’y avait pas un brin de vent quand Sam Witell quitta son bureau du service d’aide à domicile de Norrköping. Après une longue journée de travail, il se dirigea vers sa Toyota rouge, tout au fond du parking ombragé.
Il voulait rentrer le plus vite possible, avait hâte de surprendre Jonathan avec le ballon de foot neuf qui attendait dans un sac plastique sur la banquette arrière. Jonathan adorait jouer au foot, mais préférait rester dans les buts. Sam sourit en imaginant le garçon de six ans, prêt au tir, genoux fléchis, avec des gants de goal qui semblaient énormes sur ses petites mains.
Sam monta dans sa voiture, s’engagea sur la chaussée et s’éloigna du centre-ville. Dix minutes plus tard, les pavillons neufs d’Åselstad se présentèrent à sa vue.
Sa maison blanche, sur une hauteur, offrait une vue sur les eaux scintillantes du lac d’Ensjö. Il manœuvra comme d’habitude dans l’allée, prit le sac du ballon de foot et sortit de voiture. Il se dirigea en chantonnant vers la maison mais, en ouvrant la grille, eut soudain le sentiment d’être observé et se retourna.
Un peu plus loin dans la rue, un homme vêtu d’un polo et d’un pantalon noir était appuyé à une fourgonnette blanche. Il le scrutait d’un regard étrange, interrogatif.
— Sam Witell, c’est vous ? lança-t-il.
— Euh, oui ? hésita Sam.
— Il faut que je vous parle.
L’homme avança vers lui. Sam distingua alors les mots Direct Alarme inscrits en lettres noires sur le côté de la fourgonnette.
— Je suis désolé, dit Sam en franchissant la grille, mais je n’ai pas le temps.
— Je veux juste vous poser quelques questions, reprit l’homme, qui se tenait à présent face à lui.
— Non merci. Je dois vous demander de partir.
— Ça ne prendra pas longtemps, je veux juste vous demander si…
— Papa !
Sam aperçut Jonathan qui traversait le jardin en courant.
— Salut, mon grand. Comment ça va ?
Il souleva le garçon dans ses bras avant d’ébouriffer ses cheveux blonds, dénudant sa tache de naissance au-dessus du sourcil.
— Bien, répondit Jonathan en arborant son plus grand sourire.
Sam essaya de sourire à son tour, mais la présence de l’homme le dérangeait : quelque chose dans son attitude, ses cheveux en brosse, ses bras musclés et sa nuque épaisse.
— Qui c’est ? demanda Jonathan en désignant l’homme.
— Rien, juste un vendeur, dit Sam, sentant l’inquiétude monter, alors que l’homme regardait à présent bizarrement Jonathan. Pourquoi ?
— Qu’est-ce que tu as dans ce sac ? l’interrogea Jonathan quand il le reposa. Tu m’as acheté quelque chose ?
— Viens, dit Sam en lui prenant la main pour retourner vers la maison.
— Qu’est-ce que tu as acheté ? continua Jonathan. Un ballon de foot ? Ça ressemble à un ballon de foot !
— Viens !
Sam serra plus fort la main de Jonathan, l’emmena rapidement le long des hautes haies et de la remise à la peinture écaillée. Il trébucha sur un filet de tennis enroulé, mais garda son équilibre et hâta le pas jusqu’à la maison, le sac à la main, Jonathan derrière lui.
Essoufflé, il entra, referma la porte et lâcha alors la main de Jonathan.
— Qu’est-ce qu’il y a, papa ?
Sam ne répondit pas. Il se contenta de jeter un coup d’œil par la fenêtre en direction de la rue, en espérant de tout cœur que l’homme serait parti.
Mais il était toujours là.


Le procureur Per Åström était concentré. Un grand écran lui permettait de suivre l’interrogatoire de Danilo Peña sans avoir à être présent dans la même pièce. Les yeux baissés sur la table, ce dernier ne pipait mot. Les manches de son sweat vert pénitentiaire étaient remontées.
À côté de lui, son avocat Peter Ramstedt, avec ses dents blanches comme la craie et une cravate aux rayures beaucoup trop marquées, n’arrêtait pas de faire cliquer le stylo-bille noir qu’il tenait à la main.
— Vous ne devez pas être surpris d’apprendre que vous êtes soupçonné de meurtre, déclara l’inspectrice Mia Bolander, assise avec Henrik Levin en face de Danilo. Je suppose que c’est pour ça que vous avez tenté de fuir en Pologne ?
Danilo garda le silence.
— Bref, dit Mia. Le procureur vous a mis en examen, et j’aimerais savoir si vous avez quelque chose à dire à ce sujet. Ou à propos des jeunes passeuses de drogue que vous avez tuées ?
Pas de réponse.
Elle attendit un moment avant de poursuivre :
— Allez, dites-nous quelque chose.
Mia attendit à nouveau. Plus longtemps cette fois. Pendant ce temps, Per observa le menton marqué et les mâchoires agitées de l’homme de trente et un an. Il passa ensuite à ses cheveux sombres qui descendaient jusqu’au col du sweat, en songeant que cet homme n’avait laissé aucune trace après s’être enfui d’une chambre surveillée de l’hôpital de Vrinnevi, quelques mois plus tôt. Il n’avait ni passeport ni carte de crédit. Pas non plus d’adresse, de famille ou d’amis. Il avait vécu comme un fantôme.
Grâce à l’indication d’un voyageur, la police avait su que Peña se trouvait à bord d’un ferry à destination de Gdansk. La police l’attendait à l’arrivée, mais il avait réussi à débarquer sans se faire prendre. Après plusieurs semaines de traque, on avait enfin réussi à l’arrêter.
Danilo n’avait pas prononcé un mot depuis son transfert à la maison d’arrêt de Norrköping. Visiblement, il n’en avait pas non plus l’intention en ce jour.
— Ne jouez pas au con, c’est mieux pour vous de commencer à nous parler, dit Mia en se tortillant sur son siège.
Voilà, elle a perdu patience, se dit Per. Ça se voyait et ça s’entendait. Le ton de sa voix était plus dur, le débit de sa parole plus rapide. Peut-être vaudrait-il mieux qu’Henrik prenne le relais ? Il était toujours calme et posé et, à la différence de Mia, ne haussait la voix qu’au moment opportun.
— Bon, soupira Mia. Le procès commence dans quatre semaines, espérons que vous aurez retrouvé la parole d’ici là.
Soudain, Peña ouvrit la bouche.
— Contactez Jana de ma part, siffla-t-il.
Per sursauta, pris au dépourvu par la voix sombre et rocailleuse de l’homme. Henrik et Mia devaient être tout aussi surpris, car le silence se fit un long moment dans la salle d’interrogatoire.
— Qui ? finit par demander Mia.
— Jana Berzelius.
Peña croisa son regard.
— Qui c’est, Jana Berzelius ?
Il ricana.
— Je me demande qui joue au con, maintenant.
Henrik se pencha au-dessus de la table.
— Pourquoi voulez-vous voir Jana ?
— Contactez-la de ma part.
— Pourquoi ?
— Je veux la rencontrer. Lui causer un peu.
— C’est impossible, vous savez que nous ne pouvons pas l’autoriser.
— Je sais. Mais je ne parlerai pas avec vous.
Per vit Peña reculer sa chaise. Soudain, il tourna la tête vers la caméra fixée au plafond, plongea son regard dans l’objectif et dit :
— Tout est possible. N’est-ce pas, Per Åström ?
Commenter  J’apprécie          30





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}