La banalité de mes traits me bouleverse chaque matin lorsque je m’aperçois dans le miroir de la salle de bains. Toujours étonné, toujours surpris, je ne me reconnais jamais dans ce physique ordinaire, ce visage que l’on oublie aussitôt qu’on l’a vu.
Je possède la panoplie parfaite de l’homme sans personnalité : ma calvitie naissante, malgré ma trentaine à peine entamée, mon ventre qui s’arrondit au fil du temps, mes vêtements sans marque aux couleurs sombres ; même mes goûts musicaux sont d’un ordinaire lisse.
En fait, je crois que je culpabilisais un peu de mon égoïsme à désirer une femme parfaite, une femme objet, une femme totalement dévouée à son mari. Comble du bonheur pour un homme, c’était un vertige pour moi dont l’empathie et la gentillesse étaient des valeurs essentielles à la vie. De quel droit pouvais-je accepter la joie d’être aimé sans rendre heureux en retour ?
J’ai besoin de vivre, tu comprends ? J’ai besoin d’être, de vibrer, d’agir comme je l’entends, d’être moi-même !
Comme je suis laid. L’inverse doit être vrai également : une âme noire se lit sur le visage de celui qui l’abrite. J’ai toujours été laid. Bas. Je n’ai jamais levé les yeux au ciel pour m’élever l’esprit. J’ai toujours pensé à l’horizontal, regardant droit devant moi, jamais au-dessus.
- Qu’y a-t-il de si merveilleux ?
- Le soleil ! La vie ! Toutes ces couleurs ! L’herbe d’un vert sain, les arbres qui se balancent doucement dans la brise, les oiseaux qui chantent et trillent, les papillons qui volent en battant de leurs ailes rouges, mauves et bleutées…
Comment obtenir ce que l’on cherche si on ne le sait pas soi-même ou si on ne le formule pas ?
Il y a tout de même quelque chose de rassurant à découvrir des défauts à la personne que l’on aime, à admettre de l’irritation ou de l’agacement face à l’un de ses comportements. Les petites manies mettent en valeur la grandeur d’âme de l’être aimé.
La mort sans douleur n’existe pas. Je restais lucide.
Il me fallait donc apprendre à lâcher prise, à accepter l’échec ou même l’absence de réussite. Etre heureux d’avoir été, d’avoir eu, même si je n’étais plus, même si je n’avais plus.
L’amour, c’est la quête de chacun, c’est le regret de tout le monde.