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Citation de enkidu_


La crise spirituelle est une crise de l'homme classique européen, né avec le monde bourgeois. Il avait cru réaliser l'animal raisonnable, où la raison triomphante avait domestiqué définitivement l'animalité, et le bonheur, neutralisé les passions. Trois coups de semonce furent donnés en cent ans à cette civilisation trop sûre de son équilibre : Marx, sous les harmonies économiques, révélait la lutte sans merci des forces sociales profondes ; Freud, sous les harmonies psychologiques, découvrait la marmite des instincts ; Nietzche enfin, annonçait le nihilisme européen avant de passer la voix à Dostoïevski. Les deux guerres mondiales, l'avènement des États policiers et de l'univers concentrationnaire ont, depuis, largement orchestré leurs thèmes.

Aujourd'hui, le nihilisme européen s'étend et s'organise sur le recul des grandes croyances qui tenaient nos pères debout : foi chrétienne, religion de la science, de la raison ou du devoir. Ce monde désespéré a ses philosophes, qui parlent d'absurdité et de désespoir, ses écrivains qui jettent la dérision à tous vents. Il a ses masses, moins éclatantes. « Le suprême désespoir, dit Kierkegaard, est de n'être pas désespéré. » Le règne de la médiocrité satisfaite est sans doute la forme moderne du néant, et peut-être, comme le voulait Bernanos, du démoniaque.

On ne sait plus ce qu'est l'homme et comme on le voit aujourd'hui traverser d'étonnantes transformations, on pense qu'il n'y a pas de nature humaine. Pour les uns, cela se traduit : tout est possible à l'homme, et ils retrouvent un espoir ; pour d'autres : tout est permis à l'homme, et ils lâchent toute bride ; pour d'autres enfin : tout est permis sur l'homme, et nous voilà à Büchenwald. Tous les jeux qui nous divertiraient du désarroi ont épuisé leur vertu, ou touchent à la satiété. Le jeu des idées a donné son chef-d'œuvre avec le système d'Hegel : il signe, en effet, la fin de la philosophie, là où la philosophie n'est qu'une architecture savante à masquer notre angoisse. L'aliénation religieuse qui s'est fixée au Dieu des Philosophes et des banquiers nous autorise, en effet, s'il s'agit de cette idole, à proclamer la mort de Dieu. Que les guerres laissent un peu de répit au miracle technique, et bientôt, gavés de confort, nous pourrons dire la mort du bonheur. Une sorte de XIVe siècle s'effrite sous nos yeux : le temps approche de « refaire la Renaissance ». (Conclusion)
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