Après la dernière note, un silence insolite s'était fait dans la salle de la Scala de Milan. De mémoire de spectateur, et Dieu sait qu'elle est élevée la moyenne d'âge des spectateurs de la Scala de Milan, et que cette moyenne d'âge fait remonter loin en arrière ladite mémoire des soirées mémorables de la Scala de Milan, on n'avait jamais entendu à la Scala de Milan un silence aussi massif, aussi profond, au sortir d'une symphonie. Elle avait très bien porté son nom ce soir-là cette symphonie (La Belle au bois dormant, je crois avoir omis de vous en donner le titre, pardonnez-moi), car les spectateurs pétrifiés ressemblaient à s'y méprendre aux sujets assoupis du royaume du conte, comme suspendus en plein mouvement, évanouis sur leur siège, immobiles, le regard fixe dirigé vers l'orchestre, avant de se lever d'un seul élan et applaudir en hurlant bravo ! bravo ! bravo ! pendant près d'une vingtaine de minutes, au gré d'une douzaine de rappels.