Matin à neuf œufs
Il y a des œufs brisés tout au long du chemin. Ils sont bleu pâle. Chaque jour il y en a plus. Ce matin, j’ai pour la première fois compté les œufs en marchant. Neufs œufs, ça semble beaucoup. Certains sont des œufs de grive, et d’autres pourraient être des œufs de en merle. Peut-être que ce sont tous des œufs de grive. Ou peut-être que ce sont tous des œufs de merle. Les teintes de bleu varient d’un bleu très clair, presque blanc, à un bleu vif, presque bleu-vert. Je ne suis pas meilleure pour identifier les œufs que pour reconnaître les oiseaux. Je suis enchantée lorsque je trouve un gros morceau de coquille intact, ou un œuf proprement brisé en deux parties égales.
J’oublie qu’elle est un chien
Alors qu’Emily et moi remontions le chemin, j’ai vu une explosion de plumes par terre. Le désordre indiquait qu’un pigeon avait été mangé par un renard. Il ne restait pas grand-chose de plus qu’un éparpillement de plumes. Quelques mètres plus loin j’ai vu les ailes de l’oiseau, parfaitement alignées sur le sol. Elles étaient exactement dans la position où elles auraient été si l’oiseau avait encore été au centre. J’ai admiré les ailes pendant quelques minutes. J’aurais aimé avoir un appareil photo pour photographier l’absence de l’oiseau. J’ai continué le long du chemin. Em n’est pas venue avec moi, et elle n’a pas répondu lorsque je l’ai sifflée un peu après. Quand je suis retournée la chercher, je l’ai trouvée occupée à lécher et mâchouiller les restes de chair laissés par le renard aux extrémités des ailes. J’etais choquée qu’elle ait ruiné ce charmant tableau d’ailes sans oiseau. Parfois j’oublie qu’elle est un chien.
Je donne des coups dans les buissons et les arbres avec un gros bâton. J’alerte tous les chasseurs de ma présence. J’alerte aussi les oiseaux.
Il y a toujours le premier quelque chose à anticiper ou à célébrer, mais rien ne provoque autant d’excitation que La Première Hirondelle.