AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de martineden74


Quel crédit accorder à un artiste (un écrivain aussi bien) qui ne toucherait à aucun moment de son art au cœur même de l'humain ? Qui ne serait cet archer qui annonce à sa façon, en poète qu'il est : « Et d'un oeil avisé nous mirons droit dans la rime.» Bonheur de l'anagramme : rime, mire (rima). Le cœur de l'humain ? Métaphore du romantisme à travers les siècles, pour reprendre le titre d'un livre de Philippe Muray qui désigne en vérité, comme nous le signifie un poème du XVIII siècle, le sexe, plus précisément le sexe de la femme. Le tireur à l'arc, chasseur de fauves : « Et nous mettons droit les yeux dans la fente/Et nous ne tirons jamais de coups décochés en vain. S'il est un artiste, poète et chasseur qui sait mettre droit les yeux dans la fente du réel, de tout le réel, c'est-à-dire dans le lieu où le réel s'ouvre pour délivrer son sens; s'il est un dessinateur qui ne tire jamais un trait décoché en vain, c'est bien Ernest Pignon-Ernest.
Archée : principe de vie, feu central de la terre. Viser le feu de la femme, c’est viser dans le même temps et plus fondamentalement le feu de la terre, le principe même de la vie. Titre du tableau de Courbet : L'Origine du monde. Le Vésuve sait faire jaillir sa rougeoyante semence sur Naples et la côte amalfitaine.
Zelda, épouse de Francis Scott Fitzgerald, dans une rue de Paris, brise la vitre d'une borne d'appel aux pompiers: « Vite, vite, venez Vite, jai le feu au cul ! »
Naples n'est pas choisi au hasard par Ernest Pignon-Ernest. Présence de Virgile, bien sûr, près de la tombe duquel, en manière d'hommage, il colle son dessin. C'est aussi la ville où Vivant Denon situe sa Belle Napolitaine vue de dos. Vue de dos mais, robe relevée, exhibant son magnifique cul, et la tête tournée, regard aguicheur, vers les mâles suiveurs, vers nous aujourd'hui, les voyeurs du dessin, vers ceux de demain, pour s'assurer auprès de nous, auprès d'eux, d'un effet maximum. Qui m'aime me suive ! Qui me suit me baise ! Force du dessin d'Ernest : il indique que le siècle libertin de Vivant Denon est loin, que le XIX° est passé par là. La femme, de face, exhibe son sexe mais détourne la tête, se cache les yeux. La culpabilité a fait son ouvrage, du coup, son sexe est d'autant plus en feu. Double effet d'obscénité, laquelle, selon Bataille, rend la beauté du sexe encore plus fascinante : la Napolitaine n'est pas nue et elle est velue. Pas nue. Bataille encore: « Je pense comme une fille enlève sa robe. » Ernest dessine comme une fille soulève sa robe. Le dévoilement est autrement plus érotique, plus scandaleux, que le déjà dévoilé. Velue. Présence taboue de l'animalité chez la femme. Breton n'est pas Bataille, on le savait. « C'est une honte, déclarait l'auteur de L'Amour fou (retour à grands pas du XIX siècle dans la poésie du XX), qu'il y ait encore des sexes non rasés. » Merci à Virgile, merci à Pignon-Ernest, d'avoir, chacun en leur temps, fouillé, tisonné les cendres de la honte pour ranimer les laves ardentes du sexe et de l'amour.

— Jacques Henric - Femme avec le feu entre les jambes
Commenter  J’apprécie          10





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}