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Citation de Charybde2


Depuis la capitainerie du port, on leur dit que la mer est trop forte pour tenter d’échouer le bateau sur la plage des chantiers de démolition. Il va falloir croiser au large en attendant que la mer se calme. Sur le Bahía Inutil, les vivres sont quasiment à sec et les neuf hommes exténués et terrorisés. Quarante-huit heures plus tard, la mer est encore forte mais la houle est longue. Usodimare décide d’échouer coûte que coûte le bateau. C’est la manœuvre qu’il n’a jamais faite.
Usodimare demande au timonier de lui laisser sa place. Il veut avoir le bateau dans les mains, c’est du moins ce que pense Niretinho en voyant les phalanges de ses doigts blanchir tandis qu’il serre les manetons de la barre. La houle est lente, profonde. Quand le Bahía Inutil est au creux de la vague, l’horizon disparaît et, du côté opposé, l’interminable plage de boue de Chittagong disparaît aussi. Ceci se produit une, deux, trois, cinq fois, et chaque fois que la vague passe sous le bateau, la ville se fait dangereusement plus proche. Usodimare retient le mouvement en vrille du Bahía Inutil à la force de ses bras, rappelant à ses mains le miracle de l’équilibre qui lui reste encore de l’époque où il barrait des voiliers. Le Bahía Inutil se redresse chaque fois et chaque fois, avec ses machines lancées à fond, se dirige vers son ultime destin. Il est léger sur la crête de la vague, comme s’il voulait montrer qu’il est encore capable de voler sur la respiration de la mer, sur l’horizon infini d’un nouveau trajet. Mais ce n’est pas ça. Ce qui l’attend, c’est sa métamorphose en chose immobile. Œuvre morte pour toujours. Malgré les marées, malgré le vent.
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