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4.67/5 (sur 3 notes)

Nationalité : Italie
Né(e) à : Genes , 1956
Biographie :

Ernesto Franco est un auteur italien né à Gènes en 1956. Il a traduit les œuvres de plusieurs auteurs hispaniques (Octavio Paz, Alvaro Mutis, Julio Cortazar) et a publié "Isolario" (1994) et "Vies sans fin" (1999) chez L'Arpenteur. Les Editions de L'Arbre Vengeur ont également publié "Histoire d'Usodimare : un récit pour voix seule" en 2009.

Il est directeur éditorial dans la grande maison d’édition Einaudi.

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Bibliographie de Ernesto Franco   (1)Voir plus

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Citations et extraits (7) Ajouter une citation
Il semble que cela ait été un désir venant de lui. Oui. Que le bateau soit démoli en laissant en dernier le pont de commandement. Exactement le contraire de ce qu’on fait habituellement ici, à Chittagong. Ces ouvriers du Bangladesh sont dans un tel état de misère que d’habitude le pont de commandement, avec ses objets de prix, disons ainsi, est pris d’assaut tout de suite. Par les premiers, ceux qui sont encore suffisamment robustes pour arriver à bord en montant à mains et pieds nus le long des chaînes des ancres.
Mais cette-fois ci, cela n’a pas dû se passer ainsi. Ils ont fait comme il le demandait, lui. Une des rares choses sûres dans cette histoire de souvenirs payants et d’hypothèses passionnées. Ils ont démoli tout le bateau en commençant par la proue. Cloison après cloison, pont après pont, cale après cale. Puis ils ont fait le tour du château arrière et, de la poupe, ils sont repartis pour arriver à nouveau au château.
C’est ainsi que je suis aujourd’hui en haut d’une espèce de tour haute de trente mètres plantée dans le sable pourri de Chittagong. Comme un gigantesque clou de la Croix. On y arrive par une échelle de pilote, mais multipliée par vingt. Une peine terrible avec cette chaleur. L’air ici est de l’eau. À travers les vitres encore intactes, je vois une forêt de fer. Des cheminées sans chaufferies, des antennes, des grues. Des proues sans bateau, des hélices sans poupes. Le soir, l’endroit où je me trouve est le seul objet de la côte qui ait encore une lumière allumée. Le seul encore vivant. De loin, ça doit sembler le plus horrible, ou peut-être le plus idiot. Même de nuit, même à cette hauteur, la puanteur est insupportable.
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Depuis la capitainerie du port, on leur dit que la mer est trop forte pour tenter d’échouer le bateau sur la plage des chantiers de démolition. Il va falloir croiser au large en attendant que la mer se calme. Sur le Bahía Inutil, les vivres sont quasiment à sec et les neuf hommes exténués et terrorisés. Quarante-huit heures plus tard, la mer est encore forte mais la houle est longue. Usodimare décide d’échouer coûte que coûte le bateau. C’est la manœuvre qu’il n’a jamais faite.
Usodimare demande au timonier de lui laisser sa place. Il veut avoir le bateau dans les mains, c’est du moins ce que pense Niretinho en voyant les phalanges de ses doigts blanchir tandis qu’il serre les manetons de la barre. La houle est lente, profonde. Quand le Bahía Inutil est au creux de la vague, l’horizon disparaît et, du côté opposé, l’interminable plage de boue de Chittagong disparaît aussi. Ceci se produit une, deux, trois, cinq fois, et chaque fois que la vague passe sous le bateau, la ville se fait dangereusement plus proche. Usodimare retient le mouvement en vrille du Bahía Inutil à la force de ses bras, rappelant à ses mains le miracle de l’équilibre qui lui reste encore de l’époque où il barrait des voiliers. Le Bahía Inutil se redresse chaque fois et chaque fois, avec ses machines lancées à fond, se dirige vers son ultime destin. Il est léger sur la crête de la vague, comme s’il voulait montrer qu’il est encore capable de voler sur la respiration de la mer, sur l’horizon infini d’un nouveau trajet. Mais ce n’est pas ça. Ce qui l’attend, c’est sa métamorphose en chose immobile. Œuvre morte pour toujours. Malgré les marées, malgré le vent.
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Encore une fois pour la dernière fois, ce bateau est à moi. Il sera à moi de manière ininterrompue pendant vingt mille milles. Des milles très lents à en juger par le bruit des machines. Je déciderai du cap même s'il est inévitable. Et des quarts, même s'ils sont obligatoires. Et surtout, je déciderai de la manœuvre finale, qu'il me faudra par contre improviser car elle n'existe pas même sur les manuels. Aucune personne de ma connaissance n'a jamais échoué un bateau aussi gros. Et pourtant, ça se fait. Il y a des dizaines de pilotes qui le font dans le monde. Si la houle est longue, il faudra chercher la caresse des vagues. Si la mer est grosse, il faudra attendre, peut-être une semaine entière, comme si on était en rade. Mais si tout va bien, la mer sera plate et il faudra alors seulement respirer avec la marée. On verra.
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Que veut dire Usodimare par ces derniers mots, qui n’ont rien à voir avec ce qui précède ? Que cherche-t-il sur une vieille carcasse de cargo ?
Qu’il ait cherché quelque chose, cela ne fait pas de doute. À partir de ce moment-là, son comportement semble suivre une stratégie précise, comme un plan, qui reste incompréhensible pour cette bande qu’est son équipage. De tout cela, naturellement, il n’y a pas trace dans son journal de bord, qui note pourtant certaines choses importantes, mais apparemment sans aucun lien les unes avec les autres. Je n’ai pu reconstituer cette phase de la navigation qu’avec l’aide des souvenirs et des récits du maître d’équipage, on peut l’appeler comme ça, du Bahía Inutil, monsieur João Niretinho, que j’ai retrouvé ici, à Chittagong.
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[...] De décollage en décollage, les avions que doit prendre Usodimare sont des appareils de plus en plus vieux. Des Antonov, de plus en plus souvent. Il écrit qu'il a l'impression de passer imperceptiblement des mains des pilotes à celles de Dieu.
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[...] À la fin, le bateau sera à eux, mais ce ne sera plus un bateau. Ils vont le dévorer comme des fourmis pleines de rouille, sous les pluies incessantes de leur pays, du plus profond de leur désespoir. Mais ils n'auront dans leurs mains blessées qu'une montagne de fer, une baleine mécanique, une onde magnétique.
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[...] je lui réponds, comme je le fais toujours, que ce métier n'est pas un métier moderne.
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