Jamais par exemple on ne pourra s’asseoir sur une chaise dont la construction est en projet. Pour la richesse produite par l’industrie financière, cette logique temporelle est renversée. De la valeur qui n’est pas encore produite, et qui ne verra éventuellement jamais le jour, se transforme à l’avance en capital, en capital fictif.
La production capitaliste ne connaît qu’un seul but : la transformation de l’argent en plus d’argent. Si le capital n’a plus la valorisation en perspective, il cesse d’être capital. C’est pour cela que le système capitaliste est condamné à l’expansion. Il doit perpétuellement investir de nouveaux domaines pour réaliser la valorisation, absorber toujours plus de travail vivant, et empiler toujours plus de marchandises.
Comprendre le capitalisme signifie - Marx avait déjà insisté à raison sur ce point - le comprendre comme autocontradiction en procès. Le mode de production capitaliste ne résout jamais ses contradictions internes qu'en les élevant à un échelon supérieur et en les reproduisant à une échelle élargie. Il renverse les bornes qu'il a lui-même dressées, pour s'en créer des nouvelles, plus imposantes. S'inscrivent également dans cette logique le boom de l'après-guerre et la transformation des structures capitalistes inspirés pat le programme keynésien, qui a mis ce boom sur les rails. Le déploiement du mode de production fordiste fit, dans un premier temps, sortir le capitalisme de la plus profonde crise qu'il eût jamais traversée, mais seulement pour engendrer, après quelques années d'incubation, des contradictions qui ne pouvaient plus être surmontées au moyen des méthodes keynésiennes.