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Bibliographie de Eve Kendall   (4)Voir plus

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Dans les vapeurs du crépuscule, le soleil glissa au bord des vagues, puis dans les vagues. La mer joua quelques minutes avec lui, comme avec un ballon, et enfin, d'une chiquenaude, le fit basculer dans l'autre hémisphère.
Délicatement, Christina cracha son noyau d'olive par-dessus bord et le regarda qui disparaissait, lui aussi, dans les flots.
- N'est-ce pas étonnant ? dit le jeune homme qui était accoudé près d'elle, à la lisse.
- Si, dit-elle posément. J'aurais pu avaler ce noyau.
Il eut une expression de reproche.
- Christina… Vous ne savez même pas de quoi je parle !
Elle bâilla avec une discrète ostentation.
- C'est exact, Gunther. Je ne sais jamais de quoi vous parlez.
Elle piocha une autre olive dans la coupelle en cristal que le jeune homme tenait pour elle.
- Je pensais à vous, reprit-il.
- Vous avez du temps à perdre.
Elle suçota l'olive dont le noyau alla bientôt rejoindre le précédent, dans les flots.
- A propos, quelle heure est-il ?
Il se rapprocha, négligeant de répondre à la question.
- Je suis sérieux, Christina.
- C'est bien ce qui me chagrine en vous, Gunther.
Il se renfrogna. Ce qui la laissa de marbre.
- Avec tout ça, je ne l'ai pas vu ! s'écria-t-elle, le visage tourné vers l'horizon où il ne restait plus, du soleil, qu'une fine ligne orangée.
- Qui donc ?
Elle fit une moue sans prendre la peine de s'expliquer ni même de le regarder. Elle se pencha jusqu'à mi-corps au bastingage. Le tulle mauve de sa robe longue s'épanouit en corolle contre la nuit marine.
- Mais le voit-on jamais ? interrogea-t-elle dans un murmure qui ne s'adressait qu'à elle-même.
- Oh zut, Christina. Mais de qui diable… ?
- Le rayon vert ! Le dernier éclat du soleil. Il paraît que si on l'aperçoit, on… Oh, et puis, vous ne pouvez pas comprendre !
Gunther soupira, contemplant l'ultime olive qui valsait d'un bord à l'autre de sa coupelle, au gré du roulis.
- Vous êtes un animal bien étrange, Christina, dit-il enfin. Etrange, imprévisible, et… décidément impossible !
Dans un retournement de tulle, elle fit volte-face. Pour la première fois, son œil sombre se planta dans celui, hésitant, du jeune homme.
- Et vous Gunther, riposta-t-elle avec calme, décidément trop bavard !
Il continua de fixer la coupelle, l'air de se demander s'il fallait la casser ou l'expédier dans l'eau. Finalement, il la posa sur un rouleau de cordages.
- Vous n'allez pas danser avec les autres ? demanda-t-il dans l'intention pathétique de changer le cours de la conversation.
- Non.
- Je croyais que vous aimiez ça.
- J'adore ça ! Ce sont les danseurs que je n'aime pas.
Sous les doux balancements du navire, la jeune femme sur la lisse blanche ressemblait à une Colombine sur son rayon de lune.
- Gunther, dit-elle soudain. Seriez-vous capable de faire quelque chose pour moi ? Quelque chose de… brillant, de fulgurant ?
Un espoir fou éclaira la figure trop symétrique de son compagnon.
- Tout ce que vous voudrez, Christina. Vous le savez bien. Je pourrais…
- Sauter dans l'eau, par exemple ? Là, tout de suite ?
Un voile de consternation tomba sur les traits de Gunther et les figea tels ceux d'une statue.
- Sauter… dans l'eau ? bégaya-t-il, incrédule.
Elle l'observait, à la fois exaltée et sérieuse.
- Plonger, oui ! Avec votre smoking en soie, vos souliers en cuir d'Italie, vos chaussettes, et vos tire-chaussettes si vous en avez… Vous en avez ?
- Mais… pour quel motif ?
- Pour tenir vos chaussettes, je suppose.
- Je veux dire… Pourquoi voulez-vous que je… me jette à l'eau ?
Il avait l'air éperdu.
- Parce que je vous le demande. N'est-ce pas un motif suffisant ?
Il se racla la gorge une longue seconde. Seconde qu'il mit à profit pour trouver un argument. N'importe quel argument. Il hasarda :
- Si… si j'étais allergique ?
- À l'eau de mer ?
- Aux méduses. Il paraît que c'est la saison.
Elle s'esclaffa. Et quiconque la connaissait mal aurait juré qu'elle y mettait toute la gaieté du monde. En réalité, le rire de Christina Monteneri était celui d'une personne triste.
- Des méduses ? répéta-t-elle.
Elle rit à nouveau. Il hocha la tête.
- Le moindre contact peut être gravissime ! Mortel, même… Vous avez entendu parler de l'œdème de Quick ?
Elle ne riait plus. Elle le contemplait avec une infinie pitié qu'elle ne songeait même pas à déguiser en compassion.
- Mon pauvre Gunther…
Un visage clair et pur se leva vers la première étoile. Elle aspira lentement l'air qui montait du large.
- Si vous aviez plongé, Gunther… dit-elle à voix très basse, si vous aviez plongé, j'aurais plongé avec vous…
Elle donna une pichenette aux basques de sa robe avant de s'éloigner. Dans la coursive, elle se retourna vivement, un éclat sauvage dans les yeux, pour ajouter :
-… jusqu'à la mort !
La robe mauve disparut par l'escalier qui menait au pont inférieur.
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