Fabien Quartelli

Lire est la plus puissante des activités, je l'élève au-dessus de l'expérimentation ; et il est bien rare que notre cerveau, cette machine mystérieuse, ne fasse pas la différence entre le vécu et le lu. Tentez de vous souvenir du contenu d'un livre vous ayant marqué durant votre jeunesse, il est fort probable que vous l'aurez davantage retenu, dans le détail, que tout autre évènement de la vie ordinaire déroulé durant l'année de la lecture.

La musique, tout comme la prière, est le refuge, l'asile peut-être, des âmes ayant un jour manqué d'amour.

Nous vivons par l'action ; même inconsciente, la moindre volonté jamais ne s'était approchée de mes berges et l'essence de la vie m'était donc inconnue. J'envisageai l'attente interminable et je pris la direction de la chambre afin de me reposer en évitant avec précaution de passer par le séjour. Il n'y a pas de meilleur guide que le sommeil pour faire tomber le temps au fond du sablier. A mon réveil, plus aucune trace du corps, le personnel du cimetière, sans bruit, l'avait emporté vers sa dernière demeure.

La pénombre pour un garçon-rêve est un royaume où le sommeil s'en va le coussin entre les jambes, elle révèle la sensibilité au plus profond des viscères. La plupart des gens vivent en dehors d'eux-mêmes, nourris de songes, je ne vis en moi que la nuit.

Afin de mener à bien mon rôle de commis j'ai dû abandonner l'école il y a deux ans, me coupant ainsi des autres et surtout de l'élévation livrée par le savoir. Seul comme peut l'être l'ours sur la banquise, je fuis l'oisiveté et la redondance des tâches quotidiennes dans un bienheureux lit de sommeil régulièrement interrompu par le ballet des clients, annoncé par la sonnerie stridente de la porte d'entrée.

Impatient d'entreprendre l'écriture de ce cahier, me voilà devant la page blanche, vertigineuse, attrayante, et je ne sais par où commencer. Ne pas me vaporiser dans les éléments qui m'entourent doit être au centre de mes préoccupations, contenir mes gouttes contre les vents, voilà un bel objectif. Revenir trop en arrière dans les méandres de mon passé ne servirait à rien, mais je vous dois tout de même quelques explications afin de mieux vous faire comprendre ma décision.

Il est inutile de perdre son temps à voyager aux quatre coins du monde, une simple évolution interne peut renouveler le même lieu à l'infini.

Je me suis mis à exister, à me sentir consistant et palpable au contact des livres posés par la vie sur mon chemin. Sans ces lettres imprimées dans un ordre précis et issues de l'esprit généreux d'un humain, ma métamorphose eût été impossible, grâce à elles je suis doucement passé de ma condition de garçon-rêve à celle de poète.

Rien n'est plus masculin qu'un homme en pleurs. L'acceptation de la part de féminité agit comme une glande générant la sève et l'écorce de la virilité.

Il n'y a pas de meilleur guide que le sommeil pour faire tomber le temps au fond d'un sablier.

Je contemple le monde d'au-delà des barrières, du dehors, et je me demande parfois si je ne possède pas plus de cinq sens tant tout me heurte, me blesse, me bouscule et me brûle, si je ne sers pas de lien entre l'univers et les hommes. Tout semble passer par moi sous forme de fluide, je le filtre et le renvoie en donnant le pouls du monde, comme un chef d'orchestre sur la symphonie de mon entourage. Si je perds la baguette, plus de rythme cardiaque.

Les hommes possèdent avec éclat cette dernière [l'intelligence] et pourtant, habités du drame qu'est leur conscience, ils ne pensent qu'à eux seuls et en deviennent minuscules.