Je viens de tourner la dernière page. "Table des bouchers" de Fabienne Courtade ne sera pas aisé pour moi à partager car c'est un recueil qui m'a beaucoup touchée.
L'auteur nous parle du deuil, de la séparation brutale d'avec l'être aimé, du manque de l'autre et aussi de la colère. Colère face à l'abandon, au destin. Le sang, la rancœur, la solitude sont présents et forts, l'image du corps perdu également dans la crudité des mots qui accompagnent la réalité d'un corps mort. C'est parfois dérangeant. Les images sont violentes (pas choquantes, car vraies, malheureusement, vraies).
La peur est palpable. C'est une femme traquée qui surgit parfois : Traquée par la douleur, par toutes ces images qui sautent aux yeux et qui font mal.
"Je traverse
son
cœur
dans la grande salle
je ne parle pas
parce que je suis tombée
plus bas
je recule
les animaux ont encore avancé
je les vois
marche de long en large
tourne dans
la cage derrière tes barbelés
il n'y a pas de fenêtre"
A la lecture, les bribes de sens s'assemblent suivant notre vécu et nos sentiments. Ce que je m'approprie personnellement comme faisant sens ne le sera peut être pas pour vous mais les émotions seront partagées et c'est je pense, ce qui fait également la force de ce recueil.
"Une lettre
Un papier
De lui
A tenir
Serré
Agenouillé
Fermé
De là-bas il agrandit le lieu
N'épargne rien"
"De là-bas il agrandit le lieu" : celui du deuil, de l'absence, du souvenir...
"Il y a des ruptures des syncopes
je verse de l'eau sur les souvenirs
Je fais un grand feu de tout : images
Larmes
de toi
je n'ai plus peur je suis au fond
J'envoie tes cendres se battre seules
avec d'autres cendres"
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Une écriture "blanche" en vers très brefs découpés sur la page. Peu de mots, ramassés. C'est la disparition du texte sur la page qui frappe. Poésie du retrait, de l'effacement mais aussi de l'intervalle, de l'incise, de l'aigu. Un découpage ténu de la parole qui lui donne son intensité. Je pense à Maurice Blanchot en lisant cette poésie. Il s'agit d'une épure, d'une forme de clarté sans "pas gagné" sur le réel. Seule la langue, sa spatialisation , dit la portée de l'expérience. Un beau travail.
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