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Citation de enkidu_


98. Le Seigneur l’en a toutefois averti : ces contrariétés ne sont pas des empêchements. Elles constituent plutôt le cadre de l’annonce. J’endurcirai le cœur de Pharaon et je multiplierai mes signes et mes prodiges (Ex 7, 3). L’endurcissement des cœurs permet la multiplication des signes (neuf signes et une plaie, hélas ! car la résistance va jusqu’à s’ouvrir le crâne contre le roc). Ces signes sont ceux des miracles. Mais c’est aussi le signe du sang.

Nous avons vu que la vraie parole jaillissait de la vie. C’est donc la vie même qui est en jeu dans la parole sur Dieu. Ce n’est pas une théorie générale, ni une promotion individuelle, ni un empire mondain. Avec une théorie, il suffirait de démontrer. Pour une promotion, il suffirait de séduire. Pour un empire, il suffirait d’être matériellement plus fort. Or, il s’agit ici de ce qui saisit votre vie sans que vous puissiez le saisir. Alors, c’est toujours main au feu et pieds dans le tapis. Vous ne voulez rien oublier de l’Évangile ? Il faut dès lors qu’à tout instant vous exposiez votre vie. Le grand psaume 118 le répète : À tout instant j’expose ma vie, je n’oublie rien de ta loi (Ps 118, 107. 109).

Les persécutions ne sont pas un obstacle. Elles ouvrent l’espace même du témoignage, parce qu’elles sont l’occasion de parler vraiment de Dieu et de son amour fort comme la mort. Elles donnent malgré elles de parler comme le Verbe a parlé, c’est-à-dire avec le langage de la Croix (1 Co 1, 18). Elles donnent malgré elles de sanctifier le Nom, c’est-à-dire de ne pas seulement le prononcer des lèvres, comme un mot parmi d’autres, mais de le porter avec toute sa vie, de le proférer avec la blessure de son cœur.

Certains se figurent que le martyre est une sorte d’accident. On pourrait l’éviter, en dessalant l’Évangile, en arrondissant les bords du crucifix, enfin en sachant communiquer mieux. Mais le martyre est une loi constitutive de l’Église pérégrinante. Le grand théologien Erik Peterson le rappelait opportunément dans les années 1940 : « Un certain nombre d’esprits conciliants sont enclins à croire que tout ce qui arrive de mal dans ce monde peut être attribué à de simples malentendus. Si on les écoutait, il faudrait dire que la crucifixion du Christ et le martyre des apôtres sont la conséquence de malentendus […]. Les paroles de Jésus montrent au contraire que ce n’est pas une méprise humaine qui crée le martyre, c’est une nécessité divine. »

Vous pouvez dire que les gens vous persécutent parce qu’ils ne vous comprennent pas, et vous poser en victime malheureuse. Mais peut-être qu’ils vous ont très bien compris, qu’il leur faut passer par cela pour se rendre compte de l’horreur où les conduit leur superbe, qu’ils voient que vous témoignez de quelque chose qui vous surpasse, que votre sang devienne semence, que vos plaies s’écartent comme la bouche la plus éloquente : sang de l’aspersion qui parle mieux que celui d’Abel (He 12, 24). Oh ! ce n’est pas du tout goût morbide ou pente suicidaire. Si l’on pouvait, on s’épargnerait cette chose affreuse, qui n’est d’ailleurs pas tant de mourir que d’être tué précisément par celui dont on veut le salut, et de voir la grimace de haine défigurer son visage fait pour la lumière… Mais le témoignage de la miséricorde le veut.
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