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Citation de MegGomar


À l’étranger, le samedi se passe sans laisse ; les week-ends, en général,
ceux qui jonglent avec le cerveau des autres n’ont pas besoin de vous, mais
de ceux qui comptent vraiment pour eux. Les parents ne sont bien souvent
qu’un prétexte, ils ne sont jamais dans ces parcs, restaurants et pianos-bars,
dans lesquels, confondus, les absents présents vous servent leur
interminable laïus. « Je dois rendre visite à mes parents », c’est l’excuse-
massue ; et vous qui n’en avez pas ou plus, en tous cas loin, très loin de
l’Hexagone ? Allez donc promener votre gueule d’orphelin(e)
ailleurs ! Frères et sœurs de même condition, choisissez donc une
bibliothèque ou, peut-être, la pénombre d’un cinéma, plutôt, ancien, les
fauteuils y sont moelleux et réconfortants. Sinon, n’importe quel parc fera
l’affaire et, bienveillante, l’ombre des platanes épargnera votre triste mine
aux passants. Ne blâmez pas cette sœur qui file un revers de main à
Casanova ; sa faute à lui, ce n’est pas seulement d’être trop entreprenant,
mais aussi d’être trop heureux pour être en phase avec les saules pleureurs.
Sur le même banc, les promeneurs n’entendent pas toujours le même
chant d’oiseau. Rouge-gorge vs corbeau ! Ce n’est pas un concert, rien
qu’une cacophonie. Plus discret que l’aurore, le crépuscule vient arrondir
les angles du jour. D’un pas feutré, il raccompagne tous les oiseaux chez
eux, tout en gardant à chacun son reste de plumes. Le regard des autres ne
protège déjà pas le regard lui-même. Hier, il était si doux et lumineux ;
aujourd’hui, on s’y noie comme dans une piscine sèche. Et, aussi inquiet
que perplexe, l’étranger fait avec, il essaie même de garder le sourire.
L’étranger a souvent de bonnes raisons de se demander si l’Autre l’apprécie
sincèrement ou bien respecte simplement les apparences. De la
susceptibilité ? Bien sûr, quel bipède n’en aurait pas, à des milliers de
kilomètres de chez lui ? La susceptibilité peut vous sauver la vie, a fortiori,
lorsque votre visage suscite chez certains la même réaction qu’ils ont face à
l’irruption d’un sanglier sur l’autoroute : un freinage brutal, aussitôt suivi
d’un départ en trombe. Non, vraiment, on n’a pas encore tout écrit sur la vie
des immigrés. Et, croyez-le ou non, leur blues est trop sincère pour s’offrir
le luxe d’en rajouter ; trente ans loin de mon berceau m’autorisent à
l’affirmer sans trop écouter Socrate, cette fois-ci, je prête plus l’oreille à
Jean Gabin : oui, tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien, mais, ce que je
sais de l’exil, ça, je le sais. Et, si vous en doutez, partez donc vivre une
trentaine d’années à Tamadalka et retrouvons-nous dans une autre vie pour
en parler. En attendant, si les Lettres persanes ne sont pas à portée de main,
demandez à vos connaissances expatriées, si vous en avez, ce qu’elles
pensent de ceci : aux étrangers, il manque tant de choses, mais, il y a une
richesse qui ne leur fait jamais défaut, ils en ont même généralement plus
que les autochtones : le sens de l’observation. Souvent, leur timide silence
n’est que réflexion.
Quand les jongleurs ajustent leurs tours de passe-passe, je suis perchée au
balcon de leur théâtre. Certains parmi eux sont si mielleux que votre tartine
se passe de confiture pendant les deux semaines suivant leur appel. En ce
siècle de la maigreur, oser faire ça à quelqu’un, surtout à une piscivore ! Je
les dénoncerai à mon grand-père ; envoyez-leur des kilos de karité, suite à
la fessée, ils passeront l’automne à plat ventre. Ils appellent, réitèrent,
insistent, matin, midi, soir, jusqu’à l’accomplissement de leur programme,
qu’ils tiennent pour nécessaire à l’humanité. Ensuite, pour la paie, ils
s’inscrivent aux abonnés absents ou vous font lanterner, jusqu’à ce que la
tachycardie vous ordonne de les attendre avec un gourdin au Jugement
dernier. Alors, aussi déçu que déprimé, on se dit que l’immigration
nécessite vraiment une grand-mère de poche, pour tous ces jours gris qui
réclament une berceuse. Alors, musique ! Bach ou Kouyaté Sory Kandia, le
blues gronde, ronronne à vous rompre les cordes du cœur. Et ça dure ainsi,
jusqu’à ce que votre frigo vous encourage à parier à nouveau sur une autre
carotte. Et ainsi de suite ! Et vous souhaitez la longévité ?
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