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EAN : 9782226483874
192 pages
Albin Michel (30/08/2023)
3.1/5   21 notes
Résumé :
« Naguère les éditeurs avaient pour mission d'accompagner une oeuvre, mais certains se font désormais censeurs, donnent des directives et des leçons, mettent la main à la pâte pour plier le roman aux goûts du jour, oubliant que le métier d'écrire est une aventure solitaire, un engagement de soi, vital et nécessaire : on écrit parce qu'on ne pourrait vivre sans. »

En combattante de la liberté, Fatou Diome signe un essai engagé sur sa passion de l'écrit... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique

Un livre sur l'expérience traumatique de Fatou Diome à faire face à une nouvelle éditrice toxique qui lui dit entre autres " ce n'est pas ce que notre public attend de vous", "j'ai une idée de ton livre, laissez- moi faire"... il y a "ses intrusions" qui font dire à Fatou Diome :
- " Elle ne m'était pas que mon écriture en péril, c'est ma vie entière qu'elle était entrain d'anéantir ",
- "Aucun éditeur ne m'avait traumatisé de la sorte " ,
- " Pour la première fois de ma vie, j'ai pensé à arrêter d'écrire, du moins pour publier"....

Ce livre fait réfléchir
- sur cette édition devenue marketing, "cuisine industrielle ", à "formater" les écrits pour une performance des ventes ! "
- sur la rémunération des créateurs que sont les écrivains
- sur soi acheteur et lecteur ...

Ce livre est un cri :
- celui d'une colère dénonçant une éditrice maltraitante mais plus largement tout "bâtisseur de cloison" qui entrave la liberté d'être soi avec son histoire, avec ses choix, avec sa "vérité intérieure ", avec son souffle de désirs, de création...
- celui d'une défense en racontant ce qu'est écrire de la littérature ...

Le style est surprenant au premier abord, car en grande partie sous forme d'envolées allégoriques avec le ton d'une répartie boomerang...C'est la signature authentique et si pertinente du " verbe libre" de Fatou Diome .




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Ecrire, une nécessité. Un moyen de respirer. Ecrire, un face à face solitaire avec un écran et un clavier. Ecrire de jour. Ecrire de nuit. Ecrire pour vivre.
Dans un essai passionnant et exalté, Fatou Diome revient sur sa passion pour l'écriture et surtout sur sa douloureuse expérience avec une éditrice mal-attentionnée.
Avec verve et ironie, elle conte le monde de la littérature d'aujourd'hui. Elle analyse ceux qui font et défont la littérature, ce qui fait et défait un livre. Elle s'interroge sur le formatage des romans dans les rangées de nos librairies, leurs trames similaires et les codes qu'ils reprennent et qui font vendre. L'auteure ose aller plus loin en posant les questions suivantes : Existe-t-il une littérature fast-food et une littérature gastronome ? Qu'avons-nous envie de lire ? Lisons-nous tous la même chose ? Est-ce qu'il y a encore de la place pour la littérature non-bankable ? Elle nous pousse, nous lecteurs, à nous interroger sur ce que nous consommons comme littérature et sur ce que nous avons envie de lire ou non.
Elle ose faire le parallélisme entre société financière et édition, quand il faut vendre des livres, l'auteur vit souvent dans une grande précarité, obligé de cumuler deux boulots pour vivre avec décence.
L'envers du décor de l'écriture et du monde de l'édition. L'auteure montre les coulisses de l'édition et de la fabrication d'un livre. le bonheur face à son histoire, le processus de création et son exaltation. La mise en page d'un manuscrit avec les potentielles souffrances pour un écrivain face à un éditeur trop intrusif, à ses injonctions. Passer de la solitude de son bureau aux plateaux-télés pour promouvoir son roman, répondre avec le sourire aux questions non appropriées ou stéréotypées. Regarder les courbes de vente et le sourire de son éditeur s'étirer ou s'affaisser.
A côté de ses engagements, cet essai est aussi passionné et montre l'amour que porte l'auteure à l'écriture. Elle écrit sur l'écriture, sa passion. Par une écriture vivante et vibrante, elle rappelle ce besoin d'écrire, le bonheur que cela lui procure, la nécessité de poser des mots pour vivre et respirer.
Ecrire pour respirer. Ecrire pour dénoncer les injustices. Ecrire pour parler. Ecrire pour être libre.
De l'ironie, de la poésie, de la liberté dans ces très belles pages qui font réfléchir sur le monde contemporain des livres et rendent hommage aux grands écrivains, aux premiers qui se sont battus pour leur art.
Cet essai est un plaidoyer pour la liberté dans les livres et dans l'écriture.
Un essai passionnant sur l'écriture et les planètes qui gravitent autour. A lire. A réfléchir. A peut-être oser reposer le livre plébiscité et repartir avec un inconnu…

Lien : https://www.quandleslivresno..
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Rien de nouveau sous le soleil ici. On y ressasse l'éternel débat entre d'une part le besoin de faire du fric, donc d'avoir un éditeur qui, à cette fin, doit se montrer ferme dans la soumission aux lois du marché ainsi que dans la complaisance aux passades du goût du jour, et d'autre part la création qu'on a parfois bien du mal à qualifier d'artistique, comme dans le cas présent.
On nous rappelle aussi que pour écrire correctement, l'écrivain doit avoir le ventre plein, donc gagner de l'argent, soit en fin de compte avoir un bon éditeur! Quadrature du cercle?
Le tout à grand renfort d'emploi en quantité industrielle de métaphores appuyées, pour ne pas dire lourdingues. Bref, selon mes critères (que je n'impose à personne, inutile de s'offusquer!), encore un bouquin inutile, ennuyeux et maladroit, sitôt lu, sitôt oublié.
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Une longue préface écrite par l'auteur elle-même.
Une quinzaine de pages exposant le thème de l'ouvrage avec une écriture plutôt intéressante et même de très beaux passages.
Arrivent ensuite les pages constituant le propos et là, ça se complique.
On ne trouve rien de nouveau par rapport au contenu de la préface. Ce sont des redites multiples qui n'apportent rien de nouveau.
Le style surprenant et intéressant dans les quinze premières pages devient une constante jusqu'à en devenir indigeste tant la lourdeur augmente une fois l'effet découverte passé.
En conclusion, il suffit de lire les quinze pages de la préface pour en apprécier le contenu et la forme. le reste est totalement superflu.
Un parfait contre exemple concernant les choix des éditeurs. Comment a -t- il été possible de choisir cet ouvrage ? Ou alors il faut le prendre comme l'illustration par l'éditeur qu'il a un rôle important dans le choix ou le retravail de ce qu'il décide de produire ?
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De métaphores en oxymores, le verbe livre de Fatou Diome s'est transformé en véritable tempête face à la quelle la barre de ma barque n'a pas résisté. Pourtant, j'ai essayé pendant 2 semaines, tel Sisyphe roulant sa pierre, j'ai recommencé encore et encore la lecture, espérant accrocher mon ancre à quelque chose ...
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critiques presse (2)
LeJournaldeQuebec
04 décembre 2023
Son livre est un vibrant plaidoyer pour la littérature et surtout pour la liberté des écrivains.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LaLibreBelgique
13 novembre 2023
Avec "Le verbe libre ou le silence", la romancière franco-sénégalaise publie un texte charge empli de bonnes odeurs.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (73) Voir plus Ajouter une citation
D’honnêtes militants agissent à longueur d’année, défendent des causes
avec sincérité, peu sont reconnus à leur juste valeur, pourtant, eux, ne s’en
plaignent pas ; leur motivation ne dépend pas du nombre de caméras ou
d’articles de presse, car fondée sur une vraie et profonde conviction
humaniste. Les charlatans de la cause humanitaire, eux, se croient
d’irremplaçables anges au chevet du monde et s’arrogent le droit de
sermonner le quidam. Pour eux, un écrivain africain est un soldat de leur
armée imaginaire et doit se mettre au garde-à-vous, dès qu’ils prononcent
l’une de ces formules magiques : « association », « aide humanitaire » ! Les
écrivains ne sont-ils pas assez grands pour choisir leur cause. Faut-il leur en
demander toujours plus ?
Des écrivains par-ci ! Des écrivains par-là ! Les éditeurs ont fini de nous
transformer en représentants de commerce et le divertissement, en pitres.
Certaines invitations prouvent qu’on accorde de moins en moins de
considération au statut d’écrivain. Asie, Afrique, Europe, Amérique ! On a
plusieurs fois eu l’indécence de me proposer d’aller essorer ma cervelle au
bout du monde, pour un montant qui ne déplace pas un plombier dans Paris.
Évidemment que j’ai refusé comme devant. « Mais, on t’offre l’hôtel et le
billet d’avion ! », osaient-ils, comme si j’allais flemmarder au Club Med !
Sans compter les semaines de réclusion pour préparer leurs multiples
conférences, risqueriez-vous votre vie dans les trains, les avions, les
autoroutes ou sur les pistes rouges pour un dîner exotique, deux tickets de
taxi, des poignées de main et quelques applaudissements ? Encore heureux
qu’ils paient les billets de transport pour leurs programmes, bientôt, ils me
demanderont d’y aller à la nage. J’ai maintenant compris pourquoi, malgré
les beaux discours, le sort des migrants et des réfugiés reste inchangé : pour
la majorité des bipèdes, le seuil de tolérance à la galère d’autrui est
beaucoup trop élevé, c’est même la raison pour laquelle les grands
humanistes marquent la mémoire collective ; en tout temps, en tous lieux,
ils représentent des exceptions confirmant la règle, cette misérable petitesse
de cœur qui fait de tant de Sapiens des Sauriens.
Mesdames, messieurs, une ville se découvre, elle ne se mange pas ; qui
peut digérer New York, Abidjan, Tanger, ou Varsovie ? Arrêtez de me
vendre la découverte d’une ville comme émoluments. De retour de votre
messe, les mêmes factures que les vôtres m’accueillent sans aménité. Des
écrivains par-ci, pour commémorer les fleurs du printemps dernier ! Des
écrivains par-là, pour compter les feuilles mortes de l’automne précoce !
Des écrivains, jusqu’à Rakass-Kamass, pour faire mousser telle récente
duchesse ou pour lustrer le plancher de tel baron du moment ! Et nous y
allons, pleins de foi, les sourires de nos lecteurs aidant à tenir le coup. Toute
l’année, on nous fait crapahuter pire que la troupe de Molière. Ne manquent
plus que les tréteaux, mais nous les trouvons sur place. Quand donc
sommes-nous censés écrire ? Quand se recueillir, se replonger dans le calme
d’une réflexion ? Quand lire, écrire, relire, ajuster, ciseler, peaufiner son
propos ? Son calme en permanence perturbé, Balzac aurait-il laissé plus
qu’une esquisse de La Comédie humaine ? Il faut du silence pour écouter le
murmure des muses, du temps pour décoder les secrets du verbe et trouver
de quoi sertir un livre qui vaut le coup d’œil.
Le monde exige nos compétences, mais gratuitement, les éditeurs nous
dépossèdent de notre liberté de création ; à part nos yeux guettant le
coucher du soleil, que nous reste-t-il ? Alors que l’on nous parle de « réalité
augmentée », les livres, eux, rétrécissent comme nos ressources. Dans ce
monde qui semble prêt à remplacer les artistes par l’intelligence artificielle,
on envisage de partager nos routes avec des voitures autonomes, tandis que
les écrivains, eux, se voient retirer leur autonomie, de plus en plus.
Question aux professeurs d’éthique : une machine paramétrée mérite-t-elle
plus de liberté qu’un humain ?
Coincés entre l’élitisme des occultistes, intelligibles seulement par ceux
qui parlent une langue morte, et des éditeurs considérant leurs textes
comme des fruits de saison, nombreux sont les écrivains inquiets. Quel sera
leur avenir ? Quel horizon pour la littérature ? Si l’alarme vous semble
excessive, passez donc chez votre libraire, interrogez ce qui vous est
proposé, comparez les tables consacrées aux soupes de saison, dont les
miennes, à celles qu’il reste aux Belles-Lettres ; même sans nager dans le
milieu littéraire, vous en verrez la marée basse.
Flux et reflux : vingt ans du Ventre de l’Atlantique ! Flux et reflux : est-ce
le blues qui monte avec l’âge ou l’innocence qui se retire avec le sourire ?
Entre flux et reflux du moral, à quoi songe la corporation des bêtes à
plumes ? Auteurs et livres traités en denrées périssables, une plume
débutante a-t-elle encore une chance de mûrir, de s’affermir et de bâtir ce
que les anciens appelaient une œuvre ? Peut-on encore espérer « être de
ceux qui construisent l’avenir », au sens où l’entendent les Compagnons du
Devoir ? Ces inspirants modèles de persévérance me démentiront-ils, si je
soutiens qu’en dehors de la lumière des maîtres, seules la durée et
l’assiduité à l’exercice affûtent le talent et donnent à l’ouvrage la qualité qui
en fait une œuvre ? Hâtive, urgente, sommaire, la littérature ne court-elle
pas à sa perte ? Beaucoup d’éditeurs n’écoutant plus que le marché,
combien d’auteurs peuvent encore prendre le temps de sillonner les
labyrinthes de l’âme humaine et de creuser les mystères qu’interrogeaient
nos illustres aîné(e)s ? Ces plumes, si éclairantes en leur époque qu’elles
demeurent des phares. Garderons-nous de tels modèles en ligne de mire, si
l’écrivain n’a plus la direction de son œuvre ? La littérature, cette issue de
secours, certains en font maintenant un cul-de-sac.
Au fond d’une crique, à quoi sert une rame ? Vous laisserez-vous
emmurer ? Même face à une mortelle impuissance, il nous reste toujours la
force de l’intention et le timbre d’une voix, alors, point de reddition ; voici
ma rebuffade et mon cri de Munch : Le verbe libre, avant le silence !
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Alors, les sourires suffisent-ils pour payer le loyer, les Pampers du petit
et les baskets de l’aîné ? Les applaudissements assurent-ils le petit-déjeuner,
le déjeuner et le dîner ? Oui, dans un cercueil ! Seuls ceux qui sont assis sur
une fortune peuvent se permettre d’éluder ces questions. Ils sont ravis que
je m’en sois sortie, disent-ils, condescendants, alors que je constate qu’ils
ne veulent surtout pas que je dépasse la barre de la survie ; certains font
même tout pour me garder sous leur nez. Vous leur adressez gracieusement
un livre par fraternité, seul le vent d’hiver vous dit s’ils l’ont reçu ; alors, le
liront- ils ? Pourtant, ils prétendent partager vos combats. Pinocchio, voici
tes frères ! En vérité, ils vous poussent au front, à vos risques et périls, puis
s’évaporent quand le soldat réclame des camarades. Sourds à tout appel, ils
ne vous contactent que pour exiger une conférence gratuite ; le reste de
l’année, vous pouvez dribbler la Rôdeuse des ombres, seul. Non, les paons
n’adoptent pas les pélicans ! Et, il faut les entendre gloser intégration ! Les
écoutant, Mohamed n’aurait pas choisi Médine pour son exil, il les aurait
suivis, la main sur le cœur, mais, une fois édifié, il aurait vite rebroussé
chemin. Quand vous êtes étranger/ère, certains se comportent avec vous
comme s’ils vous faisaient une faveur de leur seule présence même passive
dans votre vie, tout en exigeant sans cesse de vous des preuves que vous
méritez bien d’habiter le même terrain que leur poulailler. Beaucoup
imaginent encore l’étranger comme celui qui est toujours aidé par les
autres. Détrompez-vous. Parfois, si esseulé, donc en quête d’entourage, il
rend tellement service, que certain(e)s qu’il prend pour des ami(e)s
mériteraient qu’il les appelle patrons ou patronnes.
« Mamadou est si sympa, il nous a encore fait un thiéboudiène
dimanche dernier ; il viendra nous aider cette semaine pour élaguer les
arbres du jardin ! Pedro nous a filé un coup de main pour la rénovation de la
salle de bains, c’est nickel ! Nous rentrons de Pékin avec Ting, elle nous
avait hébergés chez sa mère, c’était super ! Nora et Karim nous gardent les
petits le week-end de la Toussaint, d’ailleurs, ils nous invitent pour les
vacances de Noël à Monastir ! » Et, je n’ai pas mentionné le couscous
régulier chez Khadîdja ni les tagliatelles chez Maria, dont le mari,
Alessandro, sert de garagiste gratuit ; pourtant, c’est toujours nous, les
venus d’ailleurs, que l’on accuse tout le temps de profiter. Comme si nous
n’étions jamais utiles aux autres ! Non, rendre service est notre visa
permanent. Et lorsque nous tombons sur des profiteurs invétérés, notre
gentillesse vire au servage, notre indisponibilité étant souvent perçue
comme un crime de lèse-majesté. Alors, être adopté, est-ce passer son
existence à payer, seul, le prix de la fraternité ? Et ceux qui me harcèlent
pour des conférences gratuites et s’offusquent quand l’agenda est seul
fautif ; où sont-ils quand la nostalgie m’envoie ses démons ? Se disant
ami(e)s savent-ils/elles ce qui hante mes jours ou mes nuits ? Où sont-ils,
quand ma rame casse la gueule à la Rôdeuse des ombres pour lui arracher
une aube de plus ? « Une collègue m’a dit que tu as été hospitalisée, elle t’a
vue alors qu’elle rendait visite à sa mère ; qu’est-ce que t’as eu ? Pourquoi
tu ne m’as rien dit ? » Et blabla, rebla… jusqu’à ses labiales meurtries, mes
oreilles aussi. Mais, qui donc peut discuter de ses bobos avec une chimère ?
Un café, samedi prochain ? Désolée, je ne suis pas disponible, avait dit
celle qui se plaignit ensuite de n’avoir pas été informée du rendez-vous
chez Hippocrate. Pourtant, j’avais ramé longtemps dans son sens. Oh,
hisse ! Alors, on pourrait se caler un dîner le samedi suivant ? J’aurais aimé,
mais… mais, ce week-end-là, je vais chez mes parents. La centaine d’autres
week-ends précédents, c’était du même tonneau, quand son Alexandre le
Grand n’avait pas des projets pour le monde. La patience, la frustration, le
dégoût, l’adaptation, puis, le renoncement, certes résigné mais aussi digne
que résolu, ces petits détails-là, ceux qui causent pour la forme ne s’en
rendent jamais compte, l’ami(e) étranger/ère étant censé(e) être
compréhensif/ve et reconnaissant(e) même pour une relation d’une mortelle
médiocrité.
Petit matelot, j’en ai vu des mirages, ils me retrouvent comme ils me
laissent, toujours fidèle à ma rame. Inutile de leur reprocher l’absence,
celle-ci m’est si familière, et puis, ma plume contient assez d’humains pour
peupler le Sahara et le Kalahari réunis. Quitte à froisser quelques
susceptibilités, allons-y gaiement : abandonner un écrivain, volontairement
ou non, c’est toujours lui rendre service, car, c’est une chance qu’on lui
donne de poursuivre tranquillement sa plus passionnante conversation :
l’écriture. Et, ne le prenez pas mal, mais, s’il est aussi passionné que moi, il
ne se rendra compte de votre absence qu’à votre retour. Entre Arthur et
Boris, quand ces galants compagnons de veillées s’appellent Rimbaud et
Vian, les nuits d’une Dame ne manquent de rien. Et, si la lecture allège la
solitude, imaginez donc l’écriture et ses sortilèges ; d’une pirouette, la
plume vous envole un tanker de blues pour le large. Qu’importent les traces
de pas sur le rivage, chaque livre est un navire en partance. Une vie
intérieure, ça existe vraiment et, bien apprivoisée, elle vous apprend à vivre,
à survivre à la comédie humaine qui, finalement, n’est faite que de petites
tragédies. La Rôdeuse des ombres nous pourchasse, grimaçante. Eh bien,
qu’elle vienne ! C’est souriant que nous l’accueillerons à coups de rame,
même les carpes ne se rendent pas sans combattre. Avec ou sans soleil, je
rame en chantant, le chœur des vagues jamais ne tombe et l’écho du large
me vaut coryphée. Polyphonies sérères, mé-é/anda-è ! Toujours, un vieil
homme me rend le refrain : « mon petit matelot, ne crains pas la solitude de
l’exil ; sache qu’ici comme ailleurs, les jours de houle, certains se mettent
au sec. C’est la vie ! » Capitaine, j’ai bien vu, il en est même qui traversent
leurs jours en ciré ! C’est la vie, rame ou coule ! Mais, les dauphins ne font
pas des poules. Oh, hisse !
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La création sur commande extérieure est à l’art ce que la cuisine
industrielle est à la gastronomie : une médiocre reconstitution. Que du déjà
vu ! L’auteur est prié de singer son propre style et de le teinter de l’idée
d’autrui. Non, je décide seule des nuances de mon encre mauve. La plume
reste quand les autres s’en vont, elle nous accepte tels que nous sommes,
avec nos questions comme nos contradictions. Ainsi, dans l’intimité de
l’écriture, la plume peut pleurer souriante. Pudique, la lune couve ce que le
jour outrage. Nocturne, ma plume cause à l’étoile du berger. Alors, si mon
murmure vous parvient, faites-en ce qui vous chante, mais, votre ouïe ne
m’engage à rien. Je n’ai signé qu’un contrat sous la lune : fidélité à mon cap
et à l’étoile du berger. J’écris, la nuit, sur ce qui m’empêche de dormir, je ne
peux pas m’approprier vos rêves. Même si nos prières s’adressent au même
Seigneur, chacun sa voix. Jacques, écrivant l’idée de Paul à la manière de
Jacques, ce n’est plus du Jacques. Arrêtons de flouer les lecteurs ! Lorsque
le thème est imposé, le style de l’auteur n’est que glutamate. Entre les
additifs circonstanciels du commanditaire et ses correcteurs de goût, les fins
gourmets de Lettres peinent à détecter un arôme d’authenticité. À ceux qui
se satisfont de telles mixtures et s’offusquent de l’indocilité de quelques
cuisiniers, disons-leur tout net : émulsionner ses émotions avec n’importe
quelle férule, ce n’est pas donné à tout le monde. Un certain niveau de
masochisme demande du génie ! Étant dépourvue d’un tel génie, qu’y puis-
je ? Alors, pardonnez-moi d’être ordinaire.
[...]
Mesdames, messieurs, les plaignants du port, un auteur, s’il a vraiment de
la considération pour vous, ne vous remettra qu’un texte qu’il assume, sans
honte. Et, s’il n’a pas le temps ou l’envie d’en écrire un, laissez-le
tranquille ; n’ayant rien investi pour son souffle ni pour ses études, vous
n’avez strictement rien à exiger de lui. Alors, foutez-lui la paix ! Car,
intègre, il vous respecte autant qu’il se respecte en déclinant votre
proposition, qui à ses yeux mérite autre chose qu’une courtoise médiocrité,
autrement dit, de l’hypocrisie.
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À l’étranger, le samedi se passe sans laisse ; les week-ends, en général,
ceux qui jonglent avec le cerveau des autres n’ont pas besoin de vous, mais
de ceux qui comptent vraiment pour eux. Les parents ne sont bien souvent
qu’un prétexte, ils ne sont jamais dans ces parcs, restaurants et pianos-bars,
dans lesquels, confondus, les absents présents vous servent leur
interminable laïus. « Je dois rendre visite à mes parents », c’est l’excuse-
massue ; et vous qui n’en avez pas ou plus, en tous cas loin, très loin de
l’Hexagone ? Allez donc promener votre gueule d’orphelin(e)
ailleurs ! Frères et sœurs de même condition, choisissez donc une
bibliothèque ou, peut-être, la pénombre d’un cinéma, plutôt, ancien, les
fauteuils y sont moelleux et réconfortants. Sinon, n’importe quel parc fera
l’affaire et, bienveillante, l’ombre des platanes épargnera votre triste mine
aux passants. Ne blâmez pas cette sœur qui file un revers de main à
Casanova ; sa faute à lui, ce n’est pas seulement d’être trop entreprenant,
mais aussi d’être trop heureux pour être en phase avec les saules pleureurs.
Sur le même banc, les promeneurs n’entendent pas toujours le même
chant d’oiseau. Rouge-gorge vs corbeau ! Ce n’est pas un concert, rien
qu’une cacophonie. Plus discret que l’aurore, le crépuscule vient arrondir
les angles du jour. D’un pas feutré, il raccompagne tous les oiseaux chez
eux, tout en gardant à chacun son reste de plumes. Le regard des autres ne
protège déjà pas le regard lui-même. Hier, il était si doux et lumineux ;
aujourd’hui, on s’y noie comme dans une piscine sèche. Et, aussi inquiet
que perplexe, l’étranger fait avec, il essaie même de garder le sourire.
L’étranger a souvent de bonnes raisons de se demander si l’Autre l’apprécie
sincèrement ou bien respecte simplement les apparences. De la
susceptibilité ? Bien sûr, quel bipède n’en aurait pas, à des milliers de
kilomètres de chez lui ? La susceptibilité peut vous sauver la vie, a fortiori,
lorsque votre visage suscite chez certains la même réaction qu’ils ont face à
l’irruption d’un sanglier sur l’autoroute : un freinage brutal, aussitôt suivi
d’un départ en trombe. Non, vraiment, on n’a pas encore tout écrit sur la vie
des immigrés. Et, croyez-le ou non, leur blues est trop sincère pour s’offrir
le luxe d’en rajouter ; trente ans loin de mon berceau m’autorisent à
l’affirmer sans trop écouter Socrate, cette fois-ci, je prête plus l’oreille à
Jean Gabin : oui, tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien, mais, ce que je
sais de l’exil, ça, je le sais. Et, si vous en doutez, partez donc vivre une
trentaine d’années à Tamadalka et retrouvons-nous dans une autre vie pour
en parler. En attendant, si les Lettres persanes ne sont pas à portée de main,
demandez à vos connaissances expatriées, si vous en avez, ce qu’elles
pensent de ceci : aux étrangers, il manque tant de choses, mais, il y a une
richesse qui ne leur fait jamais défaut, ils en ont même généralement plus
que les autochtones : le sens de l’observation. Souvent, leur timide silence
n’est que réflexion.
Quand les jongleurs ajustent leurs tours de passe-passe, je suis perchée au
balcon de leur théâtre. Certains parmi eux sont si mielleux que votre tartine
se passe de confiture pendant les deux semaines suivant leur appel. En ce
siècle de la maigreur, oser faire ça à quelqu’un, surtout à une piscivore ! Je
les dénoncerai à mon grand-père ; envoyez-leur des kilos de karité, suite à
la fessée, ils passeront l’automne à plat ventre. Ils appellent, réitèrent,
insistent, matin, midi, soir, jusqu’à l’accomplissement de leur programme,
qu’ils tiennent pour nécessaire à l’humanité. Ensuite, pour la paie, ils
s’inscrivent aux abonnés absents ou vous font lanterner, jusqu’à ce que la
tachycardie vous ordonne de les attendre avec un gourdin au Jugement
dernier. Alors, aussi déçu que déprimé, on se dit que l’immigration
nécessite vraiment une grand-mère de poche, pour tous ces jours gris qui
réclament une berceuse. Alors, musique ! Bach ou Kouyaté Sory Kandia, le
blues gronde, ronronne à vous rompre les cordes du cœur. Et ça dure ainsi,
jusqu’à ce que votre frigo vous encourage à parier à nouveau sur une autre
carotte. Et ainsi de suite ! Et vous souhaitez la longévité ?
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Je me souviens d’un de mes éditeurs étrangers, au demeurant,
brillantissime homme de Lettres, un polyglotte s’exprimant dans un français
des plus délicats ; et pourtant… Pourtant un jour, alors que nous avions à
peine fini de discuter de la belle idée goethienne de Weltliteratur, il me
sembla, soudain, poussé dans les plus sombres fourrés, j’ignore encore par
quel mauvais djinn. Après moult éloges à propos de mon roman
Inassouvies, nos vies, il ne trouva rien de scandaleux à m’annoncer, sûr de
son analyse :
– Mais, quand même, nous n’allons pas le traduire. Il est intéressant, très
littéraire même, avec beaucoup de poésie et de philosophie,
personnellement, j’ai vraiment pris du plaisir à le lire. Mais ce n’est pas ce
que notre public attend de vous. Les lecteurs espèrent quelque chose de plus
simple, vous comprenez ? Je veux dire, quelque chose de moins complexe
et, surtout, de plus joyeux, enfin, un livre plus africain…
Marmelade ou vaseline ? Il superposait les couches. Il pouvait tartiner à
grosses louchées sa logorrhée, il n’en mettrait jamais assez pour me faire
avaler ce qu’il venait de glisser dans mes oreilles. Ses mots couraient,
s’entrechoquaient dans mon cerveau, puis redescendaient me cogner le
cœur. C’était un homme bien élevé, avec les codes feutrés du siècle
précédent ; voyant ma réaction, il s’évertuait à y mettre les formes or, peu
importent les tournures qu’on lui donne, l’inadmissible reste tel qu’en lui-
même pour qui saisit l’essentiel. La quantité de pommade sur une blessure
ne fait que mieux la circonscrire. Contorsions ou pas, chacune de ses
phrases me laissait un bleu. Cet aîné, auquel je vouais jusqu’alors un grand
respect, avait-il donc usurpé mon admiration ? Discernement d’une taupe !
je sais maintenant que le Ciel ne m’a pas pourvue d’une bonne vue.
Monsieur, lui, s’était vite rendu compte de ma déception, mon sourire
paisible avait viré rictus d’éclair et signalait l’orage imminent. Éditeur,
dites-vous ? Non, en réalité, c’était un dresseur de teckels, pour quelques
billets dans sa principauté, il voulait votre front à hauteur de gamelle. Alors,
moi, qui voudrais être enterrée debout, avec ma rame ? Toujours sûr de son
autorité, Monsieur expliquait, souriait de me voir couver le Vésuve. Et, plus
il parlait, plus il s’enfonçait, réduisant mon reste d’affection pour lui en
miettes. À vouloir me faire manger dans sa main les propos qu’il tenait,
combien de phalanges risquait-il ? Il ne traduirait pas Inassouvies, nos vies,
soit ! sa décision confirmait ce titre, donc rien d’étonnant ; mais, peut-être
ne traduirait-il plus jamais un seul de mes livres, pensai-je, car je ne pouvais
prendre congé sans lui avoir dit ce que je pensais de sa lamentable vision de
la littérature. Comme il se voulait prévenant, il développa encore et encore,
puis, ordonna.
– Il faut que vous nous écriviez de petites histoires sympathiques qui
donnent envie de voyager en Afrique, ça intéressera plus le public. Et puis,
vous avez un vrai talent de conteuse, faites-nous des œuvres typiquement
africaines…
– Conteuse ! et pourquoi pas prêtresse vaudoue, pendant qu’on y est ?
rétorquai-je, excédée. Je n’ai pas signé de contrat pour écrire des berceuses
ou parler uniquement de l’Afrique, ni avec vous ni avec aucun autre éditeur.
C’est quoi, c’est comment ce que vous appelez « des œuvres typiquement
africaines » ? Donc, d’après vous, dans une œuvre typiquement africaine,
pas besoin de poésie ni de philosophie ? La complexité de l’âme humaine et
le besoin d’y réfléchir seraient-ils inconnus des Africains ? Je n’ai pas
vocation à donner à vos compatriotes le désir de voyager en Afrique, il se
peut que l’un ou l’autre de mes livres leur inspire cette envie, mais ce n’est
alors que pur hasard, la satisfaction de votre goût de l’exotisme ne peut être
la motivation de mon écriture. Et, puisque vous n’avez pas l’air d’être au
courant, sachez que mes lecteurs parmi vos compatriotes discutent par e-
mail et Skype avec leurs amis africains, ils savent qu’au Sénégal, nous
aussi, nous allons voir les lions et les éléphants au zoo et que Kirikou n’est
pas plus réel que le Père Noël !
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Vidéo de Fatou Diome
Au verbe contraint par les exigences d'un éditeur, Fatou Diome, pour qui l'écriture est pourtant une jouissance, une revanche, une nécessité, préfère le silence. C'est la thèse de l'essai flamboyant, drôle et imagé qu'elle publie en cette rentrée chez Albin Michel.
#littérature #écriture #rentréelittéraire
______________ Écoutez d'autres personnalités qui font l'actualité de la culture dans Les Midis de Culture par ici https://youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrrNrtLHABD8SVUCtlaznTaG&si=FstLwPCTj-EzNwcv ou sur le site https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture
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