C'est ainsi avec les Européens: ils se croient parfaits, supérieurs en tout, et n'admettent qu'à contrecoeur l'existence d'une manière de penser et d'une tradition différentes, plus archaïques peut-être, mais certainement pas inférieures. Tout ce qui ne leur ressemble pas les gêne, les met mal à l'aise. La civilisation occidentale leur paraît si accomplie qu'ils considèrent comme une offense personnelle toute culture qui, par sa différence même, s'insurge contre l'ordre établi. Notre défaut, justement, c'est de ne pas être ce qu'on attend de nous: des sauvages.
Je voudrais lui exprimer ma gratitude, mais tout ce que je pourrais dire me semble étrangement vide de sens. Même venant du coeur, les mots ne sont jamais que des mots.
- Coupez les racines d'une plante, et elle mourra. Chez l'être humain, les racines, c'est ce que chacun porte à l'intérieur de soi. L'âme, si vous voulez. On ne peut pas l'enlever et la remplacer par une autre.
Devant elle, absolument immobile, un cheval ! Sa robe était d'un blanc laiteux avec des reflets légèrement bleutés, d'une brillance et d'une clarté si étranges, comme si l'animal avait été engendré par les rayons de la lune. Il avait une longue crinière aussi soyeuse que la chevelure d'une femme, une queue touffue descendant jusqu'à terre. Ses yeux brillaient telles de perles noires. Attentif, tête redressée, il observait la jeune fille, mi-méfiant mi-surpris, mais en aucune manière intimidé ou apeuré.
Son amour pour l'animal était inépuisable. Peu lui importait d’être propulsée dans les airs. Elle savait tomber sans se faire mal. Quant aux innombrables bleus, elle n'en avait cure. Son plus grand bonheur fut le jour où le superbe cheval la porta patiemment et se laissa guider sans broncher.