L’atelier de mémoire a recueilli les récits de ces enfants devenus des adultes, des personnes âgées, des « grandes mamans » comme on les appelle là-bas. Trois groupes de participants se sont réunis successivement entre 2014 et 2018. Les textes du premier groupe sont parus en français, en 2017. Ceux du deuxième et du troisième groupe sont réunis ici
Un mouvement sans fracas anime la psyché de celles et ceux qui dans leurs récits tressent les fils d’une temporalité tridimensionnelle qui avait volé en éclats
Mais, quand tu es devenu un serpent, un cafard, à la porte de la mort, quand on t’a coupé la langue en coupant la nuque de ton enfant, la main de ton fils, le ventre de ta fille, tu ne fais plus confiance aux mots, tu les crains
Je suis vivant, je suis en vie », c’est surtout pouvoir le sentir, c’est avoir le droit de dire « J’existe » et reconstituer ce que le génocide a dévasté
Regroupés dans l’atelier de mémoire à Kigali, les participants ont trouvé la force et le courage d’écrire leur récit dans un groupe où chacun était le destinataire de l’autre, où chacun s’adressait à l’autre comme à l’ensemble du groupe. Sans la présence explicite d’un destinataire, sans visée thérapeutique délibérée, le témoin est dépossédé de ses propres paroles, de ses souvenirs et de son histoire
Ces mémoires singulières sont l’histoire du génocide, elles en restituent la réalité composite et sont une archive pour les générations futures
La vie doit continuer malgré la peine incommensurable. Il faut essayer chaque jour de regarder avec courage et dignité la vie devant soi
Comment se reconstruire quand plus personne n’est là pour vous parler de votre maison – « chez vous » – et de ses habitants ?
Les violences vécues par les survivant-e-s du génocide perpétré contre les Tutsi en 1994 au Rwanda sont extrêmement lourdes à porter. Les taire, les passer sous silence, les mettre de côté serait nier qu’elles font partie d’une histoire, qui a volé la vie de leurs proches et aussi la leur
Mémorial pour les disparus, conservatoire de leurs noms, conservatoire des familles décimées, les Cahiers de mémoire occupent un espace où se rejoignent la nomination des disparus et le récit énonciatif et mémoriel, qui restitue le vivant/le réel de celles et ceux qui ont péri