Au départ, la situation ne différait pas beaucoup de celle d’aujourd’hui. Il y avait le Canada et les Québécois, insatisfaits de leur sort, quoique jouant assez bien le jeu de la vie américaine. Il y avait eu des velléités de séparation de la part des francophones. Mais, une fois la différence de leur langue vivement affirmée, ils ne savaient plus très bien ce qui pouvait encore les distinguer assez radicalement du reste de l’Amérique pour justifier la formation d’un pays séparé. La commodité, le bon sens, la paresse ou la simple inertie retenaient les Québécois dans le compromis canadien. L’intransigeance de leurs concitoyens anglophones face à leurs revendications modestes quant à la protection de leur langue, les poussait bien à la séparation. Mais cette libération serait restée sans grand effet s’il ne s’était passé de tout autres choses.
— Ce sont les Québéciens qui se sont fait écraser par ceux qui avaient enfilé des armures plus solides.
— Le croyez-vous ? Certains peut-être. Mais la Québécie continue à exister, et les Québéciens dansent invisibles sur les forts de leurs ennemis. Justement parce que nous avons appris à jouer avec le hasard, c’est toujours notre jeu qui se joue maintenant. Mais c’est peut-être encore un peu difficile à saisir pour vous à présent. Vous me comprendrez quand vous aurez retrouvé tous les autels des Québéciens voués au Dieu Hasard, quand vous aurez appris à lui élever les vôtres. Pour l’instant venez plutôt voir ce que je viens d’inventer sur mon ordinateur.
Nous acceptions mieux la mort. Et paradoxalement, mieux la maladie aussi, même si nous jugions plus facilement que certaines maladies étaient des raisons de quitter la vie. Je me souviens que, tout en appréciant la santé, nous ne la considérions pas comme une valeur suprême, pas plus que nous ne donnions au confort le premier rand de nos considérations. Il était admis que l'élan de la vie devait prédominer sur le souci méticuleux de la santé ou du confort
Pour Anne, il faut raser le complexe et reconstruire autre chose, car les bâtiments de la période marchande sont non seulement dépourvus de beauté, mais anti-esthétiques, et donc à peu près irrécupérables.
Je veux répandre toute l'huile de ma vie sur notre incendie.