Francis Planque

Y-a-t-il musique plus desesperee que le tango argentin ? On n’y parle que de solitude, d’amour decu, de trahison… La solitude, Jimena la connait deja. La deception amoureuse et la trahison ne l‘epargneront plus bien longtemps. Mariee a Ernesto, qui pourrait etre son pere, elle se morfond aux confins de la Patagonie. Plus que tout, elle reve de quitter ce trou et monter a Buenos Aires, la ville ou tout est possible. Grace a Nick, un playboy de passage, elle abandonne Ernesto pour tenter sa chance a Buenos Aires. Mais comme dans un mauvais tango, elle n’y trouvera que le malheur.

Rhytme par des airs de tango et de superbes illustrations en pleine page, le recit nous fait partager la decheance de Jimena. L’usage exclusif de la voix off enleve toute passion du recit, mais renforce l’ineluctabilite du destin de Jimena. Graphiquement, les auteurs ont opte pour un traitement tres statique. Les flashbacks couleur sepia evoquent de vieux clichés. Dans les sequences contemporaines, les personnages semblent empruntes, comme des acteurs en position, attendant que le metteur en scene leur donne le signal. Aucune spontaneite non plus, donc.

Autant de parti-pris qui conferent a cet album un style sombre et envoutant. Jimena est un album difficile de par la distance qu’ont volontairement installe les auteurs entre les personnages et le lecteur. Mais cette distance finit par generer une emotion diffuse et persistante.