Timidité manifeste »
Article paru dans l'édition du 11.06.10
DANS L'AUTRE JARDIN (...), je fis le serment sincère de fuir jusqu'à ma mort la poursuite des succès terrestres et d'éviter les détenteurs de pouvoir (...), choisissant mes amis parmi ceux qui, innocemment, manquaient d'ambition. » Amusant de lire la conclusion de ce roman lorsqu'on sait le parcours de Francis Wyndham. Admettons pourtant que le narrateur ne soit pas l'auteur : c'est un adolescent qui, au sud de l'Angleterre, à la veille de la seconde guerre mondiale, observe le monde qui l'entoure. Un milieu choyé où gravitent le couple Desmarets et ses deux enfants, Sandy, à qui tout sourit, et Kay, « à la timidité manifeste et à l'air traqué » - Kay qui a tant de mal à trouver sa place dans sa famille et dans la société. Le roman brosse le portrait de cette belle mal-aimée ainsi que celui du monde vu par « ceux qui sont secrètement handicapés par un tempérament particulier ».
Fl. N.
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Les poèmes du recueil Crinkum-Crankum étaient en effet très mauvais, mais je les trouvais néanmoins fascinants. L'un d'eux en particulier, intitulé «Jardinage», commençait par ce vers qui me hantait, et dont je me souviens encore: «Je suspends mon pull à une branche.» Ce vers dégéageait une telle médiocrité que je suffoquais littéralement à l'idée que quiconque (quand bien même ce ne serait que l'auteur) ait pu prétendre appeler cela de la «poésie». Et cependant, l'image du pull suspendu à la branche réussissait parfaitement à évoquer, de façon presque aussi vivante et nette, une autre image d'Enid ffrench, celle d'une silhouette accroupie non loin de là, la tête, avec sa coupe à la graçonne, protégée par un chapeau de soleil à bords flottants, penchée au-dessus du parterre qu'elle désherbait... Si ce vers pouvait faire cela, n'était-ce donc pas de la «poésie», après tout?
Quelques uns des plus beaux vers jamais écrits furent déclamés par l'une des plus belles voix jamais entendues. La stature imosante et la force physique du comédien avaient fait du dévoilement progressif de la faiblesse d'Othello comme une menace de désordre cosmique impensable; lorsqu'une crise soudaine l'avait terrassé, on avait reconnu la terreur primitive d'un effondrement ultime et arbitraire; quand il avait lancé: «Alors le chaos est revenu», ses mots avaient grondé comme l'écho qui annonce le néant originel.
Il tenait de ses propres parents un principe tiré de leur austère dogme en matière d'amour: «Peu m'importe ce que font mes enfants, du moment qu'ils sont heureux.» (Dans les faits, ce principe n'est pas aussi permissif qu'il y paraît, car non seulement il fait du bonheur un devoir, mais il est également inhibant puisqu'il implique que, quoi qu'on fasse, c'est nécessairement avec raison, du fait même qu'on est l'enfant de celui qui s'exprime – dès lors, tout acte provocateur, expérimental ou destructeur perd de son sens avant même d'avoir été commis.)