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Citations de François Rastier (12)


L’enjuivement de notre culture et nos universités est absolument épouvantable et je pense que la race allemande devrait rassembler assez de force intérieure pour parvenir au sommet.

lettre à sa fiancée Elfride, 18 octobre 1916
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Le mot « inconcevable » évoque tout à la fois le caractère inattendu, imprévisible, des témoignages, comme la difficulté que la critique littéraire académique rencontre pour les qualifier. Par « exterminations » enfin, on entend en premier lieu l’extermination nazie, qui a surtout visé les Juifs, mais aussi le génocide des Tutsis au Rwanda, celui des Rohingyas en Birmanie, notamment. La réflexion s’étend à d’autres crimes politiques de masse, comme ceux qui furent perpétrés dans l’archipel du Goulag, au Cambodge, au Soudan, en Chine jusqu’à nos jours dans les camps du Sinkiang, en Syrie, au Kivu, etc.
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Les débats qui s’ouvrent aujourd’hui trouvent leur inspiration dans les résultats récents de disciplines qui n’appartiennent pas au noyau historique des sciences cognitives : depuis une quinzaine d’années, les convergences sans précédent de recherches dans le domaine de la génétique des populations, de la linguistique historique et comparée, de l’archéologie préhistorique et de la paléoanthropologie permettent de concevoir de façon nouvelle la genèse des cultures et l’émergence du monde sémiotique. Elles conduiront sans doute à reformuler le partage entre les sciences de la culture et les sciences de la nature et de la vie.
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Les formes sémantiques sont des moments stabilisés dans des séries de transformations, tant au sein du texte qu’entre textes.
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François Rastier
7
Cela suppose bien entendu que la volonté de détruire l’autre soit inscrite dans la
nature humaine : « la conception de la personnalité, telle qu’elle évolue de Hegel à
Nietzsche puis Freud (à bien des égards son plus fidèle disciple), est avant tout une
théorie de l’agression […] la conscience de toutes les possibilités du moi implique
l’assujettissement ou même la destruction de l’autre » (p. 63). La conclusion ne se fait
pas attendre : « ainsi, les réflexes de génocide du vingtième siècle, la dimension implacable du massacre proviennent peut-être d’une ruade de l’âme asphyxiée. Celle-ci
tente de retrouver “l’air libre” en abattant les murailles de la foule qui l’oppresse »
(p. 64). Il ne s’agit pas ici de race, mais de l’opposition entre l’âme (d’élite, évidemment) et les insectes (la foule devenue colonie d’envahisseurs). L’extermination est
ainsi devenue un réflexe naturel : « L’holocauste est un réflexe, plus intense d’avoir
été longtemps réprimé, de la sensibilité naturelle, des tendances animistes et polythéistes de l’instinct »14.
La grande exonération, celle d’Hitler et de l’Allemagne nazie, peut alors être entreprise, en diluant d’abord les responsabilités : « L’holocauste n’est pas la conséquence
d’un état morbide individuel ou des névroses d’une seule nation » (1973, p. 46). L’extermination est donc le fait de la culture occidentale, après la « mort de Dieu » : « En tuant
les juifs, la culture occidentale éliminerait ceux qui avaient “inventé” Dieu » (p. 52).
Steiner conclut donc : « L’antisémitisme nazi est le couronnement logique de l’éternelle vision chrétienne » (1969, p. 186). Au-delà, le monothéisme juif devient par luimême la cause de l’extermination : « À travers l’histoire, le monothéisme absolu s’est
révélé quasi intolérable » (1973, p. 50). Les persécuteurs ont donc agi selon la raison :
« certains soutiennent, de façon convaincante, que l’antisémitisme nazi et stalinien, tout
meurtrier qu’il était, obéissait en dernier ressort à des objectifs rationnels » (p. 45).
Dans un anodin compte rendu de Günter Grass, Steiner affirme : « Il existe un lien
secret et arrêté de toute éternité entre juifs et fascistes, une identité cachée ou une attirance mutuelle plus profonde que les manifestations ostensibles de mépris ou de violence. […] C’est du judaïsme même que le nazisme a tiré sa propre foi en une race
“élue”, son nationalisme millénaire et messianique. […] La communauté juive d’Allemagne attira l’ouragan sur sa propre tête en flattant insidieusement les désirs les plus
subtils de la bête. Une extermination aussi calculée et totale ne peut qu’impliquer une
complicité occulte entre la victime et le bourreau » (1969, p. 130)15. Les juifs sont donc
complices sinon coupables de l’extermination.
Allons plus loin : « c’est le Juif qui a remis en question l’idée que notre espèce,
l’homo sapiens, a été d’une certaine manière créée à l’image de Dieu. Sans le Juif, il n’y
aurait pas pu y avoir cet effacement de l’homme qui est Auschwitz » (De la Bible à
Kafka, 2002, p. 30).
Steiner commente posément : « Dans mon œuvre, du moins dans la majeure partie de
mon œuvre, je me suis attaché directement ou indirectement à élucider, à énoncer clairement les causes et les finalités de l’holocauste » (1973, p. 44, je souligne). Il fait dire
par ailleurs à Gervinus Röthling : « n’importe qui peut dire Auschwitz, et s’il le dit assez
fort, il n’y a plus qu’à baisser les yeux et écouter [...] C’est trop facile » (1981, p. 163).
S’est-il garanti contre cette facilité ?
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François Rastier
6

L’exonération. – Steiner a consacré un livre à l’extermination, Dans le château de
Barbe-Bleue (Paris, Seuil, 1973) qui synthétise les grands thèmes repris ensuite dans
d’innombrables essais, livres de souvenirs et recueils d’entretiens.
Il y reprend la thèse heidegerienne que les camps d’extermination nazis sont l’aboutissement de la pensée technique : « le camp de concentration reflète la vie de l’usine,
[que] la “solution finale” est l’application aux êtres humains des techniques venues de
la chaîne de montage et de l’entrepôt » (pp. 61-62).
Ce type d’explication par un déterminisme technique est redoublé par un déterminisme
biologique : l’analyse que propose Steiner est explicitement sociobiologique. Par exemple,
les nazis empruntèrent à l’écologie animale le concept d’espace vital (Lebensraum)13. Or,
Steiner, sans analyse politique de l’extermination, en fait une lutte pour l’espace vital :
« Nous passons une grande partie de notre vie dans le coude à coude menaçant de la foule.
L’espace vital, le besoin de s’isoler, subissent la pression gigantesque du nombre. Il en
résulte une tendance contraire à “dégager”. D’une part, la masse palpable de l’uniformité,
les colonies d’insectes qui envahissent villes et plages rabaissent toute notion de valeur
individuelle […] D’autre part, sentant notre identité mise en cause par le suffocant marais
de l’anonyme, nous sommes saisis d’accès meurtriers, du désir aveugle de foncer pour
nous faire de la place. » (p. 62 ; ces insectes, rappelons-le, sont des hommes). On a compris que l’urbanisation est la source de nos maux : « Il est prouvé que les êtres humains
sont mal faits pour vivre dans l’étouffante densité de la ruche industrielle urbaine. Au bout
d’un siècle, l’accroissement du bruit, l’accélération du mouvement et des cadences de travail, la puissance multipliée de l’éclairage artificiel, ont peut-être atteint un seuil pathologique et déclenché des instincts de dévastation » (p. 63, je souligne).
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François Rastier
5

Steiner conclut par une question à laquelle il a déjà donné une réponse : « est-ce pur
hasard que ces constructions visionnaires […] soient toutes trois d’origine juive ? »
(p. 58). En quoi l'anthropologie structurale serait-elle « d'origine juive » ? De même que
la physique d'Einstein, jadis condamnée comme telle ? 10
Dans un entretien avec Laure Adler, Steiner a donné une clé de son humanisme en
disant : « Par trois fois, le Juif a exercé sur l’homme un chantage d’un poids lancinant »
(par le monothéisme, le christianisme et le marxisme ; il s’agit bien du Juif en général
et de l’Homme en général) ; en conséquence, « l’antisémitisme est une sorte de cri
humain » (France-Culture, 19.11.03). On aura saisi que le Juif est l’ennemi de l’homme :
l’humanisme bien compris aurait-il pour fonction de libérer l’humanité des juifs ?
Ce propos est inlassablement décliné : « Par trois fois, dans l’histoire de l’Occident, le
Juif s’est efforcé d’affronter la conscience humaine » (Errata, 1998, p. 84), par le monothéisme, puis par le christianisme, qui « demande un altruisme, une retenue qui va contre
l’instinct, “contre-nature”, envers tous ceux qui nous blessent et nous offensent »
(p. 86) ; enfin par le marxisme « autre grande hérésie du judaïsme » (p. 87). C’est de ce
« triple chantage » que « procède la détestation » (p. 89), le judaïsme causant ainsi l’antisémitisme, car « le Juif retient en otage la chrétienté, et, de fait, l’espèce humaine »11.
Ces thèses n’ont évidemment rien d’anodin : la critique du monothéisme a été un des
leitmotiv du néo-paganisme nazi ; le thème chrétien du pardon aux ennemis a été évidemment critiqué au nom d’une politique fondée sur l’agression12 ; enfin, la théorie du
judéo-bolchevisme reste un des poncifs surannés des nostalgiques de l’hitlérisme.
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François Rastier
4
Les sciences et la philosophie font l’objet du même type de lecture magistrale. On
sait que les notions de « théorie juive » et de « science juive » ont justifié que l’on brûle
des livres et qu’on tue leurs auteurs. Elles sont raciales, indépendantes de toute référence au judaïsme et de toute inscription dans sa tradition. Par exemple, la pensée de
Lévi-Strauss ne se réfère jamais au judaïsme et ne dépend d’ailleurs d’aucune tradition
religieuse : il n’y a donc aucune justification, sauf antisémitisme de principe, à la qualifier de juive.
Mais dès lors qu’on caractérise une pensée, une œuvre scientifique ou littéraire par
la judéité de son auteur, on pose qu’elle procède d’une détermination « ethnique » –
c’est le mot qu’emploie Steiner à propos de Marx, Freud et Lévi-Strauss. Il existerait
entre leurs œuvres « un lien génétique » (2003, p. 55) qui n’est pas celui des théories,
mais des auteurs, « des côtés judaïques spécifiques »7. Ainsi, après la « pensée juive »
de Marx, voici la « sensibilité juive » (ibid.) de Freud8. Quant à Lévi-Strauss, « il a le
sentiment obsessionnel de la rétribution » (ibid.) ; nouvel Isaïe, il aurait « formulé une
vision prophétique de l’apocalypse, qui par son caractère vindicatif et persuasif vaut
bien celle qui ont vu le jour depuis l’Apocalypse de Jean et les paniques millénaristes
du Xe siècle »)9.
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François Rastier
3
Au regard de ces virils carnages, l’Odyssée semble naturellement bien amollissante.
Athéna et Ulysse « marchandent comme des camelots dans les rues de Damas, chacun
essayant de rouler l’autre » (p. 214)4. « Ce parfum-là, subodore notre maître à lire, vient
de l’Orient » (p. 215). D’ailleurs, « par deux fois au moins, les vents qui poussent Ulysse
viennent d’Arabie. Quand il rencontre Nausicaa, il semble venir tout droit des Mille et
une nuits » (p. 213). Bérard disait l’Odyssée phénicienne (p. 215) et « il est certain qu’on
y retrouve […] des échos de mythes africains et asiatiques » (p. 212).
Si l’Ulysse de Steiner n’est pas explicitement juif, bien que par « une intuition caractéristique » Joyce ait « fait de son Ulysse un juif » (p. 215), il est assurément oriental ;
n’a-t-il pas « le teint très mat » (p. 214), « le regard vagabond et ironique », qui contraste
avec les « yeux brillants et anciens » de l’Iliade ? Peut-on alors lui faire confiance ? « Les
personnages de l’Iliade sont d’une simplicité pleine de résonances et ils évoluent dans
une lumière franche, alors que le héros de l’Odyssée est aussi fuyant que le feu » (p. 213).
D’ailleurs, alors que « quelque chose dans l’homme aime la guerre », Ulysse feignit la
folie pour l’éviter. Est-il donc un homme, un vrai, comme les héros de l’Iliade ?
L’Iliade semble bien posséder un caractère germanique ou nordique qui justifie l’expression « la saga de Troie » (p. 217). Sa facture est bien supérieure à celle de l’Odyssée : « L’épopée guerrière est sculptée dans de grands et solides blocs de granit ; l’histoire du long voyage de retour est un habile tissage » (p. 211), autant dire une œuvre
féminine. Dans cette histoire languide, « on ne retrouve plus les anciennes flambées du
style héroïque, et la simplicité vigoureuse de la vie autour de Troie a fait place à toutes
les ironies, à toutes les complications » (ibid.).
Ainsi, l’Iliade, peuplée de francs guerriers aux yeux clairs, se recommande par une
granitique facture et le style héroïque d’une saga, alors que l’Odyssée, histoire d’un
camelot levantin au teint mat et au regard fuyant, n’est qu’un tissage d’artificieuses complications, comme un « conte de fées oriental » (p. 213)5.
On retrouve ainsi, adroitement disséminés en quelques pages sur le mode de l’insinuation, tous les poncifs raciaux d’une littérature inspirée d’un Rebatet pour qui Steiner ne cache pas son admiration6. Dans tout ce pathos, aucune considération littéraire
ou linguistique : une obsession qui ne nous apprend rien sur Homère mais beaucoup sur
Steiner.
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François Rastier
2
Lire la lecture. – George Steiner ne se définit pas comme un professeur ou un
essayiste, mais comme « un maître à lire » (cf. Nostalgie de l’absolu, Paris, UGE, 2003,
p. 4). Voyons, par exemple, comment il lit Homère, puisqu’il patronne la grande exposition sur Homère qui aura lieu cet automne 2004 à l’École Nationale des Beaux-Arts.
Dans « Homère et les professeurs » (in Langage et silence, 1969), Steiner admire une
Iliade guerrière : « Même au milieu des carnages, on sent la pulsation de la vie et sa
gaieté sauvage. Homère sait et proclame que quelque chose dans l’homme aime la
guerre, craint moins les horreurs des combats que l’interminable ennui du foyer »3.
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François Rastier
I. L’insoupçonnable augure

Partout présent sur les ondes
et dans la presse culturelle, George Steiner est évidemment inévitable : honneurs, Légion d’honneur, chaires prestigieuses ; lauréat du Jewish
Quarterly Literary Prize for Non-Fiction , du prix Principe de Asturias ; 17.000 hits sur
Google, etc. Pour les média, il incarne aujourd’hui la Culture. Chacun sait qu’il appartient « à cette famille des grands esprits cosmopolites qui ont fait la réputation de l’Europe de la Renaissance ou de l’Europe des Lumières : Erasme par exemple, Leibnitz ou
Montesquieu »1. Lui décernant en 2003 le Prix Ludwig-Boerne, le ministre allemand
Joschka Fischer confirme : « Il est un maître du mot et l’une des rares figures de notre
temps à disposer d’un savoir universel de notre temps ».
Cette unanimité ne semble pas connaître de limites: le Cahier de l’Herne consacré à
Steiner (2003) recueille les contributions, entre autres, d’un poète lauréat et professeur
au Collège de France, d’un théologien dominicain, d’un directeur de revue catholique,
d’un professeur de l’Université hébraïque de Jérusalem, mais aussi, introduits par Steiner, de deux pamphlétaires antisémites, Pierre Boutang et Lucien Rebatet 2. Ne cherchons pas trop qui gagne à ces iréniques voisinages.
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François Rastier
L’après-culture

– à partir de George Steiner

Après un silence relatif, assez long, les milieux culturels et artistiques se sont emparés de l’extermination comme d’un thème esthétique et non plus seulement politique.
Or, discours brouillés et doubles langages se développent aujourd’hui, dans une situation diversement marquée par le retour d’un antisémitisme qui parcourt tout l’éventail
politique, par un renouveau concomitant des rêves identitaires et de philosophies politiques de l’état d’exception.
Pour prendre la mesure de ces questions, nous consacrerons l’essentiel de cette étude
à une relecture de Steiner, car cet auteur synthétise des ambiguités éclairantes, mais restées largement inaperçues.
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