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Citation de Cesco


Hylas devinait sans peine la destination de la fillette, car les trafiquants d’esclaves emmenaient à Corinthe leurs plus belles marchandises, sachant qu’ils y trouveraient de riches acheteurs à la recherche de filles suffisamment belles pour être vouées à Aphrodite.
— Nous étions six filles. La plus âgée avait 12 ans et la plus jeune pas plus de 8. On nous conduisit chez Bacchis, une femme très riche, ou du moins je croyais qu’elle l’était, car je n’avais jamais vu tant de vaisselle d’or dans une maison. Ce n’était pas une prison, mais où aurions-nous pu aller ?
Alors Laïs raconta l’éducation qu’elle avait reçue, avec ses nouvelles compagnes, pour servir au temple de la déesse et satisfaire les désirs de ses dévots. Elle parla de la danse, du chant. Elle évoqua les leçons de bonnes manières – « Au lieu de te jeter sur les plats comme une malapprise, touche délicatement les mets du bout des doigts, prend chaque bouchée en silence et sans te remplir les joues. Bois doucement, par petites gorgées, et ne t’enivre pas car c’est ridicule et les clients détestent les femmes ivres… » – Les apprêts pour mieux séduire, les fards, les artifices et les secrets qui permettent de s’embellir. Elle parlait de ce monde-là comme d’une colonie de femmes vouée à l’initiation des mystères et d’où l’autre sexe semblait proscrit.
— Et les hommes, alors ? demanda Hylas avec sa brutalité de marin tripotant les filles de port.
Oui, les hommes, dès le début. À peine quelques jours après son débarquement. Elle en avait pleuré de honte malgré les admonestations de Bacchis. « Voyez le grand malheur ! Tu deviendras riche, tu auras beaucoup d’amoureux. Pourquoi pleures-tu, Laïs ? Ne vois-tu pas tout ce qu’il y a de courtisanes, comme elles sont recherchées, combien elles gagnent d’argent ? J’ai connu Daphnis en haillons quand elle était petite. Vois maintenant comme elle est mise avec ses bijoux, ses robes brodées et ses quatre servantes ! »
— J’ai passé deux ans à Corinthe dans la maison de Bacchis. Elle espérait qu’un de ses clients m’achèterait pour m’offrir au temple d’Aphrodite, mais personne n’offrait un prix suffisant à ses yeux. Parmi les clients étrangers que je revoyais irrégulièrement, au rythme de leurs escales, se trouvait un marchand de Milet, en Asie Mineure. Il négociait des convois de blé avec la Grèce et me demandait toujours lorsqu’il débarquait à Corinthe. Il me disait qu’il était horriblement malade en mer par mauvais temps, et il avait la jambe droite plus courte que l’autre, ce qui lui donnait le pas chaloupé des matelots. Il était moins vulgaire que d’autres et me faisait de menus cadeaux en cachette de Bacchis. Un soir, il vint me trouver et me déclara que je vivrais désormais avec lui. Il lui en avait coûté la somme exorbitante de 1 000 drachmes.
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