D’une enfance
accoudée de très près aux choses,
nous avons dû sortir en nous divisant
sur nous-mêmes :
un signal aurait donc été donné
la fourche abrupte d’un orage
dans une toute première forêt
ou cet embranchement de chêne
et de hêtre
par quoi le mot s’était
nommé
et installé
à notre place :
catapulte ou tir d’arbalète.
Soirs de bourres et d'écumes
dans un lâcher d'étés :
comme si s'était accoudé en nous le vertige
dans la montée basanée de l'histoire,
au solstice de quelque chose de déjà trop précoce
et comme s'il s'était agi d'un retard du réel,
de sa défection latente,
d'un liseré de poussière déterminant
le jour juste sous la paupière,
fraction ou décimale ajoutée à quelque lumière
comme d'en distraire la vitesse,
quart obscur sur lequel,
tournoyant et tournant,
l'écriture se rejoue,
bille, toupie, cerceau.
J'ai longtemps marché sur des échasses,
comme à proximité de moi
assez
suffisamment pour savoir
la taille exacte de l'enfance :
elle est grande, très grande et rien ne lui ressemble,
sauf peut-être l'infiniment petit
tapi dans l'écriture dont elle était l'errance.
Pouvoirs
Peut-être, le visage se souvient-il encore, lui.
Il doit avoir des yeux comme du fenouil, des yeux comme
une seule poignée de thym sauvage dans la main.
Quelqu’un le regardait, alors.
Le regardait comme on regarde un oiseau.
Mais n’a pas aimé l’arbre, la feuille.
Aujourd’hui, je n’ai plus que des doigts.
Une vie comme une grande étoile sur la mer.
Qui s’ajoute aux étoiles.
Parfois, la nuit, une main appuie sur l’eau la courbe de
la barque.
Mais, c’est à peine.
On se dissout plus loin.
Mémoire.
Et le jour.
Et qu’il tombe.
Une main venue prendre un caillou sur la plage.
Ici, un quiproquo de mots , de vie.
…
On me prescrit des heures.
on soigne qui je fus.
J’irai dire, plus loin,
Comment on vit en soi.
À force de fatigues.
J’ai arrimé des ports.
Sous l’aisselle des vagues
Mes mots ont transpiré,
Épongés par le sable fin de chaque plage,
Où je t’ai rencontrée.
La mer et son pelage,
Le jour et ses efforts, ses fiertés de rapace,
Ont bandé nos corps.
Je crois qu’il ne faut pas nous chercher d’autre race,
Ni d’autre particule.
Le temps qui éjacule l’a fait à notre place.
Je promène mes plages.
Jadis, j’ai dû m’aimer.
À présent je réside
En de vieux temps tannés,
Dont le jour seul décide.
Demain nous fera face,
Dans des étangs ruinés,
J’écrirai ma préface.
Rien n’aura sur la terre
Le droit d’être l’aîné,
Rien,
Si non dans la pierre,
La fissure,
Et le fait d’avoir joué l’été.