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Citation de Clairoche


Il s'agissait de tout autre chose : du fait qu'elle avait couché la semaine précédente avec un garçon nommé Nicolas, qu'elle en avait retiré beaucoup de plaisir, et que cela ne se reniait pas. Et si, à ses yeux, les devoirs d'une femme, d'ailleurs, s'arrêtaient là, elle obéissait cette fois-ci à une loi morale, bizarre pour beaucoup, mais, à ses yeux, fondamentale : la reconnaissance. (Loi qu'observaient encore, par bonheur, de rares mais inflexibles citoyens des deux sexes.) Car vraiment, il n'était pas supportable que l'on évoquât devant elle, comme d'un eunuque ou d'un pantin, le corps solide, les mains douces, la bouche habile de cet homme qui s'était dévoué à son plaisir comme elle s'était dévouée au sien. Même si elle avait eu très longtemps une idée ridicule de l'amour sentimental, elle ne l'avait jamais eue de l'amour physique. Il lui avait toujours semblé qu'il y avait une dette d'honneur entre un homme et une femme, si cette dette avait été contractée au fond d'un lit. Et que les agios de ces dettes se soient traduits le plus souvent pour elle par des cris, des larmes et de sanglants règlements de comptes, n'était pas important. En revanche il aurait été déshonorant de renier tout cela, tous ces instants superbes passés bouche à bouche, toutes ces impérieuses questions et toutes ces évidentes réponses, toutes ces nécessités absolues, ce besoin que l'on avait eu l'un de l'autre. Même si à l'heure présente elle n'avait plus envie de ce regard, de cette bouche ou de ce corps, et même si le fait de les honorer dans sa mémoire, et de se refuser à les renier ou à les travestir, devait entraîner pour elle la plus cruelle des infirmités – c'est-à-dire la perte d'un autre corps, d'une autre bouche et d'un autre regard.
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