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Citation de mandarine43


[Incipit.]

La soirée se passait chez Alfern, un médecin mondain, et j'avais beaucoup hésité à m'y rendre. L'après-midi que je venais de vivre avec Alan, mon mari, un après-midi qui condamnait quatre ans d'amour, de coups, de tendresse et de révoltes, cet après-midi, j'aurais préféré le finir dans les bras de Morphée ou dans ceux de l'ivresse. Mais en tout cas, seule. Bien entendu, en excellent masochiste qu'il était, Alan avait insisté pour que nous allions à cette soirée. Il avait repris son beau visage et il souriait quand on lui demandait ce que devenait le couple le plus uni de Paris. Il plaisantait et répondait n'importe quoi de drôle tout en me serrant violemment le coude qu'il avait gardé entre ses doigts. Je nous voyais dans les miroirs et je souriais aussi à cette charmante image qu'ils me renvoyaient : également grands, minces, lui blond, les yeux bleus, moi, les cheveux noirs et les yeux gris, les mêmes gestes et aussi, déjà apparente, la même défaite profonde. Seulement, il alla un peu trop loin et quand, à la question d'une sotte attendrie «Vais-je être bientôt marraine, Alan ?», il répondit qu'avoir un homme comme lui dans ma vie me comblait et que je n'en méritais pas deux, je vis rouge. «Ça, c'est vrai», dis-je, et comme dans certaines musiques un paroxysme annonce soudain le thème suivant, je m'échappai de la main d'Alan et lui tournai le dos. C'est ainsi, au cours d'un cocktail pareil à un autre, dans un Paris d'hiver, que je me trouvai face à face avec Julius A. Cram. Je m'étais dégagée si vite et si brutalement que je sentais contre mon dos le dos d'Alan trembler de colère. Le visage de Julius A. Cram - car il se présenta à moi instantanément ainsi : Julius A. Cram - était un visage pâle, terne et secret. À tout hasard, je lui demandai s'il aimait la peinture exposée en ces lieux. C'était, en effet, pour présenter les toiles de l'amant de la maîtresse de maison, la turbulente Pamela Alfern, que l'on donnait cette partie.
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