Fred Juliani

Le droit de se taire, la présomption d’innocence, le respect des droits de la défense, la présence des avocats dans les interrogatoires et tout le tintouin, sont des entraves à la manifestation de la vérité, des bâtons dans les roues qu’on leur met pour les empêcher d’avancer, une sorte de complot de la loi pour laisser les criminels en liberté ; après tout ça, la bouche en cœur, le procureur et sa hiérarchie auront beau jeu de lui reprocher son manque de résultats, et en arriver à lui fixer un ultimatum !

Cette histoire est absurde, comme il est absurde de penser que les crimes parfaits ne sont parfaits que parce qu’ils sont commis en dehors de tout témoin. Sauf que le policier ou le journaliste, habitué à se confronter à ce monde, sait que l’auteur d’un crime aussi parfait soit-il, est le témoin de son propre crime, et comme tout témoin il a besoin de témoigner, par orgueil, vanité, pour que son geste passe à la postérité et que finalement tout le monde le connaisse.

Un mort chasse l’autre, ainsi vont les journalistes ; parler de ce qui s’est passé avant-hier n’intéresse personne, ils n’ont de chances d’être lus que s’ils supputent, envisagent, inventent, créent la curiosité du lecteur. Savoir ce qui va se passer maintenant, là, tout de suite, c’est forcément plus jouissif. Il faut laisser le passé aux historiens, et pour les faits divers, le passé c’est déjà hier...

C’est un film en noir et blanc, l’absence de couleur va sans doute accroître la dramaturgie, mais perturbés par leurs propres angoisses, ils ne rentrent pas vraiment dans le film. Au générique de fin ils ne font pas de commentaires, ils vont se coucher et tombent comme deux souches dans un profond sommeil, comme si les images angoissantes passées devant leurs yeux n’étaient pas parvenues à leur cerveau.

« Tout le monde peut devenir un assassin. Un moment de colère, d’égarement, vous avez pris un couteau de boucher et vous l’avez frappée, et frappée encore sans pouvoir vous maitriser. Ce n’est pas plus compliqué que ça, c’est possible, ça été plus fort que vous ! »

C’est fou comme un détail sans importance vous fait poser un tas de questions aussi futiles qu’inutiles, lorsque votre esprit est en état de faiblesse.

...la justice des hommes emprunte souvent des chemins tortueux et plus d’un, de bonne foi, peut y trébucher, et avant que la vérité n’éclate au grand jour, on peut se retrouver derrière les barreaux et y moisir des semaines, des mois, voire des années !

La justice est ainsi faite, l’innocence est présumée, encore faut-il la prouver !

Quelle folie de ne pas vivre ensemble, que de caresses, que de baisers manqués, sept ans et tout ce temps perdu. Et c’est comme si tout recommençait, comme si c’était hier,

« Laisse-moi t'aimer rien qu'une nuit, laisse-moi rien qu'une nuit voir dans tes yeux le plus merveilleux paysage… ». Il en sourit, mais c’est vrai, après ses promesses, il n’espérait pas qu’Ellen vienne le retrouver aussi vite, sans préalable ; c’est une bouffée d'air dans son quotidien qui commençait à s’étriquer sérieusement. Il va tout faire pour rattraper le temps perdu et surtout faire ce qu’il ne lui a pas encore vraiment promis, ne plus faire de politique. Si par bonheur elle faisait ce qu’elle a dit, vivre avec lui, accepter de se marier, avoir un enfant… un bonheur pareil est difficile à imaginer, mais pourquoi pas ? Après tout, ils le méritent bien ce bonheur ensemble.

L’argument était qu’on ne devait pas toucher à ces lieux parce que les âmes ou les esprits qui n’avaient pas trouvé le chemin du ciel, devaient pouvoir garder un lieu sur terre et ce serait une faute, un péché, un crime que de les en priver.

. Une chose est sûre, les vieux le disent : personne ne choisit sa maison, c’est elle qui vous choisit, alors tout ce qui advient n’est la faute à personne, n’est pas de la volonté humaine mais bien de la volonté de la maison elle-même ; c’est elle qui provoque les évènements, bons ou mauvais. C’est à chacun, en conscience, d’y rester ou d’en partir.

Cette maison porte la poisse, les couples se désunissent, ils n’ont jamais d’enfant… certains en perdent la vie ou disparaissent sans aucune trace laissée, cette maison n’a jamais été habitée bien longtemps, toujours abandonnée avec une incroyable facilité. Et le plus surprenant, est qu’il se trouve toujours quelqu’un d’autre pour la reprendre et puis s’en aller à son tour, peu de temps après, fuir plutôt que partir, sans tambour ni trompette.

Ils s’embrassent longuement, mais malgré leur envie ils n’osent rien se promettre, ils vont laisser du temps au temps, le hasard décidera pour eux, il le fait mieux que personne. Mais non, laisser le temps au temps quelle stupidité, le temps qui passe à ne rien faire est du temps perdu, pourquoi se priver d’être ensemble ?

Tout est confus dans son esprit, le présent et l’avenir font assaut d’images entre réalité et rêve. Lui, torse nu, coupant du bois avec son père, était tout à l’heure à mille lieues de penser à Ellen assise sur ce muret, qui le regardait. Elle avait une quête, un rêve à accomplir et cela s’appelle le destin, et elle l’a aspiré dans son tourbillon.

Alors, par esprit de provocation, pour se donner un peu d’adrénaline, Ellen s’est entichée de littérature fantastique, elle s’est complètement immergée dans les écrits d’Oscar Wilde, de Mary Shelley, d’Edgar Allan Po, de John Connolly, elle a absorbé aussi tous les Harry Potter et consorts, et pour y ajouter un peu de suspense, elle n’a pas hésité à lire aussi les Agatha Christie, les Mary Higgins Clark et autres romans policiers noirs, plus déjantés les uns que les autres. Mais toutes ses lectures ne satisfont pas sa curiosité de cet autre monde. Une obsession la taraude : rien ne vaudrait mieux pour elle que de pouvoir un jour vivre dans une vraie maison habitée par un de ces êtres qui a choisi ou été contraint de vivre dans l’entre-deux, une sorte de mort vivant qui la désignerait pour être son messager, son exécuteur testamentaire, pour accomplir ce qu’il n’a pas eu le temps de terminer, coupé dans son élan, parti trop tôt.

Ces Français sont capables de tout et son contraire. Toujours prompts à lever le poing pour la lutte féroce pour le droit au travail pour tous, revendication forte, et à son opposé, assumé aussi, le droit à la paresse, ce temps passé à ne rien faire clairement revendiqué. C’est là leur incompréhension, ils sont tristes, désabusés même, ils admettent qu’ils n’ont pas, inné ce fameux niveau de philosophie pour accéder à cette contradiction extrême. Ils le regrettent et le disent amèrement : – n’a pas une âme de Français qui veut !

Cela dit, la réalité est incontournable, on vient d’où on vient, on n’oublie jamais ce que l’on est, on ne perd pas son identité parce qu’on change de pays.

Face à ces Hollandais réfractaires qui ne cessent de répéter qu’ils ne croient que ce qu’ils voient, ces mêmes intellectuels, bigots souvent, très présents dans cette contrée de France, insistent et vont d’exemple en exemple tenter de les convaincre de passer leur chemin, il ne se passerait rien de bon pour eux s’ils décidaient de vivre ici. Ainsi insistent-ils : nos yeux ne peuvent pas percevoir le monde microscopique qui nous entoure et pourtant ce monde existe bien. S'arrêter uniquement sur les observations, sans se poser de questions, nous ferait descendre au rang des bêtes... Ils leur expliquent avec conviction : quand vous voyez des traces de pieds sur le sable, vous en déduisez qu'il s'agit des traces d'homme, vous savez qu'un homme est passé par là, sans même l'avoir vu,

Leur regard sur la vie n’est plus le même, étonné qu’il puisse encore exister des lieux pareils, tellement reposants pour les yeux, pour l’esprit surtout. Une vraie respiration qui leur vient du fin fond de leur ventre, celle qui inonde pleinement les poumons et vide la tête, le bonheur absolu qu’ils espéraient, le petit paradis qu’ils cherchaient, il est là, il n’est certes pas grandiose, ni extraordinaire, mais ils en sentent le parfum autour d’eux et ça leur fait du bien.